Livre. Ciné-fan, le brillant romancier britannique Jonathan Coe tient le réalisateur américain Billy Wilder pour un des géants du 7ème Art du vingtième siècle. Et, prenant prétexte du tournage de «Fedora» en 1977, en fait le personnage principal de son nouvel et très réussi roman.
Jamais, il ne s’en est caché. Mieux, Jonathan Coe confie qu’ «aucun artiste narratif du XXe siècle n’a eu autant d’influence sur moi». L’artiste en question est le réalisateur américain Billy Wilder (1906- 2002)- « Je considère «La Garçonnière » [film sorti sur les écrans en 1960, ndlr] comme son chef d’œuvre…» Pourtant, Coe, brillant écrivain britannique, 59 ans, auteur de, entre autres, «Testament à l’anglaise» (1994), «La vie très privée de Mr Sim» (2010) et «Le cœur de l’Angleterre» (2018), a pris prétexte d’un autre film, «Fedora» (1978), pour écrire son nouveau roman, «Billy Wilder et moi».
On s’en doute, Coe est trop fin technicien pour dérouler banalement l’histoire du tournage de l’avant-dernier film du réalisateur américain, célèbre pour «Sabrina» (1954), « Sept ans de réflexion» (1955), « Irma la douce » (1963) et tant d’autres… Coe est également sensible au travail sur la structure du roman. Alors, certes, la technique adoptée par le romancier britannique paraîtra à quelques petit.e.s marquis.e.s autoproclamé.e.s de la chose littéraire trop factice, mais c’est la patte Coe.
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Ainsi, pour appréhender l’avant-dernier tournage de Wilder, il introduit dans l’histoire vraie une jeune Grecque prénommée Calista qui, nombre d’années plus tard en 2013, devenue musicienne sans emploi (présentement, elle travaille dans son coin sur « une petite suite pour orchestre de chambre » qu’elle a intitulée « Billy »), épouse et mère de famille et installée à Londres, elle se souvient de cet été 1977, durant lequel elle a déjeuné dans le restaurant français que possède Wilder à Los Angeles.
Il arrive que le hasard fait bien les choses : à la jeune fille, le réalisateur propose de rejoindre, pour assurer la traduction, l’équipe du film où l’on retrouve, entre autres, les comédiens Marthe Keller (Marlene Dietrich avait refusé le rôle) et William Holden, le scénariste Ițec «Iz» Diamond et le compositeur multi-oscarisé Miklos Rozsa. Hollywood ne veut plus du film, Wilder emmène sa troupe sur une île grecque et en Allemagne pour le tournage avec une production allemande. On lit : «Le film s’attaquait non seulement à la presse à sensation mais, tout aussi important, au public qui aime la consommer, ce qui poussait ce critique notoirement avare en compliments à ajouter qu’il s’agissait d’« un des chefs-d’œuvre du réalisateur ».
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Ce fut également le premier véritable échec commercial de Billy car, allez savoir pourquoi, les gens n’aiment pas payer pour se voir renvoyer leur laideur au visage. Dans « Billy Wilder et moi», tout est vrai, tout est romancé avec Jonathan Coe- comme la fuite du jeune homme né Samuel Wilder de l’Allemagne nazie dans les années 1930, ou les ragots qui ont fait le quotidien de Hollywood… et c’est ainsi que Jonathan Coe fait son cinéma !
Serge Bressan
A lire : «Billy Wilder et moi» de Jonathan Coe. Traduit par Marguerite Capelle. Gallimard, 304 pages, 22 €.
EXTRAIT
«Billy avait rendez-vous, un jour, avec un producteur. Et il lui a dit qu’il voulait faire un film sur Nijinsky. Alors il a raconté toute l’histoire de la vie de Nijinsky au producteur, et ce type l’a regardé, horrifié, en disant : ‘’Vous êtes sérieux ? Vous voulez faire un film sur un danseur classique ukrainien qui finit par devenir fou et passe trente ans en hôpital psychiatrique, convaincu d’être un cheval ?’’ Et Billy répond : ‘’Ah, mais dans notre version de l’histoire, ça se termine bien. Il finit par gagner le Kentucky Derby’’».