L'Année du Requin
"L'Année du Requin" : Un requin rôde près des plages du Sud-Ouest, obligeant les autorités à fermer celles-ci, sur les conseils de la gendarme Maja (Marina Foïs, à droite) (©The Jokers/Les Bookmakers).

Sortie cinéma. Un vrai-faux hommage aux « Dents de la Mer » : c’est en s’inspirant du film de Steven Spielberg et en y ajoutant un peu d’humour que les frères jumeaux français Ludovic et Zoran Boukherma ont co-écrit et co-réalisé « L’ANNÉE DU REQUIN », qui sort sur les plages …euh, sur les écrans ce mercredi 3 août, en plein milieu de l’été.


« L’Année du Requin » : « Les Dents de la mer » version française…


L'Année du Requin
« L’Année du Requin » : Marina Foïs, Jean-Pascal Zadi et Christine Gautier -The Jokers-Les Bookmakers

Le personnage principal, interprété par Marina Foïs, est Maja, maréchal-des-logis-chef de la brigade de gendarmerie maritime d’une station balnéaire des Landes. Elle a 49 ans et, après 27 ans de bons et loyaux services, est à trois jours de la retraite, ce qui ravit son mari Thierry (Kad Merad).

Mais un vacancier qui faisait du paddle au large a disparu et des touristes allemands ont un drôle de trou dans la coque de leur bateau de location. Et Maja elle-même, en intervention sur son bateau de la gendarmerie, est heurtée par ce qu’elle pense être un requin de cinq mètres.

Une jambe retrouvée

Quand on retrouve une jambe du vacancier disparu visiblement arrachée par les mâchoires d’un gros squale, le doute n’est plus permis: un requin rôde dans le coin. On ferme les plages, au grand dam des commerçants et des vacanciers.

Et Maja, qui a un sens du devoir au-dessus de la moyenne, ne veut pas finir sa carrière sans avoir accompli sa dernière mission. Elle obtient un report d’une semaine de sa retraite et, aidée de ses deux jeunes collègues Eugénie et Blaise (Christine Gautier et Jean-Pascal Zadi), part à la recherche du monstre marin. Tous trois vont en pleine mer déverser des kilos de viande bien sanglante pour l’attirer…

Le loup et le requin

Après le loup, le requin: les jeunes réalisateurs Ludovic et Zoran Boukherma, 30 ans, diplômés de l’École de la Cité (l’école de cinéma lancée par Luc Besson en septembre 2012), s’étaient fait remarquer l’an dernier avec leur deuxième film, TEDDY, thriller avec loup-garou teinté d’humour et de réflexions sociales dans un village du Lot-et-Garonne.



Ici, ils ont moins fait appel à l’humour, au ton moqueur et au second degré, pour privilégier le film de genre, comme l’explique Zoran: « C’est un fantasme de cinéma. Quand tu as vu LES DENTS DE LA MER de Spielberg, tu n’oublies jamais l’effet que fait le film. (…) Souvent, le film de requin, ça devient vite parodique. Là, on avait vraiment envie de revenir à l’essence du genre: c’est-à-dire filmer avant tout une menace dans un décor qui normalement ne s’y prête pas, la plage. Le requin, c’est le monstre de l’été, celui qui vient gâcher la fête. Pour nous, là, il y a matière à «cinéma», il y a quelque chose à filmer et à raconter ».

Pas une blague

Son frère Ludovic renchérit: « Le film de requin, c’est vite série Z. Nous, on aimait l’idée du monstre, de la menace, de cette plage mais on n’avait pas du tout envie de traiter ça comme une blague. (…) Ce qui nous plaisait, c’était de nous confronter au cinéma de genre, de filmer un monstre très connu du cinéma américain mais de le déplacer là où, au départ, il n’a pas sa place: le sud-ouest de la France ».

Le film insiste sur le côté psychologique du personnage principal, la gendarmette Maja, à la conscience professionnelle exacerbée, qui semble aimer son travail plus que la vie, a un portrait du général de Gaulle et un grand drapeau tricolore dans sa chambre à coucher, et s’obstine à vouloir terminer sa dernière mission. Jugulaire, jugulaire.

Seconds rôles escamotés

Les seconds rôles sont moins présents, voire escamotés. Son mari Thierry (Kad Merad), aux chemisettes fleuries et à la bienveillance constante, aime sa femme mais n’arrive pas à lui faire profiter de la vie. Et ses deux jeunes collègues Eugénie et Blaise jouent les faire-valoir dans le film: Christine Gautier, qui avait fait ses débuts au cinéma dans TEDDY, et Jean-Pascal Zadi, qui a acquis une notoriété dans le film qu’il a interprété et co-réalisé, TOUT SIMPLEMENT NOIR, sorti en juillet 2020 juste après le premier confinement.

De confinement, il en est question par la bande dans cette ANNÉE DU REQUIN qui décrit un peu les mêmes réactions que celles observées au début de la pandémie de coronavirus (ceux qui ne croient pas à cette menace invisible, l’intervention des pouvoirs publics, les commerçants et touristes qui protestent contre la fermeture des plages, la méfiance des locaux à l’égard des Parisiens, les réseaux sociaux qui s’en mêlent, etc.): « On s’est rendu compte que ce requin qui vient gâcher l’été, cette menace venue de nulle part, qui rôde et qu’on ne voit pas pendant longtemps, faisait écho avec ce qu’on était tous en train de vivre. A travers ce requin, on pouvait surtout brosser le portrait d’une France qui râle, d’une France qui s’agace, d’une France des réseaux sociaux », explique Zoran Boukherma.

Un vrai « film de requin »

Après une première moitié où le cocasse et le loufoque s’instillent souvent dans les situations, les dialogues, les descriptions des personnages, le film abandonne le second degré et devient un vrai « film de requin », avec suspense, rebondissements, cadavres et hémoglobine (à l’image de la première scène, qui commence dans l’humour et finit dans le sang).



Mais cette seconde moitié et l’épilogue entraînent le spectateur dans des eaux profondes déjà connues et sans la maîtrise –ce qui est normal– d’un Spielberg, à qui hommage est rendu par plusieurs scènes, dont l’une de panique générale sur la plage: « On ne peut pas réaliser un film qui s’appelle L’ANNÉE DU REQUIN sans faire un clin d’œil au film de Spielberg. C’est impossible », dit Zoran Boukherma.

Moins original

À la fin, on est donc déçu: à jouer successivement sur les deux tableaux (fausse parodie puis vrai suspense), les frères Boukherma échouent à retrouver l’originalité de TEDDY« C’est un film de monstre et une comédie en même temps », concède Zoran, tandis que son frère Ludovic parle de « film hybride ». On est d’accord avec lui: c’est un film à moitié réussi, à moitié raté.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE : « L’année dernière c’était le coronavirus, cette année c’est le requin. Et l’année prochaine, qu’est-ce que vous allez me trouver? Des aliens, des calamars géants? » (un nageur mécontent de la fermeture des plages, qui proteste auprès des gendarmes).


  • A voir : « L’ANNÉE DU REQUIN » (France, 1h27). Réalisation: Ludovic Boukherma et Zoran Boukherma. Avec Marina Foïs, Kad Merad, Jean-Pascal Zadi (Sortie 3 août 2022)

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