Scylla & Furax Barbarossa : un rap poétique aux « Portes du désert »

scylla & furax Barbarossa
Scylla & Furax Barbarossa : les deux rappeurs sortent "Portes du Désert, leur premier album commun. Photo Charlotte Clain

Musique. Fruit d’une immersion de dix jours et dix nuits au Maroc, Portes du désert est le premier album commun de Scylla & Furax Barbarossa. Né d’un exil volontaire, ce projet mêle introspection, spiritualité et rap pur, porté par une plume dense et sincère. Entre poésie, flow émouvant et voyage intérieur, les deux artistes livrent un album profondément humain, loin des artifices. Un disque qui confirme la complicité de deux figures majeures du rap indépendant, unies par l’amitié et l’amour du verbe.

Parfois, il faut se perdre pour se retrouver, quitter les murs du studio, fuir le vacarme des villes, pour enfin entendre ce qui bruisse en soi. Dix jours. Dix nuits. Et le désert. C’est là, quelque part entre les sables marocains et les silences de l’Atlas, que Scylla et Furax Barbarossa ont façonné un album qui ne ressemble à rien d’autre. Ni posture, ni prétention. Juste la vérité nue d’un rap profond et poétique.

Une retraite artistique comme un retour aux sources

Portes du Désert, c’est d’abord une décision radicale : couper avec le tumulte,  et plonger dans l’inconnu, dans le vide fertile du retrait. Pour ces deux rappeurs respectés — Scylla, le bruxellois à la voix caverneuse et à la plume trempée dans la poésie noire ; Furax Barbarossa, le toulousain incisif et viscéral, homme de scène et d’indépendance —, cette retraite est moins une fuite qu’un pèlerinage vers l’essentiel. Vers eux-mêmes. Vers ce rap qu’ils aiment : rugueux, habité, indompté.



Dans ce huis clos brûlant, où chaque nuit devient introspection et chaque jour une confrontation avec soi, les deux artistes ont créé un disque cohérent, dense, et bouleversant. Un album né de l’exil, qui ne cherche pas à plaire mais à transmettre..

Une poésie du réel et du sacré

Dès l’ouverture avec 10 jours / 10 nuits, le ton est donné : ici, on ne triche pas. Le sable glisse sous les pieds, les mots frappent juste, la voix est grave, le regard tourné vers l’intérieur. Portes du Désert, titre éponyme, plante un décor symbolique : une terre aride où l’âme se met à nu. Un terrain idéal pour explorer des thèmes rares dans le rap d’aujourd’hui : la foi, la mort, la filiation, la mémoire.

Lettre au Roi s’élève comme une prière, entre confidence intime et quête de sens. La Reine des Ombres, sombre et lyrique, rappelle que chez ces deux-là, chaque rime porte un monde. Ce n’est pas du rap pour la forme, c’est du rap comme forme de vie.

Le fond avant la forme

On aurait tort, pourtant, de croire que Portes du Désert n’est que méditation et silences. Nouveau Monde, Loin, Verre de Sable : autant de titres qui rappellent que la technique n’a jamais été un problème. Le flow claque, les schémas s’entrelacent, les punchlines tombent, mais toujours au service du propos.

Promesses, entre engagement moral et rite de passage, sonne comme un serment : “Je jure de ne pas revenir avant d’être devenu un homme meilleur.” C’est là que se joue la force de cet opus: dans cette tension permanente entre la forme maîtrisée et la profondeur du fond. On sent que tout a été pensé dans l’instant, dans l’intuition.

Portes du Désert n’est pas un album de plus. C’est un miroir tendu à ceux qui, comme eux, cherchent à rester debout dans un monde qui vacille.

Victor Hache

  • Album « Portes du Désert » par Scylla & Furax Barbarossa. Pias
  • Tournée à partir du 10 septembre, au Bataclan, Paris les 24 et 25 octobre 2025.
Image de Victor Hache

Victor Hache