Le Book club de We Culte. Avec « Celle fugue », Cécile Tlili signe un roman délicat sur la reconstruction après la rupture, où deux femmes blessées trouvent dans leur rencontre la force de se relever.
« Celle qui fugue » : Cécile Tlili signe ainsi un roman touchant sur la douleur d’une séparation brutale, la solitude et la fuite.
« J’avais fui en Corse en pensant échapper à mes peines, et pendant quelques heures, j’avais cru à la réussite de mon stratagème. » Quand Alice a appris que son mari avait décidé de la quitter, elle a ressenti le besoin de partir. Sans réfléchir, elle est montée dans un train avant de prendre la direction de la Corse. Mais les kilomètres et les paysages n’auront pu réussir à panser ses plaies.
En prenant la route du retour, le chagrin et la douleur étaient toujours présents. Elle a trouvé un studio, y a déposé les quelques affaires qu’elle avait emmenées avec elle et a repris le chemin de son laboratoire d’analyses médicales. En piquant les patientes, elle essaie de donner le change. Évite de parler à Léna, sa collègue et amie.
Elle cache son mal-être puis essaie de le noyer dans l’alcool. Après avoir réussi à échapper à un homme croisé dans un bar et qui voulait profiter de son désarroi, elle croise Siham, sa voisine, dans le hall de l’immeuble.
La jeune femme lui tend la main et lui propose de passer la nuit chez elle. Un geste de solidarité qui lui met un peu de baume au cœur. « J’aimerais qu’elle voie autre chose en moi qu’une femme d’âge indéterminé qui s’enivre seule le soir. J’aimerais qu’elle mesure la profondeur de ma peine, sa violence ». Aussi, petit à petit, elle trouve les mots pour dire ce mal qui la ronge.
Son amie Léna a aussi compris qu’elle traversait une mauvaise passe. Quand Damien, le mari d’Alice, l’appelle pour lui expliquer la situation et lui demander d’intercéder en sa faveur pour qu’elle accepte de parler à leur fille, elle n’est guère surprise. Mais essaie tout de même d’en savoir davantage pour aider Alice, dont les nuits sont toujours autant agitées.
Au bout du rouleau, elle va demander à Siham de l’héberger quelques nuits. Les liens qui se tissent entre les deux jeunes femmes vont leur permettre d’avancer ensemble vers le meilleur. Alice comprend que Siham est sous emprise et va demander à son mari, conseiller municipal, de lui fournir les coordonnées des services sociaux qui pourraient prendre Siham en charge. Un moyen d’atténuer sa propre peine et de renouer avec son mari.
Après Un simple dîner, Cécile Tlili confirme ici qu’elle maîtrise parfaitement l’art du roman psychologique intimiste. Elle nous livre une œuvre fine et sensible qui explore avec justesse les mécanismes de la douleur et de la reconstruction. L’autrice évite les écueils du pathos pour nous offrir ce récit délicat sur la résilience.
L’écriture est épurée et juste, la description des deux femmes, abîmées mais non résignées, sonne juste.
Un réalisme émotionnel qui permet tout à la fois de ne pas à édulcorer la souffrance d’Alice ni d’offrir des solutions miracles. Il montre au contraire comment la reconstruction passe par l’acceptation de sa vulnérabilité et l’ouverture à l’autre.
La relation qui naît entre Alice et Siham, basée sur l’entraide et la compréhension mutuelle, constitue le cœur vibrant du récit. L’alternance des points de vue enrichit la narration, car chaque personnage apporte sa propre couleur au récit, créant une polyphonie subtile.
Cécile Tlili signe ainsi un roman touchant sur la douleur d’une séparation brutale, la solitude et la fuite, la sororité et la résilience.
Henri-Charles Dahlem
- « Celle qui fugue« Cécile Tlili. Éditions Calmann-Lévy. Roman, 180 p., 18,50 €. Paru le 20/08/2025
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A propos de l’autrice
Cécile Tlili a cofondé une école alternative pour les enfants neuro-atypiques. Après Un simple dîner, son premier roman très remarqué, elle a publié Celle qui fugue en 2025. (Source : Éditions Calmann-Lévy)