Spectacles / La Cage aux folles. Paris n’a pas perdu le sens de la fête. Au Théâtre du Châtelet, La Cage aux folles revient dans une version française somptueuse et féérique signée Olivier Py. Et c’est tout simplement l’un des grands plaisirs scéniques de cette fin d’année. Derrière les plumes et les paillettes, la célèbre comédie musicale de Jerry Herman inspirée de la pièce de Jean Poiret, se révèle une œuvre profondément sérieuse, célébrant l’amour au sens le plus large, le plus humain et le plus universel. Un spectacle luxueux, populaire, généreux et bien plus profond qu’il n’y paraît.
La Cage aux folles : Hommage au théâtre de boulevard, au music-hall et au cabaret, cette Cage aux folles est une vraie féerie pour les fêtes de fin d’année : un grand spectacle drôle, intelligent et lumineux.

Adapté de la pièce de boulevard de Jean Poiret, la Cage aux Folles s’inscrit dans la grande tradition du musical à l’ancienne. Et dès le lever de rideau, La Cage aux folles est une fête. Une immense fête.
Douze danseurs -les Cagelles- en formation chorus line étincelante envahissent la scène du cabaret de Saint-Tropez dans un déploiement de strass, de talons et d’énergie communicative. Immédiatement reconnaissable, la musique de Jerry Herman enveloppe la salle et rappelle pourquoi ce musical fit les beaux jours de Broadway dans les années 1980.
Mais Olivier Py ne se contente pas de célébrer la dimension « revue » du spectacle. Son adaptation fluide et élégante retrouve l’esprit de Jean Poiret tout en l’actualisant avec finesse. Sous l’apparente légèreté, le metteur en scène rappelle que La Cage aux folles est une œuvre née dans un contexte historique particulier : celui du début de l’épidémie de sida, qui frappa de plein fouet le monde du cabaret et de la nuit.
L’apparition discrète d’un militant d’Act Up agit comme un rappel discret mais puissant. Sous ses airs frivoles, la comédie musicale est aussi un acte militant, un hommage aux disparus, notamment à ces Cagelles dont la fête fut aussi une manière de résister.
Le moteur dramatique de la pièce originelle reste inchangé. Georges (Damien Bigourdan) accepte de dissimuler sa vie et le couple parental qu’il forme avec Albin/Zaza (Laurent Lafitte) afin de satisfaire les exigences d’un ordre bourgeois incarné par Edouard Dindon (Gilles Vajou) et Marie Dindon (Emeline Bayart) figures d’un conservatisme rigide et hypocrite.
Ce jeu de faux-semblants révèle une mécanique implacable : la norme n’écrase pas seulement ceux qu’elle exclut, elle abîme aussi ceux qui tentent de s’y conformer. En cela, La Cage aux folles ne se contente pas de célébrer la différence, elle en montre le prix psychique à payer lorsque celle-ci est niée.
Au cœur du spectacle, Laurent Lafitte livre une composition remarquable en Albin/Zaza. Digne héritier de Michel Serrault, il est absolument hilarant quand il fait le show dans ses superbes robes, ses plumes et ses paillettes ou bien quand il descends dans le public pour invectiver les spectateurs des premiers rangs.
Mais au-delà de la performance flamboyante, c’est la finesse de son jeu qui impressionne. Sensible, fragile, d’une précision comique redoutable, Laurent Lafitte déploie toute sa palette de comédien : un regard, un silence, un léger décalage suffisent à faire surgir une émotion.
Son sens du timing, ses mimiques, la justesse de ses silences font des merveilles. Son interprétation de « J’ai le droit d’être moi » sonne comme un cri de survie, intime et bouleversant.

Face à lui, Damien Bigourdan campe un Georges élégant et nuancé. Voix chaleureuse, jeu tout en retenue, il incarne avec justesse cet homme aimant, parfois lâche, mais profondément humain. Leur duo incarne une histoire d’amour construite dans le temps, durable, faite de compromis et de tendresse.
Les seconds rôles brillent tout autant et participent pleinement à l’équilibre du spectacle. Emeric Payet est un maître d’hôtel survolté, irrésistible de vivacité et d’une précision comique redoutable. Harold Simon trouve lui le ton juste en Jean-Michel, partagé entre l’amour filial et le poids du regard social. Quant au couple « Dindon », Gilles Vajou et Émeline Bayart assument avec gourmandise un jeu volontairement appuyé, hommage assumé au théâtre de boulevard qui fait écho à la pièce originale de Poiret et qui déclenche les rires du public.
Visuellement, le spectacle est une réussite totale. Les décors et costumes somptueux de Pierre-André Weitz participent pleinement à la magie. Le plateau tournant, véritable cœur du dispositif scénique, permet à la scène de se transformer sous les yeux des spectateurs : appartement bourgeois parisien, scène du cabaret, coulisses animées, ruelle à l’arrière du théâtre ou terrasse d’un café typiquement parisien.
Tous les changements se font à vue, révélant les coulisses, les allers-retours ce qui donne au show un mouvement permanent, presque chorégraphique, renforçant l’impression de fluidité. Les costumes, toujours plus extravagants au fil des numéros, participent pleinement à la féerie, sans jamais écraser le propos.
Hommage au théâtre de boulevard, au music-hall et au cabaret, cette Cage aux folles est une vraie féerie pour les fêtes de fin d’année.
On y rit beaucoup, on y est ébloui, mais on en sort aussi ému et un peu plus conscient. Sublimée par la musique de Jerry Herman, la mise en scène d’Olivier Py redonne à ce classique toute sa gravité et sa modernité.
Le public quitte le Châtelet le sourire aux lèvres avec une certitude simple : l’amour, sous toutes ses formes, reste le plus beau des combats.
Un grand spectacle drôle, intelligent et lumineux. Tout simplement indispensable. Jusqu’au 10 Janvier 2026. Courrez y !
Jean Christophe Mary
La cage aux folles, jusqu’au 10 janvier 2026 au Théâtre du Châtelet, 1 Pl. du Châtelet, 75000 Paris
- Horaires 15h et 20h
- Durée 02:35 (avec entracte)
- Lieu Grande Salle
- Tarifs De 12 à 129 €
- Langues Français, double surtitrage : anglais pour les dialogues et chansons, français pour les chansons.
- Musique et paroles : Jerry Herman
- Livret :Harvey Fierstein
- D’après la pièce « La Cage aux folles » de Jean Poiret
- Mise en scène et traduction en français : Olivier Py
- Direction musicale : Christophe Grapperon, Stéphane Petitjean
- Décors et Costumes : Pierre André Weitz
- Chorégraphie : Ivo Bauchiero
- Chorégraphie (claquettes) : Aurélien Lehmann
- Lumières : Bertrand Killy





