recueil collectif de recettes d'hiver
"Recueil collectif de recettes d'hiver" : quinze poèmes aux allures de fable de la poétesse américaine Louise Glück (c) Katherine Wolkoff

Livres. Prix Nobel de littérature 2020, la poétesse américaine s’en est allée en octobre 2023- elle avait 80 ans. On la retrouve avec « Recueil collectif de recettes d’hiver », un treizième livre de quinze poèmes aux allures de fables. Avec Louise Glück, rien n’est certain, tout est possible…


« Recueil collectif de recettes d’hiver » : quinze poèmes aux allures de fables, pour quinze moments de grâce et de plaisir 


A peine une petite centaine de pages pour quinze moments de grâce et de plaisir. Quinze poèmes en version bilingue (anglais à gauche, français à droite) pour un « Recueil collectif de recettes d’hiver », dont la VF est parue trois semaines après la mort à 80 ans le 13 octobre dernier de l’auteure, la poétesse américaine Louise Glück.

Prix Pulitzer 1993 et prix Nobel de littérature 2020, elle avait reçu, outre-Atlantique, les honneurs de la critique pour « L’Iris sauvage » (1992), « Meadowlands » (1997), « Averno » (2006) ou encore « Nuit de foi et de vertu » (2014)…

Avec ce « Recueil collectif… », publié originellement en 2021, l’éditeur français nous annonce une auteure qui « laisse une place de plus en plus grande à la narration. Dans ces poèmes qui prennent parfois des allures de fables, l’individualité des voix qui s’expriment s’estompe au profit d’une présence au monde plus collective ».



En ouverture de recueil, on découvre « Poème » : « Le jour et la nuit arrivent / main dans la main comme un garçon et une fille / s’arrêtant seulement pour manger des baies sauvages dans un plat / décoré de peintures d’oiseaux… »

Les oiseaux ou le garçon et la fille vont gravir une montagne couverte de glace, s’envoler au loin. « Mais toi et moi / ne faisons pas de telles choses… », précise l’auteure. Suivent « Le Déni de la mort » (« Tout est changement, dit-il, et tout est relié. / Egalement tout revient, mais ce qui revient n’est pas / ce qui est parti… »).

On marque une pause, c’est « Recueil collectif de recettes d’hiver », ce poème qui donne son titre à l’ouvrage : « Le livre contient / seulement des recettes d’hiver, quand la vie est dure. Au printemps, / n’importe qui peut faire un bon plat »… On reprend, « Pensées nocturnes », « Jour des présidents », « Le soleil couchant » ou encore « Après-midi et débuts de soirée »… Les mots se gravent dans l’esprit, dans la mémoire : « Et le monde passe, / tous les mondes, chacun plus beau que le précédent »…

En ces temps où des tâcherons de la chose écrite se prétendent poète et crachent vers libres et romans fragmentés, Louise Glück- femme d’élégance, observe et raconte la vie qui va, celle de la mémoire et du rêve.

Il y a, dans les pages de la poétesse américaine, des bonsaïs que l’on taille, un passeport abandonné, la lumière joyeuse du soleil, de petites princesses jouant à l’arrière d’une voiture… Evidemment, tout finit… puis revient. Hiver, printemps…



Un recommencement jamais à l’identique. Dans ce « Recueil collectif de recettes d’hiver », tout y est rapporté, consigné avec une précision d’horloger, avec une concision qui a en ennemi la redondance. Rien n’y est certain, tout y est possible…

Au fil de ses textes, poèmes et recueils, en maîtresse des éloges du silence, de l’obscurité (« Dans la nuit je peux voir mon âme ») et de l’inachevé, en porte-plume du « désespoir » lyrique, Louise Glück a toujours gardé le cap. Elle inspirait admiration, respect et reconnaissance.

Ainsi, à la mi-octobre 2023, le grand écrivain sud-africain J.M. Coetzee lui rendait hommage : « Ce qui me frappait, c’était la manière dont sa poésie allait son chemin en dehors des modes. Au contraire de ses contemporains, qui se plaisaient à exhiber leurs difficultés en tant que poètes, les siennes constituaient les fondations de son œuvre, sans jamais être apparentes dans son art ».

Dans la foulée de « Recueil collectif de recettes d’hiver », on (re)lira également avec bonheur « L’Iris sauvage », « Meadowlands » et « Averno », réunis et réédités ces temps-ci en un seul volume par Poésie / Gallimard.

Une fois encore, comme le précise la traductrice Marie Olivier, le lyrisme de l’auteure qu’on peut rapprocher d’« une traversée et une mise à l’épreuve du corps, celui du texte, mais aussi le nôtre, fait de chair et de sang » illumine toutes les pages. Avec Louise Glück, toutes les émotions humaines- simples, fugaces, profondes, sont au rendez-vous…

Serge Bressan

  • A lire : « Recueil collectif de recettes d’hiver » de Louise Glück. Traduit par Marie Olivier. Gallimard, 96 pages, 16,50 €.

recueil collectif de recetttes d'hiver
« Recueil collectif de recettes d’hiver » de Louise Glücj. Editions Gallimard

Extrait 

« Tout est fini, dis-je.

Qu’est-ce qui te fait dire ça, demanda ma sœur.

Parce que, expliquai-je, si ça n’est pas fini, ça le sera bientôt,

ce qui revient à la même chose. Et si c’est le cas, 

Il n’y a aucun intérêt à commencer

ne serait-ce qu’une phrase.

Mais ce n’est pas pareil, dit ma sœur, finir bientôt.

Il reste une question.

C’est une question stupide, répondis-je » (in « Une phrase »)


 

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