etienne kern les envoles
Etienne Kern, Goncourt du premier roman 2022 pour "Les Envolés" - Francesca Mantovani (c) Editions Gallimard

Livres. Le Goncourt du premier roman 2022 a été attribué à Etienne Kern pour « Les envolés » parus aux éditions Gallimard. L’auteur y évoque un événement qui s’est produit le 4 février 1912. Franz Reichelt, un tailleur venu de Bohême, saute de la Tour Eiffel avec un parachute qu’il a conçu lui-même. Le parachute ne s’ouvre pas et sa mort est filmée en direct, un document aujourd’hui accessible sur Internet. Etienne Kern situe son récit dans cette époque qui est celle de la naissance de l’aviation où de nombreux aventuriers ont laissé leur vie. Mais ce livre est d’abord une fiction, une histoire de folie inventive mais aussi une très belle histoire d’amour.


Etienne Kern, un homme de lettres Goncourt du Premier Roman 2022 


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Etienne Kern : « Les Envolés »

En ces temps de pandémie les occasions ont été rares de pouvoir rencontrer « en présentiel » un écrivain et quand celui-ci vient de recevoir le Goncourt du premier roman c’est même un petit miracle qui s’est produit. Rendez-vous avait été pris avec Etienne Kern dans une brasserie de son quartier, dans la sixième arrondissement de Lyon qui est aussi celui du lycée Edouard Herriot où il enseigne les Lettres dans les classes préparatoires au concours d’entrée aux Ecoles Normales Supérieures.

Le terme d’homme de lettres est sans doute passé de mode et pourtant c’est celui qui conviendrait le mieux pour qualifier cet écrivain. Il est issu d’une famille alsacienne d’origine modeste. Une mère enseignante dans un collège et un père qui a travaillé dans une imprimerie ce qui donne l’occasion au jeune Etienne, plutôt amateur de BD, d’entrer en contact avec le « livre-objet ».

C’est l’Education Nationale, dans sa grande dimension républicaine, qui va lui révéler vraiment la littérature. D’abord le livre classique, en seconde, grâce à une « formidable prof de français », puis les romans contemporains dans une classe de 1ère qui participe en 1999 au Goncourt des lycéens. Il lit « La demande » de Michèle Desbordes, et « ce livre m’avait fasciné, bouleversé » se souvient-il toujours aujourd’hui.



Etienne Kern entre ainsi dans les Lettres. Une prépa à Strasbourg et bien sûr beaucoup de travail le conduisent rue d’Ulm à Paris, à Normal Sup où il rencontre Anne Boquel qui deviendra son épouse. Agrégés tous les deux, ils deviennent prof de lettres et, depuis 2013, ils vivent à Lyon où ils enseignent en classe préparatoire à Normal Sup.

C’est au lycée Edouard Herriot de Lyon qu’il a connu Philippe Manévy, professeur de lettres et de théâtre. Très vite ils sont devenus amis. Aujourd’hui installé au Québec, celui-ci se souvient d’un homme qui «sait trouver le meilleur en chacun de ses interlocuteurs », ce qui en fait « un prof exceptionnel».

Mathilde Merouani, une de ses anciennes élèves, confirme ce point de vue.  Elle se souvient en particulier d’un cours qui l’a marquée profondément, à propos de « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire où « il prenait le texte comme une matière pour le travailler devant nous ».

Avec Philippe Manévy, ils ont bien sûr partagé la même passion pour la littérature. Etienne lui a fait découvrir Philippe Jaccottet, écrivain et poète et Kazuo Ishiguro, le prix Nobel de littérature 2017. Ensemble ils ont apprécié Nicolas Mathieu, le Goncourt de 2018. Mais ils ont aussi partagés des repas (« Etienne est un très bon cuisinier ») et des balades en famille dans la région lyonnaise.

Anne et Etienne ont commencé à écrire ensemble des essais sur la vie littéraire, sur des sujets « périphériques » mais qui permettent, dit-il, de « faire connaissance avec les écrivains dans leur relation aux autres ». Tous les deux ont abordé la fiction au même moment puisque Anne Boquel a publié « Le berger » aux éditions du Seuil en février 2021 tandis qu’Etienne Kern publiait « Les envolés » chez Gallimard en août de la même année.

Pour ce qui le concerne, c’est par hasard qu’il a décidé d’écrire un roman. Il a découvert un jour sur Internet les images de Franz Reichelt sautant de la Tour Eiffel avec un parachute qui ne s’est pas ouvert. Etienne a été aussitôt « fasciné et concerné » par ces images d’un homme qui va mourir en direct et c’est « devenu une évidence » qu’il allait écrire sur cet homme.

Une évidence car cet événement lui rappelle des souvenirs personnels qui sont introduits dans la trame de la fiction : un grand-père mort en tombant d’un balcon, une amie qui se suicide en se jetant d’une fenêtre.

Charlotte von Essen, son éditrice, lui a conseillé de donner plus de place à cette dimension personnelle. Elle a connu Etienne, jeune stagiaire chez un éditeur où elle travaillait elle-même et a gardé le contact avec lui depuis cette époque. C’est tout naturellement à elle qu’il s’est adressé avec le projet de son premier roman.



Philippe Manévy a lu bien sûr ce roman et « son style très poétique et dans l’implicite correspond très bien à la personnalité » de son ami. Mathilde Merouani y a trouvé « une douceur et une subtilité en parfaite concordance avec l’image qu’elle avait » de l’auteur. Anne-Laure, de la libraire lyonnaise « Au bonheur des Ogres » « a dévoré le livre en une journée » et avant même le Goncourt du premier roman, elle a voulu organiser une rencontre avec l’auteur dans sa librairie. Pour elle aussi ce sont les termes de délicatesse et de poésie qui qualifient le mieux son écriture.

Ce Goncourt du premier roman a donné lieu à des rencontres avec des lecteurs qu’Etienne Kern a beaucoup appréciées. Il commence aujourd’hui à réfléchir à un second roman. Mais il exclut le projet de devenir romancier à plein temps et préfère conserver un contact avec la vie sociale, source d’inspiration et d’équilibre personnel dont il ne veut pas se passer.  Ses lecteurs et ses élèves peuvent donc se rassurer : Etienne Kern publiera à nouveau et restera prof de Lettres.

Yves Le Pape

  • A lire Etienne Kern, « Les envolés » Collection Blanche, Gallimard.

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