Exposition « Bernard Buffet médiéval et pop ». Quel est le lien entre un peintre contemporain mondialement reconnu et Aliénor d’Aquitaine ? On trouvera la réponse dans « Bernard Buffet médieval et pop » une exposition exceptionnelle qui rassemble 70 de ses tableaux à voir au Musée d’art moderne de Fontevraud, situé dans l’un des bâtiments de la célèbre abbaye qui abrite le gisant de la reine. NOTRE AVIS (****) : Une riche exposition qui offre une nouvelle et originale lecture de l’œuvre novatrice de celui qui fut considéré après la guerre comme l’un des plus grands peintres français, dont le Moyen Age fut une source d’inspiration majeure. Du 8 juin au 29 septembre 2024.
« Bernard Buffet médiéval et pop » : L’exposition de Fontevraud offre une nouvelle et originale lecture de l’œuvre de ce peintre pop, dont le style moderne continue de fasciner et d’interroger
Cet été, on pourra voir à Fontevraud 70 œuvres de Bernard Buffet, peintre reconnu de son vivant, aimé du public, presque oublié aujourd’hui, qui a peint sans relâche tout en vivant la « dolce Vita » de Saint-Tropez dans ses plus belles années.
L’exposition « Bernard Buffet médiéval et pop » offre une nouvelle et originale lecture de l’œuvre de ce peintre pop, qui fut moderne dans une époque cherchant à l’être. Artiste mal connu, presque oublié, le Musée d’Art Moderne de Fontevraud lui rend un hommage exceptionnel, tout près du gisant d’Aliénor d’Aquitaine, reine de deux royaumes.
Les débuts
Innovant, ses personnages aux membres démesurés, comme peints d’un seul trait, vides d’expression, presque décharnés et, pourtant, si humains, seront son identité.
Bernard Buffet a juste 19 ans et sa peinture est déjà reconnaissable. Le trait acéré, noir, heurte par sa différence. Il est autre car il peint autrement. Il remporte en 1948 le Prix de la Critique de la galerie Saint-Placide. Aux yeux de tous, il est le successeur de Picasso et expose à la Biennale de Venise en 1952 avec Germaine Richier, Raoul Dufy, Fernand Léger….
Le MAM de Fontevraud a cherché l’origine de sa peinture et s’est arrêté sur le Moyen Age. Les crucifixions, sa Jeanne d’Arc, Dante, auront la préférence de l’artiste. Puis mêlant B.D., publicité, cartes postales, toutes ses campagnes le rendront rapidement célèbre.
En 1948, déjà, son « Buveur » les yeux perdus, interroge. « La Passion du Christ » (1951) où les membres sont sur-allongés, évoque la mort comme au Moyen Age. Ses aplats sont médiévaux, sans ombre, sans trait de lumière. C’est l’humain dans sa solitude, son désespoir, brisé, voyant sa fin prochaine.
Les objets usuels, « La Cafetière bleue » par exemple rappelle Van Gogh. C’est Jean Cocteau qui le comprendra le mieux; il le qualifie alors de « médiéval », d’autres diront « gothique ».
Pour « Le Procès de Jeanne d’Arc » le rouge domine, l’accusée, elle, est en blanc. Son choix est là : il inverse les rôles, les méchants et la future sainte.
Le mondain
Il vécut près de Manosque non loin de la maison de Giono, où il peint. De sa peinture précoce il garde ce trait noir, reconnaissable par les critiques ou visiteurs de la Biennale de Venise de 1954, où une salle entière lui est consacrée avec 24 toiles exposées.
En 1958, une rétrospective verra plus de 100 000 personnes à la galerie Charpentier. La même année, il réalise le portrait d’un jeune aspirant couturier, Yves Saint-Laurent, alors assistant de Christian Dior…. Il rencontre sa future épouse, Annabel Schwob, qui deviendra aussi célèbre que lui. Mannequin, chanteuse, habituée de Saint-Germain-des-Prés, amie de Françoise Sagan, de Juliette Gréco…. Il a trente ans.
Annabel, androgyne, mystérieuse, si mince, indifférente, sera son sphinx colorié. Il semble apaisé et la peint sans relâche, ne voyant qu’elle. Les années Annabel seront la période mondaine. Il dessine des costumes, des décors de théâtre, de ballets. Ses affiches de cinéma le rendront populaire. Il devient mondialement connu, jusqu’au Japon qui lui dédie un musée en 1973. Il peint même la célèbre 2CV en 1984 et s’intéresse un temps au Pop-Art.
Sa paix est de courte durée. En 1981, il se représente dans une « vanité », un crâne s’appuyant sur son coude. Ses tourments ne cesseront plus de le hanter. Sa peinture change. C’est « Le Bélier », « La Mer », à la peinture épaisse comme lancée avec rage, qui détermine son nouveau style. Il reprend un objet : le revolver. En 1949, il en avait fait une nature morte. Il reprendra ce thème dans une toile « Les Trois rigolos », digne de l’affiche d’un film policier.
La mort
Le thème de sa toute dernière exposition sera la mort. Squelettes, danses macabres, figures sorties du Moyen-Age où les décès faisaient peur et attiraient les peintres. Bernard Buffet, lui, se suicide en octobre 1999 dans son atelier à Tourtour (Var), atteint de la maladie de Parkinson. Ses cendres ont été dispersées dans le parc du musée Bernard Buffet à Nagaizumi, au Japon.
NOTRE AVIS (****)
On a qualifié sa peinture de gothique, de médiévale, tournée vers la religion. Ce qui intéressait Bernard Buffet c’est la sensation du mystère qui entoure la chrétienté, le sacrifice des premiers martyrs, celui de Jeanne d’Arc, d’où cette absence de vie du « Buveur », le silence palpable d’un homme qui pense encore mais est déjà fini. Peintre de la difficulté d’être, faiseur de natures mortes, comme désséchées, ses toiles aux traits épurés continuent d’interroger.
Il fut élu à l’Académie des Beaux-Arts en mars 1974. Né en juillet 1928, il a été le plus jeune académicien à sa date d’entrée. Dans son discours de réception, Yves Brayer dira « Vous recréez votre réalité. Vous êtes visionnaire dans un monde engourdi de solitude » et Maurice Druon écrira : « Buffet est un classique, presque académique, le seul important de notre époque. Il a poursuivi à sa façon si personnelle la trace laissée par Monsieur Ingres et par Monsieur Courbet ». L’exposition de Fontevraud se tient tout près de la nécropole des Plantagenêts, où sont visibles les gisants d’Aliénor d’Aquitaine et de son fils Richard Cœur de Lion….
Jane Hoffmann
- Exposition « Bernard Buffet médiéval et pop » au Musée d’Art Moderne de Fontevraud-l’Abbaye – 32 avenue du Président Franklin Roosevelt – 49590 (près de Saumur) – du 8 juin au 29 septembre 2024