monique vittig le voyage sans fin
Monique Wittig, figure essentielle du féminisme dans les années 1960-1970. (photo ) Catherine Deudon.

Livres. Figure essentielle du féminisme dans les années 1960-1970 et la parution de son premier roman « L’Opoponax » en 1964, Monique Wittig a également travaillé pour le théâtre. A preuve, « Le Voyage sans fin », une pièce qui met en scène au féminin Quichotte et tous les autres personnages …


« Le Voyage sans fin » de Monique Wittig : quand Quichotte est une femme


monique vittig le voyage sans fin
Monique Vittig (photo) Colette Geoffrey

Une première préface la présente comme « contemporaine capitale ». Une seconde assure que « tout est dans le panache ». Les deux, signées respectivement Laure Murat et Wendy Delorme, lancent la réédition d’un texte paru en 1985, « Le Voyage sans fin » de Monique Wittig.

Née le 13 juillet 1935 à Dannemarie en Alsace, morte le 3 janvier 2003 à Tucson, Arizona, présentée sur la fiche Wikipedia comme « romancière, philosophe, théoricienne et militante féministe lesbienne française », Monique Wittig demeure, avec Simone de Beauvoir, une figure essentielle du féminisme- et pas seulement français.

Pour mémoire, elle a grandement travaillé sur le concept de « contrat hétérosexuel »– des travaux littéraires, philosophiques et sociétaux qui la placent encore et encore bien au-dessus de nombre de féministes du moment, qui s’agitent beaucoup- surtout dans les médias et les salons parisiens où l’on cause…

Monique Wittig s’est fait connaître en 1964 avec un premier roman, « L’Opoponax », qui lui valut le prix Médicis. Dans les années 1970, elle milite dans les mouvements féministes et lesbiens, écrit un manifeste titré « Combat pour la libération des femmes », et signe en 1971 le « Manifeste des 343 » pour le droit à l’avortement, publié par « Le Nouvel Observateur ».



Encore et encore, son idée, son combat sera de déjouer la marque du genre dans son œuvre, instaurant ainsi un dialogue permanent entre théorie et littérature, et de mettre en avant le « féminisme matérialiste »- concept que l’on retrouve dans « La pensée straight » (en version anglais en 1992, traduite en français en 2001).

Et puis « Le Voyage sans fin »… Le texte d’une pièce de théâtre originellement en anglais, titrée « The Constant Journey » et jouée pour la première fois les 30 et 31 mars 1984 Haybarne Theatre du Goddard College, dans le Vermont.

La version française, elle, sera présentée du 21 mai au 21 juin 1985 au Théâtre du Rond-Point à Paris dans une mise en scène de Monique Wittig et Sande Zeig, avec cette dernière dans le rôle de Quichotte et Paule Kingleur dans celui de Panza.

Dans l’introduction, Monique Wittig signale que la pièce s’est faite « en plusieurs étapes dont la première a consisté en un travail d’improvisation sur le thème de Quichotte (…) Dans ce que Brook appelle le théâtre mort, c’est sur une convention que gestes et paroles s’articulent, si bien qu’à la fois gestes et paroles sont frappés de mort et en quelque sorte s’annulent… » On entend sur scène, on lit dans le livre Quichotte : « Considère bien, Panza, que ce qu’ils appellent folie, moi je l’appelle réalité ».

Avec ce « Voyage sans fin », l’auteure a relevé le défi : détourner un des monuments de la littérature mondiale, paru en 1605 puis 1615, à savoir « L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche » de Miguel de Cervantes.

Avec Wittig, le texte devient fantasque, féministe et poétique. Et tous les personnages sont des femmes- ainsi, Quichotte est une femme chevalier errant, passionnée de livres et d’écriture, en quête de justice et de liberté. Elle est accompagnée de son écuyère, Panza, et traverse nombre de péripéties et imagine un nouveau monde. On y ajoute la tante, la mère la sœur 1 et la sœur 2. D’un côté, les com­bat­tantes, les ama­zones ; de l’autre, celles qui refusent l’émancipation, n’acceptent pas cette uto­pie d’un monde déli­vré du pou­voir des hommes.



Avec « Le Voyage sans fin », ce n’est pas seulement le com­bat de la libé­ra­tion des femmes mais celui aussi de la possibilité et de la nécessité d’agir avec « panache ». Dernière précision de l’auteure : « Il ne s’agit pas de sim­ple­ment réécrire, de trans­po­ser mais d’aller plus loin en ‘’refa­bri­quant’’ des héros d’un nou­veau genre ou plu­tôt des héroïnes puisque le che­va­lier à la triste figure et son fidèle San­cho deviennent deux femmes ». Deux « gué­rillières », selon le qualificatif tant apprécié par Monique Wittig. Pour un texte d’éternelle avant-garde…

Serge Bressan

  • Lire : « Le Voyage sans fin » de Monique Wittig. L’Imaginaire / Gallimard, 122 p, 8 €.

EXTRAIT 

« TANTE : Qu’est-ce que Quichotte lit donc qui lui mette la tête ainsi à l’envers ? De la philosophie ?

MÈRE : De la philosophie… Des sornettes à dormir debout. Des fables qui racontent les exploits de guerrières dans des contrées lointaines, Oreythya avec Antiope, Cleite avec Penthésilée, Myrine avec Lybia, Méduse avec Athéna, Camille avec Acca, Ana avec Artémise, Larina avec Tulla. Des contes extravagants où des voleuses de grand chemin vont au secours de femmes et d’enfants et les vengent.

TANTE : Pourquoi décrier ses lectures ? La compréhension vient quelquefois à travers des fables parce qu’elles ont l’avantage de nous faire prendre une distance par rapport à l’expérience ».


 

LAISSER UN COMMENTAIRE

Laissez un commentaires
Merci d'entrer votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.