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"Houria" : Lyna Khoudri dans son rôle de danseuse classique (c) Wild Bunch

[Sortie cinéma] Victime d’une agression, une jeune femme se refait une santé physique et mentale grâce à sa passion, la danse. C’est le fil conducteur de « Houria » (ce mercredi 15 mars sur les écrans), second film de la réalisatrice algérienne Mounia Meddour trois ans après son très remarqué « Papicha ».


« Houria » : Le film est porté de bout en bout par Lyna Khoudri, qui peu à peu trace sa route dans le cinéma français


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Pour Houria (Lyna Khoudri, au centre, en blanc), la danse est une thérapie (©Le Pacte).

Alger. Houria (Lyna Khoudri) est une jeune et talentueuse danseuse, qui prend des cours dans la salle de danse de sa mère Sabrina (Rachida Brakni). Pour gagner sa vie elle est femme de ménage dans un hôtel et, pour arrondir ses fins de mois, elle participe à des paris clandestins la nuit: sur des combats de béliers, que leurs propriétaires baptisent Poutine, Joker, Obama, Trump, Batman ou Ben Laden.

Poursuivie et agressée

Un soir, Houria gagne gros. Mais est poursuivie et agressée par un parieur mécontent. Elle dévale l’escalier et, le lendemain, se réveille à l’hôpital avec un œil tuméfié, un œdème et une double fracture de la cheville. Et, surtout, incapable de prononcer le moindre mot.

Ses rêves de carrière de ballerine s’envolent. Mais elle garde l’espoir en entamant une rééducation auprès d’autres femmes blessées physiquement et mentalement, dont certaines ont perdu la parole, comme elle: une dont les enfants sont morts lors d’un attentat terroriste dans les années 90, deux sœurs autistes qui ont été sequestrées, une femme répudiée parce que stérile, une orpheline de 18 ans.

Houria retrouve la complicité et la solidarité féminines, comme autrefois avec les danseuses. Mais elle retrouve aussi la peur car son agresseur, identifié et arrêté, a été remis en liberté…

Deux César

Mounia Meddour, 44 ans, avait déjà parlé de la place des femmes au sein de la société algérienne dans « Papicha », qui avait remporté deux César en 2020: meilleur premier film et meilleur espoir féminin pour Lyna Khoudri. Pour « Houria », « au départ, il y a eu l’envie de continuer à explorer la société algérienne avec ses problématiques actuelles et ses richesses humaines et linguistiques », explique-t-elle.



Mais elle a mis aussi un peu d’elle-même dans le scénario: « Venant du documentaire, j’aime puiser au fond de moi des souvenirs et des expériences pour les retranscrire en fiction au cinéma. À la suite d’un accident, double fracture de la cheville, j’ai vécu une longue rééducation qui m’a immobilisée pendant quelque temps. J’avais envie de raconter l’isolement, la solitude et le handicap. Mais surtout la reconstruction ».

Majorité de femmes

Houria et sa mère Sabrina sont danseuses, vivent sans hommes, ne portent pas le voile, Sabrina fume, comme dans « Papicha » la majorité des personnages sont des femmes. Et « le mutisme d’Houria est clairement symbolique de toutes ces femmes qu’on a voulu faire taire, qu’on a chassées, écartées, étouffées, humiliées et réduites au silence. Houria symbolise toutes les sans-voix », dit la réalisatrice.

Mais le féminisme n’est pas la seule motivation de Mounia Meddour, qui a voulu placer son histoire dans une vision désenchantée et critique de la société algérienne: passivité des institutions, machisme de la police, amnistie des ex-terroristes islamistes décidée par le pouvoir pour acheter la paix sociale, rancœur des familles des victimes de la guerre civile des années 90 qui n’ont pas pardonné, condition féminine qui n’évolue que très lentement, désœuvrement et manque d’avenir de la jeunesse.

Sombre tableau

Ce sombre tableau est illustré par deux développements du scénario: l’agresseur de Houria est un ancien terroriste, identifié, arrêté, puis remis en liberté; et sa meilleure amie Sonia (Hilda Amira Douaouda, découverte elle aussi dans « Papicha »), femme de ménage comme elle, fait tout pour émigrer clandestinement vers l’Espagne.

Le film est porté de bout en bout par Lyna Khoudri, qui peu à peu trace sa route dans le cinéma français: elle jouait le rôle d’un témoin important dans « Novembre » et sera Constance Bonacieux dans les deux volets des « Trois Mousquetaires » bientôt sur les écrans.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE :« J’ai envie de partir. J’ai envie de vivre. Je veux respirer » (Sonia, la meilleure amie d’Houria, femme de chambre comme elle).


  • A voir : « Houria » (Algérie/France, 1h38). Réalisation: Mounia Meddour. Avec Lyna Khoudri, Amira Hilda Douaouda, Rachida Brakni (Sortie 15 mars 2023)
  • Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong

 

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