benjamin biolay grand prix
Benjamin Biolay: " La mélancolie est inhérente à ma musique" © Marta Bevacqua

Interview. Trois ans après ses disques argentins « Palermo Hollywood » et « Volver »,  Benjamin Biolay revient avec « Grand Prix », son 9ème opus. Un album traversé par sa passion pour le monde de la Formule 1, qui trouve son équilibre entre mélodies entêtantes et mots à fleur de peau teintés de spleen interprétés d’une voix de crooner. A l’image de l’émouvante « Comment est ta peine? », chanson d’avant confinement, qui nous fait reprendre goût à la vie. En attendant son retour sur scène à l’automne.


On se demandait après quoi courait Benjamin Biolay. On a la réponse aujourd’hui avec cet élégant et sensible nouvel album auquel WECulte attribue volontiers le Grand Prix de la chanson française 2020


« Comment est ta peine ?/ La mienne est comme ça/ Il ne faut pas qu’on s’entraîne à toucher le bas ». Les mots, la voix de crooner de Benjamin Biolay, agissent comme un baume au sortir de cette période d’enfermement consenti. L’auteur de « La Superbe », de  » Ton héritage » et de « À l’origine » revient avec le beau et réussi « Grand prix ». Un album signé du champion de la chanson mélancolique, qui nous emmène sur le grand circuit des ses émotions, où il avoue  sa passion pour la Formule 1. Un sans-faute ou presque pour ce 9ème opus de BB, où les mélodies entêtantes et les paroles à fleur de peau vous prennent par la main à chaque refrain.

Un voyage sportif et sentimental où le chanteur-acteur réaffirme son goût pour le cinéma des années 1970, avec un bel hommage à l’inoubliable Monica Vitti dans le clip « Vendredi 12 ». « Dis-moi si tu te souviens encore/ Un peu de ma peau sur ton corps/Dis-moi si t’es fâchée, d’abord/Avant qu’on Stop ou qu’on Encore/ » chante Biolay , lequel n’a pas son pareil pour dire l’amour, les rendez-vous manqués, les regrets et les départs. Il y a quelque chose qui nous touche et nous rend triste chez Biolay. Un mélange unique de nostalgie, de spleen, de poésie et de chansons-pop qui vont droit au cœur. On se demandait après quoi courait Benjamin Biolay. On a la réponse aujourd’hui avec cet élégant et sensible nouvel album auquel WECulte attribue volontiers le Grand Prix de la chanson française 2020.

 

Pochette de l'album Grand Prix
Benjamin Biolay: « Tant qu’à conduire des voitures, autant que ce soit une voiture de course ! »

Le titre « Grand Prix » est la première chanson que vous avez écrite en pensant au pilote Jules Bianchi, pour cet album où vous faites souvent référence aux courses automobiles. A quand remonte votre passion pour la Formule 1 ?

Benjamin Biolay : A l’enfance. Un dimanche sur deux, je regardais le Grand prix à la télé, je regardais ça avec mes oncles. C’est quelque chose que j’ai toujours adoré, de voir ces voitures tourner en rond sur un circuit (rires). C’est une passion qui ne m’a pratiquement jamais quittée surtout après avoir vu courir Ayrton Senna. J’avoue avoir fait un petit break de Grands Prix ensuite et c’est vrai que j’a raté les années où Michael Schumacher était dominant…

On se demandait après quoi vous couriez et aujourd’hui sur la pochette du disque, on vous voit sur un circuit en tenu de pilote. Dans vos fantasmes les plus fous, auriez-vous aimé conduire une voiture de course ?

Benjamin Biolay : Oui vraiment, tant qu’à conduire des voitures, autant que ce soit une voiture de course ! (rires). J’avoue que pour cette photo qu’on a faite sur le circuit de Haute Saintonge chez Jean-Pierre Beltoise, voir la Matra avec laquelle il a remporté en 1972 le Grand Prix de Monaco, c’est impressionnant et émouvant. La F1 de l’époque était très légère, c’est un petit cercueil ce truc… J’ai eu la chance de faire de la Formule 1 biplace sur le circuit Paul Ricard avec un pilote français, Franck Montagny, et je dois dire que c’est une sensation incroyable, c’est carrément grisant !

 La Ferrari, c’est la voiture qui vous fait le plus rêver ?

Benjamin Biolay : Ferrari c’est le nom que tout le monde connait, comme le Grand Prix de Monaco ! (rires). Les pilotes quand ils roulent pour Ferrari, c’est mythique. C’est une épreuve très dure avec tout ce que ça représente, la personnalité d’Enzo Ferrari qui plane… tout cela fait partie du mythe de la course automobile.

Dans « Comment est ta peine ? », vous chantez « Faut pas qu’on s’entraîne à toucher le bas, Il faudrait qu’on apprenne à vivre avec ça… » Des mots émouvants posés sur une mélodie magnifique, qui évoquent l’idée d’un mal-être collectif ?

Benjamin Biolay : Un peu, même si j’ai écrit avant qu’on soit tous dans une espèce de mal-être collectif, bien concret. C’est aussi le fait d’avoir une partie de la vie en Argentine, où je vois un pays qui s’écroule… La première pulsion est quand même de danser, faire de la musique plutôt dansante, rythmée, d’apparence légère…

C’est assez nouveau chez vous…

Benjamin Biolay : C’est très ancien, mais ça n’avait jamais été réussi. C’est quelque chose que j’aurais aimé faire à 20 ans, cet album.

Donc, un peu moins de spleen chez vous, bien que le noir revienne souvent ?

Benjamin Biolay : J’avoue que ce n’est guère contrôlable. Je me vois mal parler du présent ou de la félicité. J’ai toujours tendance à regarder soit devant, soit derrière et à repenser aux choses qui m’ont un peu disloqué, qui ont fait ce que je suis aujourd’hui comme personne.

La mélancolie qui vous habite, c’est un bon moteur à la création ?

Benjamin Biolay : Elle ne m’habite pas tant que ça dans la vie. Elle est inhérente à ma musique. D’ailleurs, je n’écoute pas trop des chansons rigolotes (rires).

Vous chantez souvent l’absence, l’impossibilité d’aimer, la rupture. Les amours heureuses chez Biolay, ça n’existe pas ?

Benjamin Biolay : J’aimerais bien, mais on ne peut pas dire que ça existe. Cela dit, je ne parle pas que de la rupture amoureuse. J’ai dû quitter ma ville natale (Villefranche-sur-Saône), puis ma seconde ville (Lyon) où j’étais bien avant de m’installer à Paris. J’ai laissé beaucoup de ce que je suis sur le chemin pour faire, comme dans la chanson « Je me voyais déjà » et tenter ma chance. Quitter la province, ses amis, ses proches, il y a un côté sacrificiel dans ce truc-là. Cela déteint dans ma tête. J’ai l’impression d’avoir gagné et perdu beaucoup en faisant ces choix.

Vous chantez « La roue tourne »… le temps qui passe vous fait-il peur ?

Benjamin Biolay : Les choses inexorables ne me font pas peur, mais celles qui sont inconnues. La roue tourne, le temps qui passe, c’est inexorable comme processus. Ça m’impressionne. Quand je perds pied et que je me je rends compte que plus les années allaient passer, plus j’allais être pétri de certitudes, je m’aperçois en fait que j’ai moins confiance en pleins de concepts auxquels je croyais. L’homme providentiel en politique, je n’y crois plus une seconde. Il y a plein de choses auxquelles je ne crois plus.

Vous ne croyez plus en la politique ?

Benjamin Biolay : Je parle du statut d’un homme providentiel en politique. Il y a encore quelques années, je pensais que c’était comme cela que ça marchait. Il fallait que quelqu’un arrive et secoue le cocotier. Je suis un passionné de la Constitution française de mon pays, mais c’est vrai qu’il y a plein de trucs dans lesquels je ne crois plus.

Que voulez-vous dire par « En ne suivant pas les règles/On est baisé d’avance/Mais en les suivant toutes/On n’a aucune chance » ?

Benjamin Biolay : J’ai l’impression qu’il y a toujours un décalage quand on fait un petit virage par rapport à la route qui nous semble tracée, où ce que l’on nous dit de faire. Et que si à un moment dans sa vie, on ne met pas un coup de canif dans le contrat, on n’est pas assuré d’avoir un destin satisfaisant. C’est une question de liberté et de libre arbitre qui n’existe plus de nos jours.

Il y a aussi ces mots « Plus on sait/On sait qu’on ne sait rien/ou presque rien », qui pourraient presque faire écho à la période de crise que nous venons de traverser… où on n’était plus sûr de rien, où nos certitudes face à la vie ont volé en éclats…

Benjamin Biolay : Cela vaut également par rapport à notre pays. Très souvent quand je suis à l’étranger et que les gens commencent à cracher sur la France, je leur vante le système de santé avant tout, auquel je suis hyper attaché. Et là, on s’est aperçu qu’il n’était aussi au point qu’on le pensait. C’est encore une certitude qui s’écroule. Il y avait quelque chose de fou durant cette période. En plus, le président de la République a cru bon d’ajouter à cela un vocabulaire guerrier. Quand on est enfant, démerde-toi avec ça. Il faut leur expliquer que ce n’est pas la guerre, mais une maladie…Bref, il y a plein de certitudes qui ont volé en éclats.

Vous avez fait quotidiennement des Facebook live durant le confinement. Comment avez-vous vécu cette période?

Benjamin Biolay : C’est la première fois que j’ai bien aimé les réseaux sociaux, vraiment sincèrement et sans réserve. C’est un outil dont je ne raffolais pas, mais je me suis dit pour une fois que l’utilité est là. Ça m’a permis d’être auprès des gens qui avaient envie d’être avec moi ou d’écouter mes chansons, qui me proposaient des idées de titres à reprendre. Il y avait un truc charmant de créer une audience sans aucun autre filtre ou intermédiaire, à être en direct, juste avec le micro de mon téléphone. J’ai trouvé cet échange rassérénant et beau. Avec les gens qui m’écrivaient ensuite et moi, qui au réveil me disait : « il faut que je fasse une bonne chanson aujourd’hui  » (rires). Ça me motivait.

C’est là qu’on s’aperçoit du pouvoir de la musique, cette chose indispensable qui nous aide à vivre finalement…

Benjamin Biolay : Sans les artistes, la musique, le confinement aurait été un enfer. Moi qui ai beaucoup de mal à me concentrer sur la littérature et même le cinéma, j’ai redécouvert le plaisir d’écouter de la musique deux heures par jour. C’est une chance merveilleuse cet art. ça permet de voyager, quand on écoute Bob Dylan chanter, on n’a plus l’impression d’être coincé à Paris…

Le monde de la musique est à l’arrêt. Que vous inspire cette situation inédite, qui risque de porter un coup fatal à de nombreux acteurs de la culture ?

Benjamin Biolay : Le plus important, ce sont les producteurs indépendants. C’est comme ça que ça marche : il n’y pas que des gros poissons dans l’aquarium mais beaucoup d’indés, de petites structures, des labels qui sont souvent les plus créatifs, avant-gardistes. Un label de musique électronique qui ne faisait que des vinyles et des DJ sets, il est mort à l’heure qu’il est…

Etes-vous optimiste ou pessimiste quant à l’évolution du monde « d’après » ?

Benjamin Biolay : C’est difficile d’être optimiste. Même si on réussi à tout régler d’un point de vue sanitaire, le monde du spectacle va subir les conséquences de ce qui s’est passé. Tout est à l’arrêt complet et la chaîne économique n’engrange plus d’argent, ce qui fait que plus personne ne peut en redistribuer. Il y a la musique, mais dans le cinéma, c’est également tragique. En tant qu’acteur, j’ai deux tournages qui se sont arrêtés, les dates changent constamment, tout le monde navigue à vue, sans avoir de référents extérieurs, comme par exemple l’Etat qui ne répond pas. La situation est extrêmement compliquée.

Vous trouvez que le Ministère de la culture a mal géré les choses ?

Benjamin Biolay : Il a mal géré parce que je pense qu’il n’a pas eu la possibilité de le faire. Il a été dépassé. Il faut un poids lourd politique à la culture si on veut que la culture, qui est quand même une des plus grandes richesses de la France, perdure. Ça passe par une personnalité forte qui sait gérer un budget conséquent et se faire entendre. Il faudrait que la politique revienne au centre du débat dans plein de domaines.

C’est-à-dire ?

Benjamin Biolay : Je pense que ça va être plus compliqué la prochaine fois s’il y un remake de la dernière élection présidentielle, de convaincre les gens d’aller voter contre untel ou contre unetelle. J’en ai marre de devoir choisir entre la peste et le choléra. La culture ce n’est pas populaire en campagne électorale. Ce sont quand même des gens qui font de la politique en professionnels. Aller parler de culture en meeting, alors qu’il y des problèmes bien plus graves, c’est compliqué et ça va l’être de plus en plus. La politique culturelle n’est pas importante pour eux…

Si les conditions sanitaires le permettent, vous allez partir pour une grande tournée à partir du 21 octobre. Heureux à l’idée de retrouver en vrai et non plus en virtuel, votre public ?

Benjamin Biolay : Après le confinement, j’attends ce moment avec impatience. Je devais faire une tournée américaine qui a été annulée à cause de la pandémie, qui m’a laissé un goût d’inachevé (rires). J’ai vraiment hâte de revenir sur scène et de partager ma musique avec les gens.

Entretien réalisé par Victor Hache

Album « Grand Prix » de Benjamin BiolayPolydor/Universal. Sortie 26 juin 2020.

Tournée à partir du 21 Octobre. Concerts Paris, Casino de Paris (28 octobre), La Maroquinerie (29 octobre), Olympia (30 octobre).

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Benjamin Biolay. © BestImage,
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L’actualité cinéma de Benjamin Biolay 

Chanteur et acteur, Benjamin Biolay est à l’affiche de plusieurs films :

« LES APPARENCES », de Marc Fitoussi, un thriller dans lequel Benjamin Biolay occupe le premier rôle masculin aux côtés de l’actrice Karin Viard. Sortie en septembre.

« THE EDDY » – Benjamin Biolay fait partie du casting de cette série musicale de Damien Chazelle, disponible sur Netflix depuis le 8 mai.

« PAR UN DEMI CLAIR MATIN », comédie dramatique de Bruno Dumont sur le monde du journalisme, où l’on retrouve Benjamin Biolay avec Léa Seydoux, Blanche Gardin et Benoît Magimel.  Sortie automne 2020.

« UN HIVER EN ÉTÉ » : Benjamin Biolay doit finir le tournage interrompu pour cause de coronavirus, du film « Un hiver en été » de Laetitia Masson, dont on ne connait pas encore la date de sortie.

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