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Frédéric Paulin publie "Nul ennemi comme un frère", son nouveau roman, qui nous plonge dans les drames libanais. Photo J. Mignot

Livres/Frédéric Paulin. Nous avions rencontré Frédéric Paulin aux Quais du Polar 2022 à Lyon. L’occasion d’échanger avec lui au sujet de la trilogie qu’il a consacrée au djihadisme islamiste et de son roman, La Nuit tombée sur nos âmes où il évoquait les événements qui se sont déroulés à Gênes en juillet 2001 lors de la réunion des chefs d’état du G8. Il était de retour à Lyon pour présenter « Nul ennemi comme un frère », son nouveau roman.  Il s’agit du premier tome d’une trilogie consacrée à la guerre civile qui s’est déroulée au Liban entre 1975 et 1990. Ce travail, qui a été initié bien avant la nouvelle guerre qui ravage en ce moment le pays, traite des relations entre la France et ses partis politiques avec le Liban. Il traite également de la création du Hezbollah et nous permet donc de mieux comprendre ce qui déchire aujourd’hui le Moyen Orient. Entretien.


Frédéric Paulin : « Le Liban c’est aussi une histoire française »


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Frédéric Paulin : « Nul ennemi comme un frère »

Pourquoi avez-vous choisi de vous intéresser à la guerre civile au Liban ?

Frédéric Paulin : Le Liban c’est aussi une histoire française. Certes la guerre se passe sur le sol du Liban mais la France y a été impliquée. Il y a eu des attentats sur le sol français. Des citoyens français ont été enlevés et d’autres sont morts au Liban. Pour ma part j’ai l’ambition d’écrire ce que certains appellent une « contre-histoire » de France. Je souhaite expliquer pourquoi, lors de grandes crises, la France a pu être partie prenante en tant que puissance colonisatrice ou pour peser sur le jeu politique internationale mais aussi pour des intérêts économiques et politiques moins avouables. Je cherche à expliquer ces moments autant qu’il est possible et en tout cas les questionner.

Que pensez-vous de l’idée assez répandue que le Liban aurait été une sorte de Suisse du  Moyen Orient avant la guerre civile dont vous parlez dans votre livre ?

Frédéric Paulin : Il y avait des banques et des flux financiers importants au Liban mais pas de pétrole ou de gaz. Mais cela n’était pas un pays monolithique. Il y a toujours eu là-bas des déshérités. Les premiers d’entre eux étaient les chiites et ils le sont restés jusqu’à l’avènement de la République Islamique en Iran. C’était le lumpenprolétariat du Moyen- Orient. Et puis les Palestiniens sont arrivés quand ils ont été chassés de Jordanie après le « septembre noir ». Il y avait certainement plus de liens entre les communautés à l’époque et une vie artistique très riche. Mais il faut minorer cette image idyllique de la Suisse du Moyen Orient et rappeler que la guerre n’y a jamais cessé depuis 1975.



Que représente pour vous le couple romanesque de Philippe Kellermann et Zia al-Faqîh ?

Frédéric Paulin : On peut le considérer comme un couple métaphorique de la relation entre la France et le Liban. Zia travaille pour la France en tant que traductrice et Kellermann est attaché à l’ambassade de France à Beyrouth. Ils sont collègues de travail mais se sont très peu parlé jusqu’au moment où Zia va le trahir. Et il va y avoir une divergence de point de vue quand Zia va s’engager dans la lutte aux côtés de son peuple, les Chiites libanais. Kellermann représente le fonctionnaire français qui ne comprend plus le Liban. La France et le Liban étaient très proches pour de bonnes ou de mauvaises raisons et se séparent à l’occasion de cette guerre civile. Kellermann croit que la France a peut-être encore un rôle à y jouer.

Quels sont les choix que vous avez faits quant à la forme de votre récit ?

Frédéric Paulin : Je n’ouvre pas les chapitres par une date car la vision chronologique de cette guerre est si multiple : la chronologie de la relation entre Israël et le Liban n’est pas la même que celle des chiites avec l’Iran.. Ces chronologies se superposent et s’emmêlent. J’ai choisi également de passer d’un personnage à un autre pour multiplier les points de vue de façon à être le plus possible au centre de l’action de façon à m’approcher au plus près de la réalité.

Avez-vous été surpris par la reprise récente de la guerre au Liban ?

Frédéric Paulin : Je ne suis pas étonné car la guerre ne s’est jamais terminée et on a oublié que ce qui se passe aujourd’hui prend sa source dans cette guerre civile et même plus loin encore sans doute. J’ai été surpris par l’intensité des événements. Mais surtout j’ai été surpris par cette dimension totalement inédite dans l’histoire où un pays bombarde un autre pays sans même lui avoir déclaré la guerre. Je suis sidéré par l’inaction de l’ONU J’imagine le désarroi de la majorité des israéliens face à un gouvernement de racistes et par celle des Libanais qui voient d’autres pays venir se faire la guerre sur leur propre sol. Il y a plein de choses qui me désespèrent profondément. Plus je travaille sur l’histoire, plus je constate que personne ne retient les leçons du passé. Le phénomène paraît s’accélérer à tel point que ce sont maintenant des salauds ou des incapables qui sont à la tête d’états de plus en plus nombreux.

Entretien réalisé par Yves Le Pape

 

 

 

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