Exposition. Toute la vie du peintre Mark Rothko défile dans ses tableaux exposés à la Fondation Louis Vuitton, à Paris. L’occasion enfin d’admirer et de comprendre l’oeuvre hypnotique et pourtant si simple de cet immense artiste qui fut le pionnier de la peinture abstraite américaine.
Mark Rothko est né à Dvinsk (Lettonie) en 1903, mort à New-York en 1970. Il est un des plus grands peintres expressionnistes abstraits américains. Après des études à l’université de Yale, il est professeur de dessin. Sa carrière décolle véritablement dans les années 1950 grâce à un marchand d’art.
Dès le début des années 1960, les commandes arrivent : la Malborough de Londres, l’université de Harvard, Houston (Texas), le MoMa de New-York … Il est infatigable. On recense dans son travail au moins 834 tableaux !
Il aimait la musique, la littérature (Nietzsche) et la mythologie grecque. Matisse l’a influencé, Jackson Pollock et Adolphe Gottlieb l’ont fréquenté. C’est à partir des années 1940 qu’il trouve sa façon de peindre : le « colorfield painting » ou la peinture en champs de couleur.
Les aplats en bords indécis, les surfaces parfois mouvantes, formées de bandes colorées dans les tons brun, rouge, ocre, blanc, seront sa signature.
En 1949, il peint « Number 12 », démontrant que seule la couleur compte. Elle est devenue la vision simplifiée de son travail. Il s’est débarrassé de l’objet, du sujet. Ce sera les « Multiformes ».
Un jour de 1958, Rothko reçoit la commande du restaurant « Four Seasons » à New-York pour la décoration murale. Mais il ne se résoud pas à vendre. Il fait don de 9 des panneaux réalisés à la Tate Gallery. Exceptionnellement, ils sont visibles dans l’exposition de la Fondation.
Les années 1960 voient les teintes sombres remplacer les couleurs éclatantes, l’association du rouge et du noir, du gris clair et du noir (« Black and Grey – 1969 »). En 1971 est inaugurée à Houston sa chapelle de forme contemporaine, belle et modeste.
A la Fondation Louis Vuitton, on commence par les paysages urbains, par exemple le métro de New-York, dès les années 1930. Puis on s’avance dans les mythes de l’antiquité grecque, le surréalisme, et avec la guerre de 1939-1945, toute la tragédie subie par les hommes. Après le conflit mondial, Rothko se tourne vers l’abstraction, les Multiformes et enfin, viennent le rouge, le brun, le jaune, également du bleu, du gris pâle…
La visite offre une rétrospective unique et chronologique du travail de Rothko avec plus de 115 œuvres exposées couvrant sa carrière, de ses premières peintures figuratives jusqu’à ses toiles abstraites, soit des années 1930 jusqu’à la mort, voulue de l’artiste. La maladie – anévrisme de l’aorte – le handicape au point de ne plus pouvoir peindre ses grands formats. Il se suicide à New-York en 1970.
Le dernier moment, surprenant, émouvant, est un projet visible de Rothko pour un nouveau bâtiment à Paris, une commande de l’Unesco, qui n’a jamais vu le jour.
Toutes les œuvres de Mark Rothko incitent à la méditation. Elles sont exposées dans la haute salle du bâtiment de l’architecte Franck Gehry, non loin de celles de Giacometti. Gehry, qui a conçu le lieu de la Fondation, s’est inspiré des serres et vérandas de la fin du 19ème siècle. Il est là, posé tel un vaisseau sur l’eau…
« Je voulais élever la peinture et qu’elle soit aussi poignante que la musique ou la poésie » dira-t-il. Cette rétrospective célèbre l’art et l’émotion.
Jane Hoffmann
- A voir : « MARK ROTHKO » à la Fondation Louis Vuitton – 8 rue du Mahatma Gandhi, Paris 16e. Tél. 01 40 69 96 00 – du 18 octobre 2023 au 2 avril 2024
