Livres. Après quelques textes sur la vengeance féminine, Camilla Läckberg revient à son genre de prédilection. Et, avec « Le Nid du coucou », ce onzième volet de la série « Fjällbacka », l’écrivaine suédoise rappelle qu’elle demeure la « reine du polar ».
Camilla Läckberg : dans « Le Nid du coucou », son nouveau polar, l’écrivaine suédoise ne lésine pas sur la sauvagerie des meurtres
Dans la tribu en vogue des auteur.e.s scandinaves, elle est « la reine du polar ». A bientôt 50 ans (le 30 août prochain), la Suédoise Camilla Läckberg est tenue pour l’une des meilleur.e.s dans le genre polar, tout en écrivant également des livres de cuisine et pour enfants, et elle a même ouvert, avec deux amies, la clinique privée Hedda Care dans le quartier chic de Stockholm.
Après une maîtrise en administration des affaires, elle arrive dans le monde des livres en 2003. Succès immédiat avec « La Princesse des glaces » (2008 pour la VF) et son héroïne, l’écrivaine enquêtrice Erica Falck, qui vit et travaille avec celui qui deviendra son mari, Patrik Hedström, enquêteur au commissariat de Fjällbacka, petite ville côtière de l’ouest suédois- accessoirement, lieu de naissance de Camilla Läckberg…
Après quelques romans et textes chocs sur la vengeance féminine, cette dernière reprend la série « Fjällbacka », et livre donc un onzième volet, « Le Nid du coucou ». Une fois encore, un polar millimétré, jouant la bipolarité fictionnelle à la perfection.
Là encore, le décor ne change pas. Toujours la petite ville de Fjällbacka, dans les années 1980. Sur une petite île au large de la ville, le couple Bauer célèbre ses noces d’or (50 ans de mariage !) avec leurs amis et le gratin de la « Kulture » suédoise. Henning Bauer est un des plus prestigieux écrivains du pays, on assure que le Nobel lui est assuré même si certains murmurent que cette récompense ne serait pas aussi méritée qu’on veut le faire croire…
Mais la vie, même à Fjällbacka, n’est pas nécessairement un long fleuve tranquille. On apprend qu’un ami photographe de Bauer, qui prépare une rétrospective dont l’œuvre forte est intitulée « Culpabilité », est assassiné : « Il savait aussi que lors de l’inauguration deux jours plus tard il se sentirait libéré de ce poids qu’il portait depuis de nombreuses années ». Et le lendemain, ce sont le fils d’Henning Bauer et ses deux garçons qui sont assassinés durant leur sommeil…
Erica Falck, plus que jamais écrivaine, se lance dans une nouvelle enquête. Elle veut percer le mystère de la disparition dans les années 1980 de la femme transgenre ayant servi de modèle aux œuvres, dont « Culpabilité », qui auraient dû être au cœur de l’expo photos de la victime.
Ainsi, la voilà embringuée dans un « cold case » ; en avançant dans ses investigations, elle comprend que « le passé étend ses tentacules jusque dans le présent, et que de vieux péchés laissent de longues ombres derrière eux ».
Dans le même temps, Patrik Hedström est chargé de l’enquête du meurtre du fils Henning et de ses deux enfants- « le plus atroce des meurtres sur lesquels il a eu à enquêter », confie-t-il… L’intrigue est certes complexe, emplie de rebondissements- on dévoilera seulement que, dans « Le Nid du coucou », il s’agit d’une histoire de vengeance.
En grande forme pour ce retour, Camilla Läckberg sait, comme peu d’auteur.e.s, mêler intrigues, enquêtes et vie familiale des personnages. Ainsi, dans toutes ces pages, lecteurs et lectrices sont au plus près de la vie d’Erica et Patrik.
En quelque sorte, la marque de fabrique de Camilla Läckberg… Avec, comme souvent dans les polars de l’écrivaine suédoise, des éclairages sur des questions sociétales- ainsi, la discrimination des femmes et des transgenres ; l’homosexualité qui, dans la décennie 1980, était encore tenue par la plupart comme une « maladie honteuse » ; le sentiment des homosexuel.le.s d’être un « animal de foire », ou encore le peu d’intérêt manifesté par la justice pour leur cause, même quand il y avait disparition ou meurtre…
Evidemment, « Le Nid du coucou » étant un polar, Camilla Läckberg ne lésine pas sur la sauvagerie des meurtres. Mais fine technicienne de la chose écrite, elle y instille de bonnes doses de sensibilité et de délicatesse. Pour mieux nous faire croire qu’il est doux de se glisser dans un nid de coucou ?
Serge Bressan
- A lire : « Le Nid du coucou » de Camilla Läckberg. Traduit par Susanne Juul et Andreas Saint-Bonnet. Actes Sud, 434 pages, 23,50 €.
EXTRAIT
« Il manipulait délicatement les photos encadrées. Il les posa, l’une après l’autre, contre le mur, et les compta encore une fois. Seize. Tout le monde était bien là.
Il fit quelques pas en arrière pour les observer. Se retourna ensuite vers les autres cadres à proximité, plus simples. Ses cadres de substitution. Sur ders bouts de papier, il nota le nom de chaque photo en lettres majuscules et irrégulières. Ensuite, il scotcha un titre dans chaque cadre. Il n’avait pas besoin d’avoir les originaux sous les yeux pour déterminer leur emplacement sur les murs blancs de la galerie. Chaque photo de l’exposition à venir était gravée sur sa rétine, il lui suffisait de consulter sa mémoire pour les voir distinctement… »