utopia avenue david mitchell
"Utopia Avenue": le livre de l'été 2022, signé de David Mitchell (photo) Patrice Normand

Livres. Avec un groupe (fictif) de folk-rock psychédélique, le Britannique David Mitchell signe un livre ébouriffant : « Utopia Avenue ». C’est le temps des Swinging Sixties, à Londres. C’est aussi, à coup sûr, LE livre de l’été 2022 !


« Utopia Avenue » de David Mitchell : rock chez les dingues et les paumés


  utopia avenue david mitchellL’écrivain britannique Daivd Mitchell (photo) Eoin O Conaill

Aucun doute, le voici le livre de cet été 2022. Là, pas besoin de raconter sa relation compliquée avec sa mère en imitant (mal) Annie Ernaux ou en installant des personnages tout près d’un volcan. Là, avec l’auteur britannique David Mitchell qui a passé des périodes de sa vie en Italie et au Japon, on se retrouve à Londres, en 1967.

Du banal, en quelque sorte, avec « Utopia Avenue », ce livre bien dense, bien épais (plus de 750 pages !) mais ça déménage, à l’image des effervescentes Swinging Sixties, ces années 1960 qui swinguaient sacrément outre-Manche…

David Mitchell, 53 ans, n’est pas un inconnu- deux fois, il a été finaliste du très convoité Man Booker Price. En VF, dans un passé proche, on a pu le lire (et grandement l’apprécier) avec « Ecrits fantômes » (2004), « Cartographie des nuages » (2007), « Le fond des forêts » (2009), « Les mille automates de Jacob de Zoet » (2012), « L’Âme des horloges » (2017) ou encore « Slade House » (2019).



Avec « Utopia Avenue », l’auteur fait un pas de côté, par rapport à son univers et ses thématiques habituels- cette fois, il emmène ses lectrices et lecteurs dans une plongée dans le monde de la musique avec Utopia Avenue, un groupe folk-rock psychédélique. Récemment, il confiait : « J’ai conçu cet ouvrage davantage comme une récréation temporaire d’une époque révolue dans une bulle artistique : mais ce qui se passe dans la bulle en question a bien des échos avec notre époque. Et bien au-delà de cette bulle… »

Résumé, « Utopia Avenue » est donc l’histoire d’un groupe folk-rock psychédélique formé en 1967 à Londres. Jamais loin, il y a le manager, il est Canadien, excentrique et gay, il s’appelle Levon Frankland.

Avec ce personnage, le groupe (fictif, on le précise) monte vite au sommet de la réputation, l’affaire va s’écouler sur deux années (1967- 1968) durant lesquelles passent et repassent des célébrités (bien réelles, elles !) comme le peintre Francis Bacon, Syd Barrett (co-fondateur et leader du groupe Pink Floyd dont il a été viré en 1968…), Brian Jones le Rolling Stone, John Lennon, David Bowie, Franck Zappa (ses Mothers of Invention sont dans les parages), Leonard Cohen ou encore Janis Joplin, surnommée « Mama Cosmique » et « aussi « la reine de la soul psyché »…

Epoque bénite où l’Angleterre vibre avec les Beatles et les Stones, et aussi les Animals menés par l’éternel Eric Burdon. Et puis, il y a Utopia Avenue, groupe aussi disparate que foutraque, aussi folk-rock que psyché. On y trouve Jasper de Zoet, il est guitariste aussi génial que frappadingue, et bâtard d’une riche famille hollandaise ; Elf Holloway, la chanteuse, organiste et compositrice, belle et libre allure et à la sexualité fluctuante ; Dean Moss, batteur fils d’un alcoolique, fragilisé par son histoire familiale, et Griff, le batteur avare en mots, venu du Yorkshire toujours classé région sinistre…

Pour Utopia Avenue, le succès est vite au rendez-vous. Dès le premier album, « Paradise is the Road to Paradise » (en VF : « Le Paradis est la Route du Paradis ») et son lot de tubes (« Darkroom », « Abandon Hope » et « Mona Lisa Sings the Blues »), le ton est donné.

Ça percute, on sait à qui on a affaire… La « bande des quatre » de l’Avenue Utopie sont sur le chemin de la gloire- un chemin toutefois pavé de pièges et tentations. C’est « Sex and Drugs and Rock’n’roll », mode de vie devenu dix ans plus tard chanson définitive de Ian Dury and the Blockheads. Du sexe, de la drogue, du rock’n’roll… La force et le talent de l’auteur, David Mitchell, n’est pas seulement au service de sa grande connaissance de la musique au temps des Swinging Sixties.



Avec « Utopia Avenue », tel un pointilliste du style avec une écriture aussi alerte que dense, il dessine et restitue un univers, une époque avec le sexe libre, le LSD en veux-tu en voilà (ah ! cette satanée « Lucy in the Sky with Diamonds » !), mille et mille génies, et tout autant de dingues et de paumés. All That Rock !

Serge Bressan

  • A lire : « Utopia Avenue » de David Mitchell. Traduit par Nicolas Richard. Editions de l’Olivier, 752 pages, 25 €.
utopia avenue david mitchell
« Utopia Avenue » de David Mitchell

EXTRAIT

« Sur Cromwell Road, la nuit avait tiré un rideau de bruine. Un bus 97 s’est immobilisé dans un gémissement à l’arrêt d’Elf. Le bus était bondé, alors elle est montée à l’étage et s’est installée au dernier double siège libre, vers l’avant. Elle a posé sa tête contre la vitre et s’est repassé la scène dans la chambre de Wotsit sous plusieurs angles. Venait-elle de décliner un ticket en or à l’acide lysergique pour San Francisco ? Avait-elle foiré un rite de passage ? Etait-elle prisonnière de son esprit et trop effrayée pour s’en évader ? Le bus s’est arrêté au Muséum d’histoire naturelle. Une Antillaise est apparue en haut des marches, se livrant au rapide calcul que les femmes doivent effectuer lorsqu’elles choisissent un siège ».


 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Laissez un commentaires
Merci d'entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.