constance debre love me terder
Constance Debré (c) Marie Rouge

Roman. Après « Play Boy » et son « coming out », Constance Debré revient avec un livre choc : « Love Me Tender ». Un roman cru et cruel, entre cri désespéré et amour maternel. Le livre d’une mère démontée…

L’écriture de Constance Debré est aussi crue que cruelle. Voilà donc, avec « Love Me Tender », le grand roman d’une mère démontée, d’une  » bad girl » qui, avec sa kalachnikov à mots, tire à vue. Le grand roman des variations amoureuses

  Voici le roman de la dépossession. Comme un coup de poing dans le cœur. La couverture indique « roman » et le bandeau qui ceint le livre, à côté d’un portrait entre ombre et lumière de l’auteure, annonce : « Puisque rien ne m’oblige ». Après « Play Boy » (2018), c’est donc « Love Me Tender », le deuxième roman de Constance Debré– et, au vu et au lu des réactions, on a là un des livres chocs du début de cette année 2020. Le livre d’une mère démontée, d’une femme va-t-en-guerre.

Avocate installée, issue d’une grande famille française (avec hommes politiques dont le grand-père Premier Ministre du Général de Gaulle, médecin réputé ou journaliste brillant), elle avait conté dans son premier roman son « coming out » et sa découverte de l’homosexualité, de son homosexualité, elle la femme mariée et mère de famille… Avec « Love Me Tender » qui rappelle que l’amour maternel en vaut bien un autre, elle poursuit dans la veine de l’autofiction – dans ces pages, il y a des airs de Christine Angot, d’Hervé Guibert aussi. Ça commence par une phrase définitive : « Je ne vois pas pourquoi l’amour entre une mère et un fils ne serait pas exactement comme les autres amours. Pourquoi on ne pourrait pas cesser de s’aimer. Pourquoi on ne pourrait pas rompre. Je ne vois pourquoi on ne pourrait pas s’en foutre, une fois pour toutes, de l’amour ».

Placé sous l’égide de « L’Orestie » d’Eschyle, « Love Me Tender » est le livre d’une quête- du sens, de la vie juste, de la vie bonne. Le roman de la dépossession, aussi. Au fil des pages, à l’image d’une Clytemnestre follement eschylienne, délicieusement punk, Constance Debré mène sa guerre. De loin en très loin, elle voit le père de son fils, cet homme qui est encore son mari aux yeux de la loi puisqu’ils n’ont pas divorcé. Mais l’ex-avocate, âgée de 47 ans, a quitté le domicile conjugal, est partie vivre sa vie. Son fils, c’est le père qui en a la garde. Elle vit dans un 9 mètres carrés, ou chez des « ami.e.s  » qui l’hébergent temporairement. Pour la bouffe, elle fait ce qu’elle peut, ne mange pas tous les jours. Elle passe d’une amoureuse à une autre. L’amour, il n’y en pas nécessairement ; du sexe, oui…

L’écriture de Constance Debré est aussi crue que cruelle. Elle n’épargne rien ni personne- à commencer par elle-même. La violence de la vie transpire à toutes les pages. La mesquinerie et la petitesse de nombreuses personnes dont son mari qui l’accuse  » d’inceste, de pédophilie sur mon fils de huit ans, directement ou par tiers interposés « , les incongruités de la justice quand elle tente de régler les affaires familiales. La bataille d’une mère pour voir son fils, ne serait-ce qu’une heure de temps en temps dans les locaux d’une association sous la haute surveillance du personnel qui consigne les mots échangés entre la mère et son fils, même si elle glisse, à un moment du roman, que ne plus avoir son fils l’arrange : « Ça m’arrange parce que je n’ai pas fini de m’occuper de moi, que c’est la seule affaire qui me passionne ». Elle dit et écrit, également : « Ça m’arrange parce que c’est effrayant l’amour. Toutes les formes d’amour, y compris pour un enfant, encore plus peut-être « 

constance debre love me tender
(c) Marie Rouge

Voilà donc, avec « Love Me Tender », le grand roman d’une mère démontée, d’une  » bad girl » qui, avec sa kalachnikov à mots, tire à vue. Le grand roman des variations amoureuses. Avec ses questions définitives : « Pourquoi il faudrait absolument qu’on s’aime, dans les familles et ailleurs, qu’on se le raconte sans cesse, les uns aux autres ou à soi-même. Je me demande qui a inventé ça, de quand ça date, si c’est une mode, une névrose, un toc, du délire, quels sont les intérêts économiques, les ressorts politiques. Je me demande ce qu’on nous cache, ce qu’on veut de nous avec cette grande histoire de l’amour. Je regarde les autres et je ne vois que des mensonges et je ne vois que des fous. Quand est-ce qu’on arrête avec l’amour ? Pourquoi on ne pourrait pas ? Il faudrait que je sache « .

Texte Serge Bressan

« Love Me Tender » de Constance Debré. Flammarion, 224 pages, 18 €.

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