la biennale d'art contemporain de lyon
La Biennale d'art contemporain de Lyon : la manifestation a pour thème la fragilité du monde contemporain (photo) BA

[Expositions] La pandémie a perturbé la Biennale d’Art Contemporain de Lyon qui devait se dérouler en 2021. Cette 16ème édition a débuté finalement le 14 septembre 2022 et va se prolonger jusqu’au 31 décembre prochain dans 12 lieux de la métropole lyonnaise. Il s’agit de musées, mais aussi de deux sites abandonnés, les 29 000 m² des usines Fagor et l’ancien musée Guimet inoccupé depuis 15 ans.


La Biennale d’Art Contemporain de Lyon au coeur de la fragilité du monde


La Biennale d'Art Contemporain de lyon
La Biennale d’art contemporain de Lyon : une des oeuvres présentées dans les grands espaces des usines Frago (photo) BA

La direction artistique de l’évènement est assurée par Isabelle Bertolotti, directrice du musée d’art contemporain de Lyon. Les commissaires en sont Sam Bardaouil et Till Fellrath directeurs de la Hamburger Bahnhof – Galerie nationale d’art contemporain de Berlin et commissaires du Pavillon français à la Biennale de Venise 2022.

Ils ont choisi de placer cette édition sur le thème de la fragilité du monde contemporain et l’ont intitulée « Manifesto of Fragility », un manifeste qui « place la fragilité au cœur d’une forme de résistance génératrice encouragée par le passé, en prise avec le présent et capable d’affronter le futur »

We Culte pu explorer 4 des 12 sites où se déroule cette Biennale : Lugdunum qui est le musée romain de Fourvière, le Musée d’Art Contemporain, le Musée Guimet et le site des usines Fagor.

Aux usines Fagor, la dernière

Les usines Fagor s’ouvrent une dernière fois à la Biennale et vont être transformées en site de maintenance des transports en commun lyonnais. Les artistes ont donc pu une nouvelle fois bénéficier des immenses bâtiments abandonnés de cet établissement industriel où on découvre de multiples installations et performances qui tirent parti des immenses espaces qui leurs sont proposés.

Comme en d’autres moments de la Biennale, certaines œuvres s’inscrivent totalement dans les réalités lyonnaises. C’est le cas ici de l’installation du français Nicolas Daubanes qui rappelle un moment noir de l’histoire de la ville où un tribunal militaire spécial se tenait à la prison Montluc, dans les locaux utilisés par les nazis. Pendant la guerre d’Algérie, ce tribunal était appelé à juger des membres du FLN et plusieurs d’entre eux ont été guillotinés sur le site même de la prison. Associé à un historien, l’installation de Nicolas Daubanes rend compte avec force et rigueur de cet épisode méconnu de l’histoire lyonnaise.

Avec une certaine légèreté on peut découvrir ensuite les petits personnages verts du finlandais Kim Simonsson. Ses sculptures en céramique et fibres de nylon, inspirées des mythologies nordiques, apparaissent également de façon subreptice et non sans humour au détour d’un couloir du musée Guimet ou au milieu des vestiges romains du musée de Fourvière.

L’artiste belge Hans Op de Beeck, occupe un bâtiment entier avec son « We Were the Last to Stay », une sorte de camping abandonné, tout de gris sans nuances. On pense évidemment à la fin d’un monde fragile, en adéquation avec le manifeste de la Biennale. Quant à la française Sylvie Selig, c’est la doyenne de cette Biennale. Elle expose « Stateless » aux usines Fagor, une immense huile sur toile qui «raconte l’histoire d’un lièvre venant en aide à une jeune réfugiée» sous le regard d’un Bob Dylan pleinement solidaire.

De Rome à Guimet, les surprises de la Biennale

La Biennale est venue cette année se poser dans le site romain de Fourvière et quelques œuvres ont été installées dans la très contemporain musée Lugdunum. Du côté du parc de la Tête d’Or, d’autres œuvres ont bénéficié de la courageuse réouverture du Musée Guimet, muséum d’histoire naturelle fermé depuis quinze ans, dont les collections ont depuis longtemps été hébergées au Musée des Confluences.

Dans ces deux sites on retrouve avec plaisir quelques artistes qui, présents de façon imposante aux usines Fagor, se font ici plus discret. C’est le cas, on l’a vu, du finlandais Kim Simonsson dont les personnages ponctuent avec humour différents sites de la Biennale.

A musée Guimet on a pu admirer l’impressionnante installation de Hashel Al Lamki (Emirats arabes unis) qui occupe l’ancienne rotonde du bâtiment avec des peintures, des vidéos et des objets qui explorent « les cycles historiques et géographiques du temps naturel et humain ».



Mais le moment le plus fort de la visite est certainement la découverte de Grafted Memory System, le « paysage hybride » du plasticien français Ugo Schiavi qui occupe la plus grande salle du musée avec un ensemble terrifiant de plantes, d’ossements, de câbles, de fossiles et de vidéos qui se propose de dévoiler « une vision altérée de la nature qui témoigne autant de sa fragilité que de sa résilience ». Cette création est sans doute un des projets les plus conforme à l’esprit du manifeste qui a inspiré cette biennale.

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La Biennale d’art contemporain de Lyon – Musée Guimet – Blandine Soulages

Les histoires du musée d’art contemporain

Deux expositions sont présentées au Musée d’art contemporain. « Les nombreuses vies et morts de Louise Brunet » est une sorte de déconstruction de l’histoire et de l’histoire de l’art. « Beyrouth et les Golden Sixties » est une exposition de peintures plus classique qui s’inscrit dans un moment historique très particulier du Liban.

A travers des peintures des siècles passés, des affiches, des objets, des vidéos, on suit le personnage de Louise Brunet qui serait à l’origine une femme qui a participé à la révolte des canuts à Lyon en 1834. Ce personnage se démultiplie ensuite dans le temps et dans l’espace. On le retrouve au Liban.

Puis sous le même nom, c’est un homme du XXème siècle. Les admirateurs du surréalisme y prendront certainement un grand plaisir. Pour les autres ce moment de la Biennale pose sans doute beaucoup de question et exigera des visiteurs une lecture très attentive des nombreux textes distribués tout au long de ce parcours.

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La Biennale d’art contemporain de Lyon : Gropius Bau Beyrouth

Dans les autres étages du MAC on découvre « Beyrouth et les Golden Sixties », une exposition présentée le printemps dernier au Gropius Bau de Berlin avec les œuvres d’une trentaine d’artistes du Liban et du monde arabe qui ont marqué les années 60 de ce pays.

Les œuvres présentées montrent la qualité et la diversité de la vie artistique beyrouthine dont on retiendra les funérailles de Nasser de Paul Guiragossian, les amulettes phéniciennes de Juliana Seraphim ainsi que le bel l’ »Hommage à Rothko » d’Hélene El-Khal. L’intérêt de cette exposition est aussi de replacer ces travaux de façon très visuelle dans l’histoire politique et sociale de cet âge d’or de la vie intellectuelle libanaise.

Cette Biennale propose ainsi une vision très diversifiée des pratiques artistiques contemporaines. Elle fait souvent référence à l’histoire lyonnaise et les canuts et y apparaissent plusieurs fois. Chacun pourra y trouver de quoi se réjouir selon ses préférences : on y sent la révolte et l’engagement. On y perçoit les inquiétudes des temps de pandémie et de dérèglements climatiques. On pourra y être surpris ou choqué, parfois même exaspéré. Mais on peut y trouver également matière à réflexion sur les temps que nous vivons, mais aussi de quoi sourire et parfois même de grands et beaux moments d’émotion.

Yves Le Pape

  • A voir : « Manifesto of Fragility », 16ᵉ édition de la Biennale d’Art Contemporain de Lyon. Jusqu’au 31 décembre. Toutes les infos ICI

 

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