Livres de We Culte. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions. On commence avec « Les Etoiles doubles », le quinzième et nouveau roman de Laurent Bénégui pour un voyage à la découverte des « frères siamois »; on enchaîne avec l’impeccable « Frère unique » de Olivier Frébourg et son hommage à son frère, son héros mort à l’hôpital, victime d’un accident médical, et on achève avec « Mères, pères et autres », le recueil d’articles et d’essais de l’Américaine Siri Hustvedt pour une réflexion sur les figures de la mère, de la grand-mère et aussi de grandes artistes.
LAURENT BENEGUI : « Les Etoiles doubles »
Voici un roman « inspiré de l’histoire vraie de deux jumeaux nés en 1811 au Siam, unis au niveau du sternum et dont le destin extraordinaire et la notoriété planétaire sont à l’origine de l’expression ‘’Frères siamois’’ »– comme nous l’assure son auteur, Laurent Bénégui.
Avec « Les Etoiles doubles », il signe là son quinzième roman et jouit d’une belle réputation par la grâce d’« Au Petit Marguery » ou encore « La Paresse de Dieu ». Cette fois, il emmène lectrices et lecteurs au XIXème siècle au Royaume de Siam. Là, ont vu le jour deux frères, Eng et Chang Bunker.
Les mystères de la biologie le sont unis l’un à l’autre par le sternum. Protégés par une mère qui les adore, ils grandissent dans cette famille modeste de pêcheurs loin du rejet et de l’exclusion.
Tous deux sont supérieurement intelligents, forts et habiles. Un marchand les repère, les exporte en Occident où ils sont exhibés, privés de leurs plus essentiels droits. En Amérique, public et scientifiques courent pour découvrir ceux qu’on tient pour des monstres ou des phénomènes.
Ils se marieront avec deux sœurs anti-conformistes. Chang et Adelaide auront cinq enfants, et Eng et Sarah, dix… A 60 ans, face à de nombreuses divergences, les deux « frères siamois » envisageront la séparation. Y survivront-ils ?
- « Les Etoiles doubles » de Laurent Bénégui. Julliard, 450 pages, 24 €.
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OLIVIER FREBOURG : « Frère unique »
Il est des livres que tout.e auteur.e souhaite ne jamais devoir écrire. Ainsi, Olivier Frébourg, éditeur français respecté pour la qualité et l’exigence de son travail et romancier d’élégance. Ce « Frère unique », il n’aurait jamais envisagé, souhaité le rédiger. La vie qui va, ses hasards et ses soubresauts en ont décidé différemment.
Le 13 mars 2021, son frère Thierry, ce frère unique, est mort au CHU (centre hospitalo-universitaire) de Rouen où il occupait un poste important, où il a été soigné pour une névrite optique, où il est décédé suite à une embolie après le retrait d’un cathéter- il devait sortir de l’hôpital le soir même… Thierry était de cinq ans l’aîné d’Olivier, c’était « mon frère, ce héros ».
L’admiration, l’amour fraternel… Plus tard, Olivier Frébourg a donc écrit- il met les mots : « Je ne suis ni juge ni procureur, j’ai utilisé ma boîte à outils, c’est-à-dire un crayon et mes souvenirs. J’ai écrit aussi pour les médecins et ses étudiants ». C’est « mon frère, ma bataille » pour le romancier-éditeur.
Demeurent, avec « Frère unique » et ses pages étourdissantes de rage et de pudeur, l’incompréhension et aussi le besoin de réponses à des questions auxquelles l’institution, par tous les moyens, fait tout pour échapper… Un texte cinglant et indispensable.
- « Frère unique» d’Oliver Frébourg. Mercure de France, 210 pages, 19,80 €.
SIRI HUSTVEDT : « Mères, pères et autres »
Romancière, poétesse et essayiste, Siri Hustvedt est une exploratrice. Au fil du temps et avançant dans son œuvre, elle se glisse dans les coins et recoins de la philosophie féministe et la mémoire familiale.
Avec « Mères, pères et autres », son nouveau recueil qui rassemble des essais, des articles et des extraits de conférences rédigés entre 2011 et 2020, la chargée de cours en psychiatrie à l’université Cornell à Ithaca, New York triture, malaxe, décode l’air du temps et la vie qui va.
Au fil des vingt textes réunis dans ce volume alimenté par ses connaissances multi-disciplinaires, elle pose la question- essentielle et centrale- de la filiation. Et elle développe des thèmes allant des souvenirs de l’enfance à la figure de la mère, en passant par celle de la grand-mère. Pour appuyer ses thèses et réflexions, elle fait appel à d’autres femmes à qui elle rend hommage- des écrivaines, des artistes comme Jane Austen, Louise Bourgeois, Emily Brontë ou encore Djuna Barnes, l’auteure du « Bois de la nuit ».
Dans des pages où pointent ici et là la mélancolie et l’ironie, Siri Hustvedt, 68 ans et épouse de l’écrivain Paul Auster depuis quarante et un ans, s’interroge sur la vie… et, au final, ne désespère pas : complexité, sensibilité et littérature sont le meilleur remède !
- « Mères, pères et autres » de Siri Hustvedt. Traduit par Frédéric Joly. Actes Sud, 386 pages, 24,50 €.
Serge Bressan
