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Sarah Bernhardt (c) Felix Nadar -1865

Théâtre/Expositions. Plus grande comédienne française des 19ème et 20ème siècles, aussi divine que scandaleuse, Sarah Bernhardt demeure un « monstre sacré »- comme l’avait définie Jean Cocteau. Un siècle après sa mort, deux livres et deux expositions parisiennes lui rendent hommage, l’une au musée Jean-Jacques Henner, « 1923-2023. Hommage à Sarah Bernhardt » (jusqu’au 26 juin), l’autre au Petit Palais, « Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star » (jusqu’au 27 août) réunissant plus de 400 œuvres permettant de parcourir la vie et la carrière de celle qui disait « Je ne veux pas être normale. Je veux être extraordinaire ».


Sarah Bernhardt : « Je ne veux pas être normale. Je veux être extraordinaire »


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Sarah Bernhardt (c) Louise Asséma

Une triste anecdote : le 22 février 1915, souffrant d’une tuberculose osseuse, cette femme de 71 ans est amputée de la jambe, au-dessus du genou. Et, légende ou réalité, les médecins de s’exclamer : « Qu’est-ce qu’elle ferait pas pour qu’on parle d’elle, tout pour la publicité ! »

Elle, cette femme alors au crépuscule de sa vie, c’est Sarah Bernhardt, née Sara Marie Henriette-Rosine Bernardt le 22 octobre 1944 d’une mère courtisane néerlandaise et d’un père inconnu (peut-être Édouard Bernhardt ou Paul Morel, un officier de marine- mystère encore aujourd’hui non résolu). Ce 26 mars, on fêtera le 100ème anniversaire de sa mort, un siècle déjà mais elle demeure encore et toujours la plus grande comédienne française- mieux : la comédienne ultime. Celle pour qui Jean Cocteau lança le qualificatif « monstre sacré »

Enfant, elle a grandi en Bretagne avec une nourrice qui ne parlait que breton. Adolescente, elle revient en région parisienne et se retrouve au couvent, à Versailles. En parallèle, son éducation est complétée par l’amant de sa tante, le duc de Morny qui l’initie à la sculpture et à la peinture. Elle découvre le théâtre lors d’une représentation au couvent- elle sait alors que c’est sa vocation.


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Après le Conservatoire d’Art dramatique de Paris, elle entre à 18 ans à la Comédie-Française et en est renvoyée, quatre ans plus tard, pour avoir giflé une sociétaire. Elle devient mère de Maurice, né d’une liaison avec un noble belge- il sera son fils unique.

Elle signe un contrat avec le Théâtre parisien de l’Odéon, s’y fait connaître avec le rôle de la Reine dans « Ruy Blas », la pièce de Victor Hugo. En 1870, dans un Paris assiégé, elle transforme l’Odéon en hôpital militaire. Déjà, petit gabarit d’1m54 (selon son passeport établi en 1866), elle place sa vie sous une formule définitive : « Je ne veux pas être normale. Je veux être extraordinaire ».

Elle revient à la Comédie-Française, y reste jusqu’en 1880, date à laquelle elle fonde sa compagnie. Elle joue à Londres, à Copenhague, en Russie, aux Etats-Unis. Elle ne craint rien, interprétant même des rôles d’homme. Le succès est au rendez-vous, à chaque représentation. Sarah Bernhardt, c’est « la Voix d’or », « la Divine », « la Scandaleuse ». Elle inspire des pièces, dont « L’Aiglon » (1900) d’Edmond Rostand, devient en 1893 directrice du Théâtre de la Renaissance puis du théâtre des Nations qu’en toute modestie, elle ne manque pas de renommer Théâtre Sarah-Bernhardt ! Son jeu sur scène est emphatique, tant dans la pantomime que dans la déclamation, et les modulations de sa voix, qualifiée « d’or », filent volontairement loin du naturel…

Au sujet de cette « comédienne ultime », de cette « ultima attrice » qui tentera, dès 1900, l’expérience du cinéma en participant au tournage du film de Clément Maurice : « Le duel d’Hamlet », tout a été dit- et n’importe quoi, parfois. Ainsi, il se dit qu’elle aurait fait le tour du monde habillée du costume de Phèdre, qu’elle dormait dans un cercueil, qu’elle collectionnait les fauves et les amants (dont Victor Hugo), qu’à une jeune comédienne l’interrogeant sur le trac, elle aurait répondu : « Ne vous en faites pas, le trac ça viendra avec le talent »

Trimballant une réputation d’excentrique, réputée grande menteuse, elle brillait par sa forte personnalité. Un historien du théâtre est catégorique : « Côté provocations, à côté de Sarah Bernhardt, Madonna c’est de la roupie de sansonnet ! »

L’Histoire retient aussi son soutien à Emile Zola dans l’affaire Dreyfus, sa défense de la militante féministe et anarchiste Louise Michel, et son combat contre la peine de mort. En 1914, Sarah Bernhardt reçoit la Légion d’honneur ; l’année suivante, amputée de la jambe droite, elle joue encore au théâtre mais assise et visite aux soldats, au front, en chaise à porteurs…

Lors du tournage de « La Voyante », le film de Sacha Guitry, elle meurt le 26 mars 1923 d’une insuffisance rénale dans son appartement du 56 boulevard Pereire dans le 17ème arrondissement de Paris. Elle meurt dans les bras de Maurice, son fils unique, le seul amour de sa vie…

Serge Bressan


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Sarah Bernhardt (c) Louise Asséma -1891

Deux livres, deux expositions

Pour célébrer au mieux le 100ème anniversaire de la mort de Sarah Bernhardt, paraissent deux livres (aussi bons l’un que l’autre) et sont organisées deux expositions à Paris. Revue de détails.

D’abord, « Scandaleuse Sarah » d’Elizabeth Gouslan, biographe remarquée dans le passé de Jean-Paul Gaultier, Ava Gardner, Marcello Mastroianni ou encore Grace de Monaco. Cette fois, elle évoque la grande comédienne française côté cœur et côté cour. Avec une rigueur d’orfèvre, l’auteure nous propose une Sarah Bernhardt surdouée et culottée mais pas que… « Sarah provoque, choque, anticipe les modes », complète Elizabeth Gouslan qui ne manque pas d’entraîner lectrices et lecteurs dans les coulisses du Second Empire, de la Belle Epoque et des Années folles. Et de rappeler également que Sarah Bernhardt a été une femme d’engagement, s’impliquant dans de nombreuses grandes causes dont l’affaire Dreyfus.

Ensuite, « Sarah quand même » de Régine Detambel, bibliothérapeute et romancière de romancière de belle réputation- avec, entre autres, « Platine », un roman paru en 2018 et inspiré de la vie de la star américaine Jean Harlow. En ouverture du livre qu’elle consacre à Sarah Bernhardt, on lit : « Il y a quelques années, juste avant la guerre, elle jouait encore Jeanne d’Arc. Et le public se déplaçait pour aller la voir parce que Sarah Bernhardt sur scène a toujours été un choc. Le public sait bien qu’à la question de l’évêque, Jeanne d’Arc va répondre dix-neuf ans ». Quelle énergie lui fallait-il, à cette comédienne, près de 70 ans et qui flottait dans une informe robe de bure… Voilà, on a là tout Sarah Bernhardt qui avait placé sa vie, toute sa vie sous une formule en deux mots : « Quand même »

Enfin, à Paris pendant trois mois, une exposition dans le beau musée Jean-Jacques Henner. L’événement est simplement titré « 1923-2023. Hommage à Sarah Bernhardt ». Première star internationale et reine du Tout-Paris, la comédienne a vécu de longues années dans la Plaine Monceau, à quelques encablures de l’hôtel particulier devenu le musée Henner.

Ce printemps, on peut y découvrir des archives de Jean-Jacques Henner en lien avec la comédienne, des œuvres de Louise Abbéma et des portraits photographiés. Seront également, tout au long de cette année, organisées de nombreuses festivités au musée : conférences, lectures, cours de dessin, concerts, visites-promenades…

Une autre expo sera proposée également à Paris, au Petit Palais à partir de la mi-avril : « Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star ». A travers plus de 400 œuvres, on y parcourra la vie et la carrière de ce « monstre sacré », terme inventé pour elle par Jean Cocteau, et découvrira des pans de sa vie moins connus comme son activité de peintre et d’écrivain ou encore de sculptrice.

S.B.


A lire :

« Scandaleuse Sarah » d’Elizabeth Gouslan. L’Archipel, 258 pages, 20 €.

« Sarah quand même » de Régine Detambel. Actes Sud, 192 pages, 19 €.

A voir :

«1923-2023. Hommage à Sarah Bernhardt » au Musée national Jean-Jacques Henner. 43 avenue de Villiers 75017 Paris. Du 22 mars au 26 juin 2023.

« Sarah Bernhardt. Et la femme créa la star » au Petit Palais. Avenue Winston Churchill 75008 Paris. Du 14 avril au 27 août 2023.


Marie Colombier, Julia Barthet et « La Duse » pour rivales

Aussi star que scandaleuse, Sarah Bernhardt n’avait pas que des ami.e.s dans le monde du spectacle. Et elle ne cherchait pas, selon des historiens spécialistes du sujet, à se faire apprécier de celles qui s’imaginaient être star internationale à la place de la star internationale que fut la comédienne photographiée par Félix Nadar ou peinte par Mucha. De toutes ses rivales, trois furent particulièrement virulentes. A commencer par Marie Colombier (28 novembre 1844- 30 août 1910) qui s’en donnait à cœur en affublant Sarah Bernhardt de multiples surnoms : « Sarah Barnum », « la Damala » (du nom de son dernier mari, un Grec officier militaire devenu acteur) ou encore « la Mère Lachaise »… En 1880, Sarah Bernhardt emmène Marie Colombier pour une tournée théâtrale de huit mois outre-Atlantique, la deuxième en tire deux pamphlets : « Voyage de Sarah Bernhardt en Amérique » en 1881, puis « Les Mémoires de Sarah Barnum » en 1883. Ça fait scandale, et retour en France, Sarah Bernhardt entraîne son fils et le poète Jean Richepin dans une expédition punitive pour saccager l’appartement parisien de Marie Colombier…

Une autre rivale est Italienne. Et est surnommée « la Duse ». De son vrai nom Eleonora Duse (3 octobre 1858- 21 avril 1924), elle est considérée comme l’une des plus grandes comédiennes de son époque- et aussi comme la rivale la plus importante de Sarah Bernhardt. En Italie, elle joue Victorien Sardou, Alexandre Dumas fils, Henrik Ibsen… Son jeu est tout en intériorité brisée, aliénée, névrosée- un registre semblable à celui de Sarah Bernhardt, en suit une rivalité entre les deux comédiennes qui divise les critiques. Une rivalité qui sera exacerbée que le poète et dramaturge Gabriele d’Annunzio s’éloignera de « la Duse » pour se rapprocher tout près de Sarah Bernhardt…

Enfin, Jeanne Julie Regnault, dite Julia Bartet ou encore « Mademoiselle Bartet » (28 octobre 1854- 18 novembre 1941). A 25 ans, elle entre à la Comédie-Française où, très vite, elle brille par sa polyvalence, aussi à l’aise dans les pièces de Hugo ou Musset que de Racine- on la surnomme « la divine Bartet » et s’impose comme une des meilleures rivales de Sarah Bernhardt. Ce qui n’empêchera pas les deux de se respecter et même de devenir amies…

S.B.


 

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