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Yann Queffélec : l'écrivain prix Goncourt 1985, sera le parrain de la Semaine du Golfe 2025/ Photo Bertrand Riguidel

Interview/Yann Queffélec. Prix Goncourt 1985 pour son roman « Les Noces barbares », l’écrivain Yann Queffélec partage son amour inconditionnel pour la Bretagne et l’Océan. Pour lui, la mer est bien plus qu’un décor : elle est une source d’inspiration, un refuge, une leçon d’humanité. Pour sa première participation à la Semaine du Golfe, dont il sera le parrain aux côtés de la journaliste Anne-Claire Coudray, il nous confie ses souvenirs d’enfance, ses aventures avec le légendaire navigateur Éric Tabarly, ses inspirations littéraires et son amour pour le Golfe du Morbihan, joyau de la Bretagne Sud où se déroule ce grand rassemblement maritime qui aura lieu du 26 mai au 1er juin 2025.

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Yann Queffélec le 16 novembre 2024 au port de Vannes (Morbihan)/ Photo Victor Hache

Vous êtes le parrain de la Semaine du Golfe du Morbihan 2025. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

Yann Quéffélec :  En préambule, je voudrais saluer la naissance de ce magnifique ouvrage « Balade en Morbihan » de mon ami Patrick Mahé  dans lequel il fait une description extrêmement juste de cette Semaine du Golfe qui  est une fête maritime. J’ajouterai que c’est une fête bretonne. J’aime beaucoup cette notion de fête bretonne parce que les Bretons ne font pas la fête comme les autres.

Il y a de la musique, une convivialité à la bretonne, il y a de la famille, de la jeunesse, il y a énormément d’enfants, qui est aussi le propre de la Semaine du Golfe. Tout cela me rend infiniment charmante cette manifestation nautique parce qu’elle met en valeur justement cette Bretagne qui fait honneur à la famille, à l’amitié, qui croit en l’homme et qui déploie dans cette circonstance un humanisme inoubliable. C’est ma première participation et j’ai bien l’intention de naviguer ! (rires)

Vous avez souvent parlé de votre passion pour la mer et de votre lien avec la Bretagne. D’où vient cet attachement ?

Yann Quéffélec : C’est une passion familiale. Je suis né dans un milieu où l’on aimait la mer, où l’on célébrait la mer. Je suis le fils de l’écrivain Henri Queffélec et j’avais des oncles dans ma famille qui étaient yachtmen à une époque où c’était relativement rare, même en Bretagne.

J’ai vu dépérir deux magnifiques yachts sur la rivière de l’Aber-Ildut qui appartenaient à mon oncle André Chauvel, planteur de thé au Vietnam. Il était d’ailleurs interdit d’évoquer ces bateaux, encore moins d’embarquer dessus, tant qu’il ne rentrerait pas sur ses terres bretonnes.

Donc, mon grand-père avait dû acheter des voiliers pour ses petits-fils. Très tôt, j’ai eu les pieds sur le pont des voiliers, mais pas simplement des jolis voiliers de plaisance. Quand j’étais gosse j’embarquais régulièrement avec les pêcheurs voire avec les goémoniers de l’Aber-Ildut J’allais faucher les laminaires avec eux,  à l’époque où la relation entre les enfants et les adultes sur les ports se faisaient très naturellement. J’ai développé à ce moment la passion de la mer, de la Bretagne et des marées, quelles qu’elles soient, au clair de la lune. Et ça ne s’est évidemment jamais démenti. Jusqu’au jour où j’ai voulu faire le tour du monde en voilier, mais ça ne s’est pas fait.



Vous avez navigué avec le légendaire Éric Tabarly. Que vous a appris cette expérience ?

Yann Queffélec : J’ai eu le bonheur de naviguer dans le coin avec lui. J’avais été prêté par l’école de mer Jeunesse et Marine à Groix à Éric Tabarly, qui manquait d’équipiers pour préparer sa première transat en 1964. Et là, à l’aube, je me suis retrouvé en présence de cet homme qui avait un charisme fou, une simplicité. Un homme qui avait toutes les qualités qu’on peut attendre de la masculinité, m’a-t-il semblé. Une attention aux autres, une force physique musculaire incroyable, et puis une gentillesse envers celui qui n’y connaissait pas grand-chose, comparé à lui. C’était moi qui étais à la barre pendant qu’il se livrait à toutes sortes de manœuvres. Il m’a préparé un plat de nouilles à l’heure du déjeuner, des nouilles aux oignons. C’était sa spécialité. Je n’ai jamais mangé quelque chose d’aussi bon. Encore aujourd’hui, si on me demandait ce que j’ai mangé de meilleur sur la Terre, ce serait le plat de nouilles aux oignons et corned beef préparé par Tabarly ! (rires)

Dans vos romans, la mer est souvent présente, presque comme un personnage à part entière. Pourquoi cette fascination littéraire pour l’océan ?

Yann Queffélec : D’abord parce que je n’ai pas la chance comme vous de vivre au bord de la mer. C’est ma respiration, je la porte en moi, je ne peux pas m’en passer. Même quand un de mes romans se déroule comme le dernier, du côté des Cévennes, j’ai l’impression que c’est un souffle atlantique qui anime ma plume d’un bout à l’autre. La mer de manière fantomatique est absolument partout. D’ailleurs je fais souffler un vent marin sur cette région. Il existe bel et bien sauf qu’il ne vient pas tout à fait de l’Atlantique. Mais je n’ai pas l’impression de ne pas vivre au bord de la mer. C’est là le paradoxe. Je suis tellement porteur de sensations océaniques ayant tellement bourlingué..

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Yann Queffélec (2e à droite) et l’équipe de La Semaine du Golfe/Photo Victor Hache

Le Golfe du Morbihan, c’est un bon spot pour naviguer ?

Yann Queffélec : Autrefois, on ne parlait pas de riviera bretonne. On parlait du paradis de Bretagne Sud. Comparé aux navigations plus septentrionales, c’est vrai que c’est inouï, la Bretagne Sud. Le bleu, le glaz (nuance de bleu, de vert et de gris) n’est pas tout à fait même, la couleur de l’eau non plus. Et puis, il y a la douceur, l’Ile-d’Houat, cet archipel absolument incroyable. Il a ce charme indéfinissable des îles du sud de la Bretagne qui ne ressemble à aucun autre.

Entrer en bateau dans le golfe du Morbihan, Port-Navalo, les courants, cette balade d’une bouée penchée à l’autre dont il faut jouer, prévoir sa dérive, faire bien ses calculs de marée… Tout cela rend la navigation dans le golfe délicate mais passionnante.

Y a-t-il une île qui est chère à votre cœur ?

Yann Queffélec : Pour des raisons filiales, l’île d’Hoedic. J’y suis allé avec ma mère lorsque j’étais gamin, où elle nous a emmenés aux grand dam de ma grand-mère, installée en Bretagne nord, en baie d’Illdut, pour nous montrer à quel point c’était doux la Bretagne sud. On était à Belle-Île, à Hoedic et à Houat, on avait l’impression d’arriver aux Antilles. Sauf que ces Antilles étaient des Antilles bretonnes, qu’il pleuvait dru durant nos trois jours. Et j’ai plutôt passé mon temps à visiter le musée du port du Palais de façon tristounette, plutôt qu’à faire du pédalo, comme me l’avait promis ma mère le long des plages. Mais, j’en garde un souvenir émerveillé.

Quel message aimeriez-vous transmettre aux visiteurs de la Semaine du Golfe 2025 ?

Yann Queffélec : Croire à la mer, c’est croire à la vie. C’est vraiment ma sensation. Quand je commence à, non pas à désespérer, mais à me lamenter du spectacle du monde autour de moi, je tourne les yeux vers l’horizon atlantique et immédiatement, les choses se remettent en ordre dans ma tête et j’ai envie de sourire à la vie. J’observe par exemple que ma fille de 6 ans et demi, en CP, a pour objet d’étude en ce moment le Vendée Globe, dans une ville qui n’a rien à voir avec la mer. Je trouve ça extraordinaire de penser qu’une maîtresse d’école fait travailler ses élèves sur la notion de globe, de géographie, d’océan, de pollution, etc…. à partir de l’émerveillement de ses ouailles devant les exploits accomplis par nos amis du Vendée Globe sur leurs engins quasiment intersidéraux.

La pollution de la mer, le changement climatique… êtes-vous sensible à ces questions ?

Yann Queffélec : Je ne suis absolument pas un technicien de la pollution, de l’aggravation, de l’amélioration des choses. Je ne peux pas imaginer que l’être humain qui va croissant, ne salisse pas la mer avec ses différents comportements autour du monde. Je suis très attentif à ce qu’on appelle à tort le tri sélectif, qui est en fait, le tri subjectif. Le tri sélectif, c’est un abominable pléonasme. Mais je ne suis pas certain que notre rôle individuel, sinon celui de nous rassurer sur notre moralité face aux choses, corrige quoi que ce soit de la pollution générale. Quand on voit les Chinois, les Indiens, les Pakistanais, la plupart des états africains, on se dit que notre dé à coudre purifié ne sert pas à grand-chose. Mais il faut quand même le faire, j’en suis convaincu. Cela nous sensibilise non seulement à la pollution, mais également à la moralité générale de toutes les situations. Il faut bien se comporter envers les choses de la vie.

Entretien réalisé par Victor Hache

 

 

 

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