Exposition. Le musée de l’Orangerie des Tuileries à Paris invite à une exposition-événement, évoquant l’histoire entre « un peintre et son marchand », soit Amedeo Modigliani et Paul Guillaume. Une superbe mise en images à travers une collection de tableaux, témoins des liens d’amitié entre l’artiste, peintre « maudit » et le mécène parisien qui lança sa carrière.
Modigliani : une œuvre faite pour l’essentiel de ces visages énigmatiques. Tels des fantômes, ils nous fixent sans nous voir
A travers l’exposition « Modigliani. Un peintre et son marchand », l’Orangerie des Tuileries à Paris, évoque les liens entre un artiste et celui chargé de vendre ses toiles, dans une exposition d’envergure, avec d’un côté le peintre qui pense son ouvrage (pas encore son œuvre) et l’autre qui croit en lui. C’est l’angle choisi par le musée, une visite passionnante.
Au début du 20ème siècle, en 1906, le jeune Amedeo Modigliani arrive à Paris. Après sa rencontre avec le sculpteur Brancusi, il s’est installé à Montparnasse et se consacre durant cinq ans à la sculpture. La poussière et sa santé fragile lui font abandonner cet art.
Puis, en 1914, il rencontre Paul Guillaume, galériste, collectionneur d’art essentiellement africain, par l’intermédiaire du poète Max Jacob. Grâce à la correspondance entre Paul Guillaume et Apollinaire, on sait aujourd’hui comment les deux hommes se sont connus. Le peintre réalisera quatre portraits de son marchand âgé de seulement 24 ans…
Les deux hommes ont des goûts en commun : l’art africain, la poésie, la littérature… Ce dernier lui loua un atelier à Montmartre, proche de sa galerie. Il fera connaître Modigliani, d’abord aux Etats-Unis, et lancera sa carrière.
Le musée de l’Orangerie dévoile le goût personnel, intime et avant-gardiste du marchand d’art Paul Guillaume: des toiles de Modigliani, des portraits de personnages en vue de l’époque, celui des femmes qui l’ont aimé, des inconnus… Des dessins, des sculptures, parmi ceux qu’avait choisis le mécène. Des œuvres qui prouvent l’attrait de celui-ci pour l’artiste alors inconnu.
Autant, sinon davantage que Van Gogh, Modigliani fut un artiste maudit. Il buvait, énormément, se droguait parfois, peignait sans relâche ses portraits aux immenses yeux noirs, vides de prunelles, regards mhystérieux dans lesquels on se noie… Il meurt à Paris, vraisemblablement d’une tuberculose, le 24 janvier 1920 (il n’a pas 36 ans !), laissant sa compagne, Jeanne Hébuterne et leur petite fille.
Ils se sont connus à La Rotonde, Montparnasse. Elle sera son modèle préféré. Peintre elle-même, les deux artistes ont vécu leur art passionnément. Mais deux jours après la mort de son compagnon, malgré leur enfant et bien qu’enceinte, Jeanne se jettera par la fenêtre du 5ème étage… Modigliani sera enterré au cimetière du Père Lachaise à Paris où ses amis, Cendrars, Picasso, Soutine, Vlaminck l’accompagneront.
On se souvient que le romancier, Michel Georges-Michel, retraça les dernières années de l’artiste dans son livre « Les Montparnos ». Quant à Jacques Becker (« Casque d’or », « Le Trou ») il réalisa un beau film en 1958 sur le peintre et sa compagne, « Montparnasse 19 », avec Gérard Philippe et Anouk Aimée où l’émotion porte davantage sur les personnages que sur la peinture de l’artiste… Il faut dire que la vie hors du commun du couple était bien digne d’un roman et d’un film.
Nous revient en mémoire ce superbe nu de femme allongée (« Nu couché » -1917), l’un des plus beaux de l’histoire de la peinture. Aujourd’hui, il reste une œuvre immense, faite pour l’essentiel de ces visages énigmatiques. Tels des fantômes, ils nous fixent sans nous voir.
Jane Hoffmann
- A voir « Modigliani. Un peintre et son marchand » – musée de l’Orangerie, Jardin des Tuileries, place de la Concorde (côté Seine), Paris -75001. Jusqu’au 15 janvier 2024.
- Le 1er décembre 2023, une journée d’étude sera consacrée à Modigliani à l’auditorium du Musée d’Orsay