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"Une vie" : Pendant 50 ans, Nicholas Winton (Anthony Hopkins) n'a pas révélé qu'il avait arraché pendant la guerre 669 enfants juifs des mains des Nazis (©SquareOne Entertainment/SND).

Sortie cinéma. La presse le surnommait « le Schindler britannique ». Émouvant et fort, le film « UNE VIE » (ce mercredi 21 février sur les écrans) rend hommage à Nicholas Winton, un banquier londonien qui sauva 669 enfants juifs à Prague pendant la Seconde guerre mondiale.

L’homme était courtier dans une banque britannique quand il décida de se rendre à Prague en 1938, alors que la ville était sur le point de tomber aux mains des Nazis. Ses quatre grands-parents étaient juifs, ses parents étaient arrivés en Angleterre en 1907, en provenance d’Allemagne. « Je me considère comme européen, agnostique et socialiste », se définissait-il.

Il a 29 ans quand il débarque à Prague pour donner un coup de main aux membres du Comité britannique pour les réfugiés de Tchécoslovaquie (BCRC): remplir les formalités, organiser l’aide aux Juifs, protéger familles et enfants. Les réfugiés viennent en majorité des Sudètes, région cédée au IIIe Reich par les accords de Munich en septembre 1938.

Évacuation

Sur place, Nicholas Winton se rend compte de la gravité de la situation et décide d’organiser l’évacuation, en direction de l’Angleterre, d’un maximum d’enfants juifs, réfugiés vivant dans la misère mais aussi originaires de familles praguoises plus riches, inquiètes des visées expansionnistes allemandes.

Il téléphone, se renseigne, établit des listes d’enfants, et charge sa mère (Helena Bonham Carter), à Londres, d’obtenir les autorisations des services de l’immigration britannique et de trouver des familles d’accueil. Au total 669 enfants seront ainsi exfiltrés de Prague, dans huit convois ferroviaires. Le neuvième train, avec 250 enfants à bord, ne partira jamais, le 1er septembre 1939, début de l’envahissement de la Pologne par les Allemands et de la Seconde guerre mondiale.

Un demi-siècle plus tard

Une grande partie du film relate cette opération de sauvetage organisée par Nicholas Winton, interprété par Johnny Flynn, dont la ressemblance avec le personnage réel est assez remarquable. Mais UNE VIE raconte aussi comment tout cela a été connu du grand public, un demi-siècle plus tard, en 1988, avec un Nicholas Winton interprété cette fois par Anthony Hopkins.

C’est en confiant son cahier, dans lequel il avait rassemblé les fiches et photos des enfants, qu’il a révélé ce qu’il avait accompli. D’abord par un article dans le Sunday Mirror du magnat de la presse Robert Maxwell (né dans une famille juive en Tchécoslovaquie et dont la femme Elizabeth était une historienne spécialiste de la Shoah), puis lors d’une émission populaire de la BBC, That’s Life.

Vidéo virale

Cette émission de 1988 est le moment le plus bouleversant du film. La vidéo de la vraie émission a été vue par 42 millions de personnes sur YouTube (à voir ici) et la bande-annonce y fait allusion –mais peut-être, pour ne pas gâcher l’émotion, vaut-il mieux voir le film avant…



Lena Olin (dans le rôle de l’épouse de Nicholas Winton en 1988), Marthe Keller (Elizabeth Maxwell), Jonathan Pryce (Martin Blake en 1988, ami de Nicholas Winton et membre du BCRC) complètent la distribution de ce premier long-métrage de James Hawes, jusqu’alors réalisateur de téléfilms et de documentaires, notamment pour la BBC.

Tourné à Prague

Il a tenu à filmer certaines séquences dans d’authentiques sites de Prague, y compris sur le quai de la gare même où les enfants ont dit au revoir à leurs familles avant de partir pour l’Angleterre. Et, comme le faisait Nicholas Winton lui-même, il rend hommage dans le film à ceux qui l’ont aidé, en prenant des risques: sa mère mais aussi les membres du BCRC sur place comme Trevor Chadwick, Doreen Warriner ou Martin Blake: « On a tendance à ne se focaliser que sur l’histoire du battant, de celui qui se retrouve invité sur le plateau de That’s Life, de celui qui est anobli. Mais Nicky était le premier à rappeler qu’il n’était pas seul, et on se souvient aussi de Trevor, Doreen, Martin et de tous les autres ».

Après la révélation de son opération de sauvetage en 1988, Nicholas Winton a été anobli par la reine en 2003 et nommé par le gouvernement tchèque pour le prix Nobel de la paix 2008. Il est mort en 2015 à l’âge de 106 ans; ses descendants entretiennent sa mémoire sur un site internet.

Un beau film

« UNE VIE » lui rend donc l’hommage qu’il mérite. « Ce n’est pas un film de guerre, c’est une histoire qui parle de gens qui ont existé, une histoire profondément humaine », estime l’acteur Johhny Flynn qui l’interprète à l’âge de 29 ans. « Elle ne parle pas de soldats, mais de gens touchés par un conflit et de leur manière d’y faire face, d’actes d’héroïsme et de sacrifice, modestes ou majeurs. Le film parle de la manière dont les gens s’entraident, malgré ces circonstances tragiques ».

C’est un beau film qui ne laissera pas indifférents ceux qu’inquiètent, aujourd’hui, les guerres en Ukraine et au Proche-Orient, la montée des extrêmes et de l’antisémitisme en Europe, les violences et intolérances du monde actuel. Une sorte de devoir de mémoire, dont les images les plus fortes sont les photos d’enfants prises par Nicholas Winton dans les camps de réfugiés de Prague. Et aussi bien sûr, à la fin du film, cette fameuse émission de la BBC: si elle ne vous provoque pas un serrement de cœur ou ne vous tire pas une petite larme, alors ce n’est plus la peine d’aller au cinéma…

Jean-Michel Comte

LA PHRASE :  « Qui sauve une vie sauve le monde » (son ami Martin Blake, citant un proverbe hébreu).


  • A voir : « UNE VIE » (« One Life ») (Grande-Bretagne, 1h50). Réalisation: James Hawes. Avec Anthony Hopkins, Johnny Flynn, Helena Bonham Carter (Sortie le 21 février 2024).

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