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"Vivants" : Gabrielle (Alice Isaaz, en haut à droite) débarque comme stagiaire dans une agence de journalistes reporters d'images (© Pyramide Distribution).

Sortie cinéma. Certes ce ne sont pas des grands fauves, des abeilles ou des dinosaures, mais ils appartiennent à une espèce peut-être en voie de disparition: les JRI. C’est un hommage ému aux « journalistes reporters d’images » que rend la réalisatrice Alix Delaporte dans son dernier film « VIVANTS », qui sort ce mercredi 14 février sur les écrans après avoir été présenté hors-compétition au dernier Festival de Venise.


« VIVANTS » est un film d’ambiance, au style proche du documentaire mais avec des personnages qui, chacun à sa manière, attirent la sympathie


Elle sait de quoi elle parle: c’est son troisième film au cinéma mais elle a commencé sa carrière comme JRI à l’agence Capa. Elle a donc mis quelques souvenirs personnels dans le personnage principal de « VIVANTS », Gabrielle (Alice Isaaz), une jeune femme de 30 ans, guide de haute-montagne à Grenoble qui, après deux ans de formation audiovisuelle et sur la recommandation d’un prof, intègre comme stagiaire l’équipe d’une émission de reportages à Paris.

Il s’agit de reporters aguerris, qui ont connu les grandes heures du journalisme de terrain. Malgré l’engagement de Vincent (Roschdy Zem), leur rédacteur en chef depuis 2 ans après toute une carrière à bourlinguer, ils sont confrontés au quotidien d’un métier qui change: moins d’argent pour les reportages, moins d’intérêt du public pour les sujets internationaux ou sérieux, plus de concurrence des autres médias. « Il faut arrêter de plomber le moral du téléspectateur. On a besoin de rêver, c’est comme ça », leur dit le patron de l’émission pour laquelle ils travaillent.

Enquêtes et reportages

Malgré cela ils restent habités par la solidarité, le sens de l’humour, la passion pour la recherche de la vérité et la foi en l’avenir. Et mènent avec ténacité leurs enquêtes et reportages: sur les services d’urgence débordés de l’hôpital public, sur des opérations clandestines de commandos végans qui libèrent des lapins en cage, sur la guerre civile qui s’étend dans un pays d’Afrique, sur les relations troubles entre la mafia chinoise à Paris et certains responsables municipaux, sur les coulisses pas très glamour de la Fashion Week…

Gabrielle, stagiaire qui s’occupe du matériel, observe, apprend, se passionne. Et va peu à peu s’intégrer à l’équipe, aider efficacement la demi-douzaine de journalistes qui la composent, partir avec eux en reportage. Tout cela sous le regard bienveillant et protecteur de Vincent, qui a une vraie affection pour elle –professionnelle, mais pas seulement…

Film choral

C’est un film choral, au ton sérieux mais optimiste, dans lequel les personnages forment un groupe uni, avec chacun son caractère propre. « VIVANTS parle de cette famille qu’on se constitue dans le travail. En m’inspirant des tout débuts de ma vie professionnelle à l’agence Capa, avec de la distance mais un attachement intact, je raconte l’histoire d’une «troupe» de reporters qui tentent de résister aux bouleversements de leur métier », explique Alix Delaporte, 55 ans.

Après ses débuts comme JRI, elle a réalisé un documentaire sur Zinédine Zidane en 2001 puis est passée au cinéma de fiction, avec des courts-métrages puis deux longs-métrages, ANGÈLE ET TONY en 2010 et LE DERNIER COUP DE MARTEAU en 2014, tous les deux avec Clotilde Hesme et Grégory Gadebois.

La fin d’un monde

Pour VIVANTS, elle s’est inspirée de ses souvenirs de la fin du siècle dernier mais a aussi rencontré des journalistes d’aujourd’hui et des étudiants des écoles de journalisme. « Au final, j’ai constaté que cette passion pour la recherche de la vérité était toujours là », dit-elle. « Le métier n’est pas menacé par les journalistes, mais par les financiers qui prennent le pouvoir dans les rédactions et pour qui les reporters de terrain deviennent un luxe inutile ».



Et d’ajouter: « Je montre la fin d’un monde, celui des grands reportages à l’international qui ont fait les belles heures de la télévision. Aujourd’hui les audiences sont en baisse et les responsables des chaînes sont de plus en plus tenus à des objectifs de rentabilité ».

Sympathie

Petit film à petit budget, « VIVANTS » est un film d’ambiance, sans vraiment de scénario, au style proche du documentaire mais avec des personnages qui, chacun à sa manière, attirent la sympathie. Le spectateur s’attache à cette petite équipe, et ressent parfois de l’émotion comme dans cette jolie séquence dans laquelle la réalisatrice filme en gros plan les visages des journalistes pendant que Roschdy Zem esquisse des mouvements de danse sur le Boléro de Ravel au milieu de la rédaction.

Dans une époque où les réseaux sociaux incitent beaucoup de profanes à se prendre pour des journalistes, des cameramen, des photographes ou des éditorialistes, Alex Delaporte rappelle utilement que le journalisme est un métier, avec ses contraintes, ses limites, son éthique.

Mais elle se garde de donner des leçons: « Je ne peux pas prendre la parole sur des sujets d’actualité, ça n’est ni dans mes compétences, ni dans ma fonction », explique-t-elle. « En revanche je peux interroger le spectateur sur la nécessité de préserver la fonction du journaliste, à savoir la recherche de la vérité. Et pour l’obtenir, il faut aller sur le terrain et parfois se mettre en danger ».

Joie, énergie, passion

Et pourquoi ce titre, VIVANTS? La réalisatrice l’a expliqué dans une interview au site spécialisé Cineuropa, à l’occasion de la présentation du film à la Mostra: « Une jeune correspondante de guerre m’a dit un jour que quand elle n’était pas sur le théâtre d’un conflit, elle ne pensait qu’à y retourner, parce que là-bas, la ligne entre la vie et la mort est tellement fine qu’elle se sentait vraiment «vivante». Mes personnages sont tous «vivants»: pleins de joie, d’énergie, de passion ». La plus belle définition dont pourraient rêver les journalistes.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « C’est un peu notre métier de sortir des clous » (Roschdy Zem).


  • A voir : « VIVANTS » (France, 1h23). Réalisation: Alix Delaporte. Avec Alice Isaaz, Roschdy Zem, Pascale Arbillot (Sortie 14 février 2024)

cinégong logoRetrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong


 

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