les enchanteurs
"Les Enchanteurs" : dans son nouveau roman, James Ellroy rhabille Marilyn Monroe, avec jubilation (c) Marion Ettlinger

Livres/« Les Enchanteurs ». En verve comme jamais, James Ellroy, l’écrivain américain auto-surnommé « Demon Dog » continue d’ausculter l’Amérique qui le passionne, celle des années 1940- 1970. Dans « Les enchanteurs », son nouveau roman, il propose une histoire dans la nuit du 4 août 1962, celle de la mort de Marilyn Monroe. Un texte jubilatoire.


    « Les enchanteurs » : James Ellroy dézingue sans modération et avec jubilation Marilyn Monroe, tout en filant un sacré coup de griffe à deux frangins, John et Robert Kennedy…   


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« Les Enchanteurs » de James Ellroy

En voici un, et c’est bien le moins qu’on puisse dire et écrire, qui ne s’embarrasse avec la bienséance et les convenances. Et ça dure depuis près de quarante ans. Américain de 76 ans, né à Los Angeles, James Ellroy est un dynamiteur- parfois de loulous, avant tout d’icônes et de bienpensants.

Dans le monde des lettres et des livres, c’est bien simple, on le vénère ou on le déteste- à vrai dire, il n’en a que faire. Ainsi, avec « Les Enchanteurs », son nouveau roman (troisième tome de son « quintette » sur le Los Angeles de l’après-guerre, après « Perfidia », 2015, et « La Tempête qui vient », 2019), il dézingue sans modération et avec jubilation Marilyn Monroe, tout en filant un sacré coup de griffe à deux frangins, John et Robert Kennedy…

Bref, en verve comme jamais, Ellroy ausculte cette Amérique qui le passionne, cette Amérique d’hier courant des années 1940 à 1970. Précis quasi obsessionnel, tenu pour le « Dostoïevski de l’Amérique » pour la grande Joyce Carol Oates, il s’arme d’un stylo-scalpel (il écrit encore et toujours à la main, honnit l’ordinateur et le téléphone portable) et, s’il le faut, il peut aussi récrire l’histoire. Il prend plaisir à répéter : « Je suis écrivain, j’ai tous les droits »…

Ainsi, pour « Les Enchanteurs », il s’installe (et nous lecteurs, en sa compagnie) une fois encore à Los Angeles. Le 4 août 1962, la canicule frappe la ville et les « Angelenos ». Cette nuit-là dans sa villa d’Helena Drive, la superstar d’Hollywood et du monde Marilyn Monroe est morte d’une overdose- « elle était une diablesse, un canon, une bombe sexuelle et plus. Elle était une tigresse, un serpent prêt à mordre, une enchanteresse, un reproche vivant adressé aux coincés et aux ringards ».



Au même moment, une actrice de série B, Gwen Perloff, est kidnappée dans d’étranges conditions. Et le LAPD (Los Angeles Police District), de se retrouver en état d’alerte générale. Et son chef Bill Parker, de faire appel à un personnage d’Hollywood, Freddy Otash… L’assurance d’un polar à la sauce Ellroy, autant dire que ça déménage.

Ça bouillonne, ça balance- les frangins Kennedy sont prêts à tout pour discréditer Marilyn Monroe et tordre le cou aux rumeurs à caractère sexuel ; le LAPD veut discréditer les Kennedy, surtout Bobby qui pourrait revenir sur sa promesse faite au chef Parker de lui donner la direction du FBI- un discrédit pour lequel le chef du puissant syndicat des camionneurs, Jimmy Hoffa, n’hésite pas à participer…

Et dans tout ça, il y a Freddy Otash. Un ami de James Ellroy, un type peu fréquentable qui a vraiment existé et à qui l’auteur, là, rend hommage. Ce Freddy O., c’est un drôle de loustic. Déjà croisé dans « Extorsion » et « Panique générale », il aligne un sacré CV : ancien flic au LAPD, maître-chanteur, journaliste spécialiste de coups tordus et à l’affût du moindre ragot sur les stars pour le journal « à scandale » « Confidential », détective privé… Bref, un type sans foi ni loi, qui carbure au fric et à l’adrénaline- un type comme les aime James Ellroy qui s’est lui-même surnommé « Demon Dog »…

En près de sept cents pages, soixante-quinze chapitres et au moins deux histoires d’amour, l’auteur qui a accédé à la célébrité avec « Le Dahlia noir », « L.A. Confidential » ou encore « Perfidia » déverse un flow que ne renierait pas un gangstarapper angeleno.

Ça mord à toutes les pages ; mieux que personne, Ellroy sait raconter l’autre côté du décor avec une idée fixe, prégnante dans tous ses livres : montrer le « vrai visage » de personnalités connues. Ainsi, par la voix de Freddy Otash (son double d’auteur), il rhabille pour au moins trois hivers et l’éternité Marilyn Monroe.

Evidemment, quelques grincheux qu’aucun express n’emmènera vers la félicité trouvent à redire- Ellroy ne cesse de se répéter, c’en est lassant, ânonnent-ils et ils ont grandement tort. Enchanteur, « Demon Dog » dit simplement : « J’ai voulu donner ma version de la mort de Marilyn »…

Serge Bressan

  • A lire : « Les Enchanteurs » de James Ellroy. Traduit par Sophie Aslanides et Séverine Weiss. Rivages, 674 pages, 26 €

EXTRAIT 

  « La mission Monroe numéro 2 me plombait le moral. Une omission dans les preuves était criante. Monroe, l’accumulatrice compulsive. Ses notes manuscrites sur des bouts de papier. L’intrusion numéro 2. La photo de Carole Landis à la morgue, juillet 1948. Les messages en lettres découpées. Combien d‘autres messages et/ou clichés pervers Monroe a-t-elle reçus ? Et s’ils existent, où se trouvent-ils ?

        Ses comptes bancaires connus ont été examinés. Son testament a été homologué. Où se trouvent son courrier de fans et ses souvenirs vicelards ? Personne n’a découvert de carnet d’adresses. Pas moi, pas les flics de West L.A. Aurait-elle loué des coffres sous un faux nom ? J’ai fait quelques vérifications auprès de banques de West L.A. et j’ai trouvé que dalle ».


 

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