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"Sur les chemins noirs" : Pierre (Jean Dujardin), écrivain, s'est lancé un défi après son accident: traverser la France à pied (©Apollo Films).

Sortie cinéma. Sylvain Tesson est un homme de parole. Après une grave chute qui avait failli lui coûter la vie en 2014, l’écrivain avait fait ce serment: « Si je m’en sors, je traverse la France à pied ». Il l’a fait, en a tiré un livre, maintenant adapté au cinéma: le film « Sur les chemins noirs » du réalisateur Denis Imbert, sort sur les écrans ce mercredi 22 mars.


« Sur les chemins noirs » : Le film est à la fois intime et universel, comme les livres de Sylvain Tesson


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« Sur les chemins noirs » : Jean Dujardin (Thomas Goisque – 2021-Radar Films-La Production Dujardin)

Dans le film « Sur les chemins noirs », Syvain Tesson est rebaptisé Pierre et son personnage est interprété par Jean Dujardin. Un soir d’ivresse, cet écrivain-explorateur, aventurier, baroudeur et fan d’escalade tente de gravir la façade d’un immeuble en s’agrippant à la gouttière. Il tombe à la renverse et s’écrase au sol. « Il avait suffi de huit mètres pour me briser les côtes, les vertèbres, le crâne », racontera-t-il plus tard.

Coma profond

Cet accident lui cause des fractures multiples et le plonge dans un coma profond. Sur son lit d’hôpital, revenu à la vie, on lui dit que, peut-être, il ne remarchera plus. Il se fait alors la promesse de traverser la France à pied, du Mercantour au Cotentin.

Un sac à dos, une casquette, deux bâtons de marche et de bonnes chaussures: quelques mois après son rétablissement, Pierre part sur les chemins. Et marche, marche, marche.



En plein soleil ou sous la pluie

Il marche en plein soleil ou sous la pluie. Il marche, remplit sa gourde à une fontaine, marche, tombe en traversant une rivière, marche, fait un feu de camp chaque soir et dort à la belle étoile, marche, prend des notes dans son petit carnet avec son stylo 4-couleurs, marche, s’allonge sur un banc de pierre, marche, marche, marche.

Il fait halte dans un monastère ou chez une tante (Anny Duperey). Il rencontre une vendeuse de fromages qui lui fait des avances, un villageois qui le reconnaît, des paysans qui lui racontent leur vie, un jeune marcheur qui fait un bout de chemin avec lui. Il est rejoint aussi, pour quelques jours, par son meilleur ami (Jonathan Zaccaï) ou par sa soeur (Izïa Higelin). Ce voyage unique et hors du temps durera 1.302 kilomètres…

Intime et universel

Le film est à la fois intime et universel, comme les livres de Sylvain Tesson, fils du journaliste Philippe Tesson récemment disparu: essais, nouvelles et récits de voyage, dont deux ont déjà donné lieu à deux longs-métrages au cinéma, DANS LES FORÊTS DE SIBÉRIE en 2016 et LA PANTHÈRE DES NEIGES en 2021.

Le réalisateur Denis Imbert, dont c’est le troisième film (après VICKY en 2015 et MYSTÈRE en 2021), a choisi d’ajouter aux images de ce voyage la voix off de Jean Dujardin, qui cite régulièrement des passages du livre. Il utilise aussi de nombreux retours en arrière, qui permettent à l’écrivain de se souvenir: les soirées parisiennes, la gloire littéraire, l’alcool et les cigares, l’accident, son ex-petite amie qui l’aimait alors et qui plus tard l’a quitté (Joséphine Japy), sa mère décédée peu auparavant et dont il garde une lettre pliée dans le fond de son sac à dos…

Critique du monde moderne

Le livre comme le film comportent leur part de critique du monde moderne et rendent hommage à ce qu’on appelle parfois « la France profonde ». À un moment, Pierre passe, dans la Creuse, devant un grand panneau sur lequel on peut lire: « Ici on cherche un médecin ». Il fustige aussi les « néo-ruraux », ces bobos de la ville qui s’installent en province et, lui explique un villageois rencontré à la terrasse d’un café, « veulent du haut débit avant même de savoir s’il y a une école ou une crèche ».

« Le progrès est peut-être le développement d’une erreur », dit en voix off le marcheur solitaire, se gardant toutefois d’être « passéiste » et de céder à la « maladie honteuse » qu’est devenue la nostalgie.

Diagonale du vide

Le projet du film « est né à la sortie du confinement. À un moment de ras-le-bol de la vie urbaine et ce besoin de se reconnecter avec la nature », explique le réalisateur. « Avec cette diagonale du vide que Sylvain Tesson traverse et ce désir d’embrasser l’hyper-ruralité, je savais qu’il y avait un sujet de film ».



Petits chemins et grands espaces: les images sont superbes, mais Denis Imbert n’a pas voulu abuser de la beauté des paysages. « Moi qui adore la nature au sens cinématographique du terme, je ne voulais surtout pas faire de carte postale. Il était interdit de filmer un guide touristique pour la France ou l’Office du tourisme du Larzac. Mon obsession était la nature comme une matière, que le personnage disparaisse dans le paysage », dit-il.

Voyage intérieur

C’est pourquoi il a donné beaucoup de présence, à l’écran, à Jean Dujardin (vu récemment dans J’ACCUSE, OSS 117: ALERTE ROUGE EN AFRIQUE NOIRE ou NOVEMBRE). « En demandant à Sylvain comment il résumait son livre, il m’a répondu que c’était une conversation entre un paysage et un visage. À partir de là j’ai construit le film dans cette direction », explique le réalisateur. « Dès qu’on marche, lorsqu’on est seul, on est dans une introspection. C’est un voyage intérieur ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « L’escargot ne recule jamais » (citation attribuée à Alexandre Vialatte et prononcée par Jean Dujardin).


  • A voir : « SUR LES CHEMINS NOIRS » (France, 1h35). Réalisation: Denis Imbert. Avec Jean Dujardin, Joséphine Japy, Izïa Higelin (Sortie 22 mars 2023)
  • Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong

 

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