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Sapho revient avec J.A.M (Jalousie. Amour. Mort), son nouvel album (photo) Pierre Terrasson

Interview. J.A.M. (Jalousie. Amour. Mort), le nouvel album de Sapho, son vingtième, vient de sortir chez EPM. Une partie de cet opus est issu d’un travail réalisé il y a huit ans avec le musicien Mehdi Haddab pour Razerka Ben-Sadia Lavant qui a écrit et mis en scène « Les amours vulnérables de Desdémone et Othello », d’après Othello, le Maure de Venise de William Shakespeare.


Sapho, « chanteuse du monde » et pionnière du métisssage musical


Il n’est pas courant de chanter du Shakespeare sur une musique d’aujourd’hui et d’en faire une oeuvre d’une pleine modernité. C’est ce qu’ont réussi Sapho et Mehdi Haddab en ouverture de J.A.M. (Jalousie. Amour. Mort), le nouvel album de la chanteuse. Sapho a écrit les autres textes et les interprète en français, en anglais où en arabe.

Artiste à la croisée de multiples influences et pionnière du métissage musical, celle qui aime se définir comme une « chanteuse du monde », a su s’inspirer des musiques de son Maroc natal comme du rock anglo-saxon, mais aussi de Léo Ferré auquel elle a consacré un album.

Chanteuse et musicienne, écrivaine, mais aussi peintre et poète, on peut lui trouver une parentée aussi bien avec les Rita Mitsouko qu’avec Brigitte Fontaine. Mais Sapho est unique et cet album, d’une belle réussite, en apporte une nouvelle fois la preuve.

Ses chansons sont parfois dansantes avec une belle dose d’humour pimenté d’un peu de provocation. Elle sont parfois graves, touchant au plus intime, et témoignent de ses engagements. Un album que Sapho présentera bien sur scène, avec ses musiciens. Une série de concerts, où on la verra se produire au Palais des Congrès du Mans, le 15 février, au New Morning, à Paris, le 10 avril et au « Festival des Voix Vives de la Méditerranée », à Sète le 27 juillet 2022.

C’est bien Shakespeare qui est le point de départ de votre album ?

Sapho : Razerka Ben-Sadia Lavant nous a commandé un tas de choses à Mehdi Haddab et à moi-même. On a donc commencé par le Willow Song, la balade que chante Desdémone avant de mourir, sur un texte de Shakerspeare. Medhi avait fait une sorte de nappe sonore sjur laquelle j’ai improvisé une médolie. Ravis de ce qui s’est passé entre nous musicalement à l’occasion de ce spectacle, on a voulu poursuivre. Il nous restait tout un matériel qu’on a décidé de reprendre. Entre temps j’ai fait un album avec des chansons de Barbara, qu’on m’avait demandé. Le confinement nous a ensuite permis de travailler autour de la jalousie, de l’amour et de la mort. D’abord à partir de quatre titres écrits pour Othello puis de ceux que j’ai écrit de mon côté. Nous avons fait ensuite une première résidence à Valras-Plage, une commune qui nous a beaucoup aidés pour la réalisation de cet album.



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Sapho sera en tournée à partir du 15 février (photo) Pierre Terrasson

Dans Lala Imilia, vous chantez « Fous-moi la paix le barbu ». Une référence à un personnage de Shakespeare ?

Sapho : Un jour mon père avait dit à une de mes tantes, qui était ravissante, « arrête de te regarder comme ça dans la glace, tu vas boire l’eau du miroir ». C’est cette formule que j’ai repris dans cette chanson. Quant au barbu, il a été imaginé à partir du personnage d’Emilia, la femme de Yago, une espèce de coquette. Emilia s’adressait à ce moment-là à son mari. Mais comme je suis un peu perverse, j’y ai mis plusisieurs sens. C’est de la jouissance et de la liberté féminine, dont je parle dans cette chanson. C’est le féminisme que je revendique, car je n’aime pas le féminisme puritain. Je préfère un féminisme qui parle de façon indissociable du bonheur d’être femme et d’être libre.

Qui sont les musiciens qui ont participé à cet album ?

Sapho : Il y a eu d’abord le gros travail de Mehdi Haddab avec qui qui j’ai réalisé cet album. Et j »ai voulu renouer avec d’anciens musiciens comme le saxophoniste Pascal Trogoff, que je connais depuis toujours. Il m’a accompagnée dans mes premiers concerts et je sais que ce qu’il fait est toujours riche et de bon goût. Etienne Champollion est aux claviers, un immense musicien lui aussi, tandis que Karim Rachedi, le bassiste, est un ami de longue date. Medhi a fait appel au violon arabe de Safwan Kenani et il a fait lui-même quelques solos de luth électronique. Pour le reste, nous avons beaucoup travaillé avec des machines pour réaliser cet album.

Pourquoi avoir choisi de chanter « Les petits chevaux de Tarquinia » en référence au roman de Marguerite Dura?

Sapho : J’adore Marguerite Duras depuis que j’ai 14 ans. Il y a dans son écriture quelque chose qui parle aux adolescents. Son sens du silence est fascinant. Elle n’a pas un vocabulaire tellement florissant mais une façon très belle de se taire. Ses phrases ont des silences qui évoquent l’Extrême Orient, une lenteur et une musicalité magnifiques, mais aussi une sensualité extraordinaire. Dans « Les petits chevaux de Tarquinia », Marguerite Duras évoque Gina, cette femme qui répète « partir comme à 20 ans », une phrase qui a raisonné en moi.

Dans « Maintenant », est-ce la mort d’un proche que vous évoquez ?

Sapho : Mon homme est mort le 3 octobre et cet album je l’ai fait presque plus pour lui que pour moi. Il le voulait cet album et il l’aimait tellement. Il a toujours été mon premier supporter. C’était un homme de justice et de vérité. Il était tellement révolté et pas fait pour ce monde-là. Il aurait été désespéré de voir Zemmour et compagnie.



Justement quand dans la chanson « Cassandre » vous évoquez Zemmour, vous avez choisi d’être dans l’actualité.

Sapho : J’ai écrit cette chanson bien avant que Zemmour se lance dans la présidentielle. Je sentais la Gauche dépérire. Des amis avait ce lexique anti-gauche qui parle de gauche caviar, des droits-de-l’hommistes, des islamo-gauchistes, toute une terminologie qui etait en train de ringardiser la gauche. Un lexique meurtrier qui a fonctionné. Je dis dans cette chanson qu’il n’y avait plus rien à faire, mais c’était seulement de la provocation. Car je suis quelqu’un qui se battera jusqu’au bout. La gauche va se réveiller un jour, car il ne peut pas y avoir une pensées unique. Sans la contradiction, il n’y a pas de liberté.

Pensez-vous monter un spectacle à partir de cet album ?

Sapho : Dominique Lautré et la mairie de Valras-Plage m’ont beaucoup soutenue et sans eux on aurait pas pu faire cet album. Nous allons maintenant faire une résidence au Mans où Bruno Ray a décidé de nous aider à préparer un spectacle à partir de cet album.

Entretien réalisé par Yves Le Pape


  • Album J.A.M. (Jalousie. Amour. Mort). EPM Musique
  • En concert : Palais des Congrès du Mans le mardi 15 février 2022 ( après une résidence de création), New Mornng à Paris le dimanche 10 avril 2022 à 19h, Festival des Voix Vives de la Méditerranée, à Sète le mercredi 27 juillet 2022

 

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