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"Affaire Houellebecq" : l'écrivain le 20 avril 2022 au Printemps de Bourges - Guillaume Souvant - AFP

« Affaire Houellebecq ». Ne rien publier lors de la récente rentrée littéraire hivernale et en être quand même la vedette. Voilà l’exploit réussi par Michel Houellebecq, tenu pour « mégalo et provocateur », avec des propos ciblant une fois encore les musulmans… Le point sur « l’affaire ».


« Affaire Houellebecq » : l’écrivain fait, une fois encore, l’actu. Avec un goût de scandale- ce dont il est coutumier, tant par ses écrits que par ses déclarations


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« Affaire Houellebecq » : Le recteur de la Grande Mosquée de Paris a confirmé avoir décidé de « renoncer aux poursuites judiciaires » à l’encontre de l’écrivain pour les propos « violents » visant les musulmans, saluant notamment les « regrets » exprimés par le romancier (c) Guillaume Souvant Agence France-Presse

 Prendre encore et encore par tous les sens le Top 15 des auteur.e.s français.e.s qui ont le plus vendu en 2022, dominé une fois encore par Guillaume Musso. Consulter les parutions de la rentrée littéraire d’hiver 2023 avec Philippe Besson, Laure Groff, Rapheal Haroche, Pierre Lemaitre ou encore Lydie Salvayre…Chercher encore et encore, pas trace de son nom et pour cause, il ne publie pas un nouveau roman en ce janvier 2023.

Pourtant, il a réussi l’exploit : ne pas être en librairie dans le rayon « nouveautés » tout en étant la véritable vedette du moment- et pas seulement dans le microcosme franco-littéraire.

Prix Goncourt 2010 pour « La Carte et le Territoire », Michel Houellebecq fait, une fois encore, l’actu. Avec un goût de scandale- ce dont il est coutumier, tant par ses écrits que par ses déclarations. Et il n’en a pas fallu plus pour que surgisse « l’affaire Houellebecq »

Dernière frasque en date : la publication dans la revue souverainiste « Front populaire » d’un entretien « libre » sur une quarantaine de pages entre son fondateur, l’omniprésent philosophe Michel Onfray, et Michel Houellebecq, 66 ans.



L’échange a duré plusieurs heures, agrémenté dit-on d’une consommation pas modérée de dives bouteilles… Dans l’entretien, l’auteur de « Domaine de l’extension de la lutte » (1994), de « Soumission » (2018) ou encore d’« anéantir » (2022) a développé des thèmes récurrents dans ses romans.

Dans le flot des mots houellebecquiens marmonnés (marque de fabrique du personnage !), deux passages ont fait parler au-delà des frontières du Quartier latin où se font et défont les réputations littéraires. Le premier : « Je crois que le souhait de la population française de souche, comme on dit, ce n’est pas que les musulmans s’assimilent, mais qu’ils cessent de les voler et de les agresser, en somme que leur violence diminue, qu’ils respectent la loi et les gens. Ou bien, autre bonne solution, qu’ils s’en aillent ».

Le second : « Quand la Reconquista, modèle de reconquête, a débuté, l’Espagne était sous domination musulmane. On n’est pas encore dans cette situation. Ce qu’on peut déjà constater, c’est que des gens s’arment. Ils se procurent des fusils, prennent des cours dans les stands de tir. Et ce ne sont pas des têtes brûlées. Quand des territoires entiers seront sous contrôle islamiste, je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l’envers ».

Rapidement, la Grande Mosquée de Paris par son recteur Chems-Eddine Hafiz a déposé plainte contre l’écrivain pour « incitation à la haine » (*) Discrètement, le grand rabbin de France Haïm Korcia a organisé une rencontre entre Michel Houellebecq et Chems-Eddine Hafiz. Le premier s’est engagé à « polir » son texte qui doit paraître prochainement en livre ; le second a suspendu sa plainte mais explique qu’il la redéposera si, à ses yeux, le texte de l’écrivain demeure, en version livresque, du même acabit que celui publié dans la revue d’Onfray.

De son côté, le Conseil français du culte musulman (CFCM), par la voix de son délégué général Abdallah Zekri, confie maintenir sa « plainte pour mille et une raisons », pointant « cette catégorie d’intellectuels (…) investis d’une mission, celle de lézarder la cohabitation entre tous les Français, en jetant l’opprobre sur les musulmans, accusés de tous les maux, bien que tout le monde sache qu’ils sont les premières victimes de ce que Houellebecq et ses acolytes font mine de combattre mais qu’ils encouragent, en vérité, à plus de radicalisme et de violence, c’est-à-dire les extrémistes religieux (…). Leur attitude est absolument opposée à la saine relation qui doit exister entre toutes les franges de la  société française ».



Dans le monde tant intellectuel que politique français, même s’il fait débat en privé, le sujet Houellebecq pose problème. Parce que, longtemps tenu pour homme de gauche, l’écrivain a glissé inexorablement à droite (certains disent même, à l’extrême droite).

Parce que, aussi, il n’en est pas à sa première sortie fracassante- en septembre 2001 dans la foulée la parution de son roman « Plateforme », il lance dans un entretien : « (…) Et la religion la plus con, c’est quand même l’islam. Quand on lit le Coran, on est effondré (…) L’islam est une religion dangereuse, et ce depuis son apparition ».

Commentaire de Pierre Assouline, à l’époque directeur de la rédaction de Lire et aujourd’hui écrivain et membre de l’Académie Goncourt : « Il faut au moins lui reconnaître de la suite dans les idées ». A « Charlie Hebdo », longtemps soutien de l’écrivain au nom de la liberté d’expression, on est catégorique : « Il a dépassé les bornes… Avec leur entretien mégalo dans « Front populaire », Houellebecq et Onfray mettent les mains dans le pâté. C’est la banalisation d’un rouge-brunisme porté par une nébuleuse de gens qui comptait encore beaucoup de pro-Poutine il y a un an… »

Réputé mégalo, provocateur et menteur, Michel Houellebecq est le symbole de « la radicalisation d’un auteur à succès ». Est-ce une raison, bonne et suffisante, pour justifier des dérapages incontrôlés (du moins, en apparence) et inqualifiables ? La réponse est dans la question…

Serge Bressan


(*) Dans un récent communiqué publié au lendemain d’une rencontre entre les deux hommes, Chems-eddine Hafiz indique qu’« après avoir pris connaissance des modifications » des propos incriminés « apportées par Michel Houellebecq et des regrets qu’il a exprimés, la Grande Mosquée de Paris a décidé de renoncer en cet état aux poursuites judiciaires à son encontre »

  • L’écrivain a reconnu que certains paragraphes étaient « ambigus » et fait parvenir au Figaro une nouvelle version amendée de ses propos initiaux. Ce que les Français « demandent, et même ce qu’ils exigent, c’est que les criminels étrangers soient expulsés, et en général que la justice soit plus sévère avec les petits délinquants », a-t-il écrit

 

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