Quelque part dans la jungle à la frontière entre le Vietnam et le Cambodge, la guerre divisant l’opinion américaine, un commando a pour mission de rechercher un déserteur de l’armée, le colonel Kurtz. Ce dernier use de méthodes expéditives terrifiantes et malsaines vis-à-vis de l’ennemi et de la population locale. Cette quête sera la plus grande de toutes les fictions de guerre, grâce à la réalisation de Francis Ford Coppola, qu’il baptisa «Apocalypse Now», une œuvre aussi lyrique que terrible. Un film incarné par des acteurs totalement habités.
«Apocalypse Now» : dans le ventre de la folie des hommes
Devant l’impopularité grandissante de la guerre au Vietnam, dont personne ne voit la fin, l’état-major américain est obligé de se débarrasser d’une «brebis galeuse», le colonel Kurtz, déserteur, qui entache un peu plus l’armée, donc le pouvoir politique. Il demande au colonel Willard (Martin Sheen) de le trouver dans la jungle et de l’exécuter. Willard accepte la mission et part sur un patrouilleur. Durant la longue remontée du fleuve, il prend connaissance du dossier de Kurtz (Marlon Brando) et, petit à petit, devant la carrière exceptionnelle de ce dernier, il est fasciné par le personnage qu’il devra pourtant tuer…
«Apocalypse now» est une œuvre cinématographique qui ne sera jamais égalée, dans laquelle Francis F. Coppola lui-même a failli devenir fou. Un film qui questionne sur la violence, la morale, sur ce qui se passe dans la tête d’un tyran qui n’a personne pour s’opposer à sa démesure.
John Milius, qui réalisera plus tard «Conan le barbare» signa le scénario en 1975. Une histoire qui a immédiatement séduit Coppola. Le tournage qui s’étend sur 16 mois, a connu des cyclones qui détruisaient les décors. Le réalisateur a dû faire face à certains acteurs caractériels, à la crise cardiaque de Martin Sheen, qui en sortit très diminué, à Marlon Brando qui ne connaissait pas le roman de Joseph Conrad «Au Cœur des ténèbres», dont « Apocalypse Now » est très librement inspiré, et qui ne savait pas son texte… A tout cela s’ajout le dépassement de budget (30 millions de dollars au moins), qui en fait un des films les plus chers d’Hollywood.
Un documentaire appelé «Au cœur des ténèbres, l’apocalypse d’un metteur en scène » sorti en 1991 fut même filmé pendant le tournage.
«Au Cœur des ténèbres», le court roman de Joseph Conrad, paru en 1899, relate la lente remontée du fleuve Congo, en Afrique, de Marlow, capitaine de la marine marchande, jusqu’au domaine de Kurtz, qui se livre à des rites inavouables au cœur de la jungle. Le génie du scénariste John Milius est d’avoir situé l’action durant la guerre du Vietnam, cette seconde horreur après la boucherie de 1914-1918, lorsque l’humain perd ses repères, ses lois, et qu’il erre dans un enfer que Dante également su décrire.
Ce n’est pas seulement la reconstitution et le réalisme du combat filmés qui sont exceptionnels, c’est la folie qui vient doucement envahir l’écran et notre esprit qui dérange. Nous sommes dans la tête des protagonistes, de chacun de ces fous, à l’image de cet officier (Robert Duvall) qui lance : «J’aime l’odeur du napalm le matin…». Le vol des hélicoptères, appuyé par la musique de «La Chevauchée des Walkyries» en font un beau film aussi lyrique que terrible.
Orson Wells avait tenté une adaptation du roman en 1939 mais aucun studio ne voulut financer son projet. Francis Ford. Coppola l’a fait en s’endettant, jetant dans cette réalisation titanesque toute ses forces. Une œuvre présentée ce soir dans son ultime version « la meilleure au monde » selon le réalisateur, diffusée pour la première fois sur une chaîne française
Jane Hoffmann
- Télé. «Apocalypse Now» (1978) de Francis Ford Coppola, avec Martin Sheen, Robert Duvall, Frédéric Forrest, Dennis Hopper, Marlon Brando sur Arte dimanche 7 novembre – 20:55