Musique/ Livre. Un premier concert en juillet 1962 au Marquee de Londres. Soixante ans plus tard, les Rolling Stones sont toujours là. Et depuis les années 1970, ils sont considérés comme « le plus grand groupe rock du monde ». L’Europe en a, cet été, une nouvelle preuve avec une grande tournée, le « Sixty Tour »…
Sixty Tour: avec « The Rolling Stones », ça roule toujours
Sixty Tour: Mick Jagger à Liverpool, le 9 juin 2022 © CARL RECINE / REUTERS
Une certitude : le rock’n’roll n’est pas mort. Et il ne mourra pas… Une preuve ? On la trouve facilement cet été 2022. Elle est nommée « Sixty Tour »– « sixty », cinq lettres pour dire « soixante » comme le nombre d’années durant lesquelles se produit un groupe britannique. « Sixty », cinq lettres pour soixante ans de présence tant en albums que sur scène pour The Rolling Stones. En VF, les pierres qui roulent.
Mieux qu’un mythe, qu’une légende- un roman épique écrit, interprété et composé aujourd’hui encore par Mick Jagger, Keith Richards et Ron Wood, surnommés respectivement Peter Pan, Keef et Ronnie… Au fil du temps et depuis ce premier concert au Marquee de Londres le 12 juillet 1962, ont quitté l’aventure le fondateur du groupe Brian Jones (1942- 1969), Mick Taylor (né en 1949), Bill Wyman (né en 1936, à la retraite à Saint-Päul-de-Vence) ou encore Charlie Watts (1941- 2021).
Donc, après une tournée « No Elder » (en VF, pas d’ancien) plus que lucrative à l’automne 2021 en Amérique du nord, voici donc en cet été 2022 les Rolling Stones en Europe. Le « plus grand barnum du monde » a commencé l’histoire le 1er juin dernier en Espagne, au Wanda Metropolitano- le stade de l’équipe de football de l’Atletico de Madrid. Au programme, quatorze dates pour dix villes en deux mois et 3 jours- étapes à venir en France (Lyon et Paris) et final à Berlin…
Et ça fonctionne, et ça tourne depuis soixante ans ! Nombre d’exgètes et autres docteurs souvent auto-proclamés ès pop-rock ont leur explication sur la longévité de ces sacrées pierres qui roulent.
Ainsi, le rédacteur en chef de la version française du magazine « Rolling Stone » : « C’est du talent, c’est d’abord un tandem de songwriters incroyables, parce que les textes de Jagger sont parmi les meilleurs de l’histoire du rock. C’est vraiment très écrit tout en restant très accessible. C’est une efficacité redoutable du rock’n’roll qu’ils ont toujours su jouer ». Un autre, responsable d’une chaîne télé à l’audience mondiale : « Depuis bien longtemps, les Stones n’inventent plus rien. Ils sont juste un juke-box. Un formidable juke-box ! »
A la question : et si le but ultime des Stones était de jouer jusqu’au bout, de mourir en jouant, comme les bluesmen américains ?, Philippe Thieyre, écrivain et crique musical, répond : « Je pense qu’ils joueront jusqu’au bout. C’est vraiment pour le plaisir d’être sur scène. Ils ont commencé à 17, 18 ans et ils ne peuvent pas s’en passer. Ce qui est intéressant dans les Rolling Stones c’est que toutes les générations les aiment. Ils représentent le rock.
Quand on va voir un concert des Stones, même si on ne va pas acheter le dernier disque, on sait que, sur scène, ça sera du blues-rock ».
Pour fêter le soixantième anniversaire du premier concert des Stones- « les nababs du rock », un de leurs multiples surnoms, la BBC (qui, elle, fête son centenaire) a réalisé un documentaire audio de deux heures. Commentaire de Lorna Clarke, de BBC Pop : « Quelle meilleure année pour rendre hommage à l’un des groupes de rock les plus importants au monde. Les Rolling Stones sont les ambassadeurs du grand rock ‘n’ roll britannique depuis des décennies et sont aimés dans le monde entier ». Après le décès à 80 ans du batteur hyper-élégant Charlie Watts le 24 août 2021, la rumeur a enflé selon laquelle les « pierres qui roulent » remballaient micros, guitares, batteries et piano. Fausse rumeur : à aucun moment, l’idée de retrait.e. n’a jamais effleuré l’esprit de Jagger et Richards, les « boss » de l’affaire.
Alors, bien sûr, en ouverture de chaque rendez-vous de la tournée « No Elder » tout comme de ceux du « Sixty Tour », un hommage est rendu à Charlie Watts, ce batteur d’élégance qui n’appréciait ni le rock ni les tournées mais aimait par-dessus tout le jazz, et qui a été remplacé par Steve Jordan, batteur américain bien moins raffiné que son prédécesseur.
Un concert des Stones en version « Sixty Tour », c’est deux heures de sympathie pour le diable sur scène du « plus grand groupe du monde », tel que le présentait déjà son manager dans les années 1970 ! Tous les tubes, classiques et éternels, défilent : « Street Fighting Man », « Get Yer Ya-Ya’s Out » (un des mythes « stoniens » datant de 1969), « 19th Nervous Breakdown », « Tumbling Dice », « Bitch » (seul extrait du « kolossal » album « Sticky Fingers »- 1971), « Out Of Time », « Beast Of Burden », « You Can’t Always Get What You Want »… et ça continue : « Living in a Ghost Town », « Honky Tonk Woman »… et puis Miss You, et encore un enchaînement de folie avec « Midnight Rambler », « Paint It Black », « Start Me Up » et « Gimme Shelter »… et c’est déjà le final.
Le sommet « stonien » avec « Jumpin’ Jack Flash », « Sympathy For The Devil » et « (I Can’t Get No) Satisfaction ». Mick Jagger (79 ans le 26 juillet prochain), Keith Richards (78 ans) et Ron Wood (75 ans depuis le 1er juin dernier) sont vraiment « out of time ». Hors du temps, ils roulent encore et toujours !
Serge Bressan
- A voir : « Sixty Tour », tournée des Rolling Stones. Concerts à Lyon (19 juillet), Paris (23 juillet), Gelsenkirchen (27 juillet), Stockholm (31 juillet) et Berlin (3 août).
Jagger en Co en photos…
Plus de 250 photos. Des « pierres qui roulent » à toutes les pages… C’est « The Rolling Stones », le somptueux livre de la photographe Gaëlle Ghesquière. Plus de 250 photos pour Jagger and Co, pour montrer des concerts des Rolling Stones, témoignage d’une période coutant sur vingt-trois ans de 1995 à 2018. Après avoir fait khâgne et hypokhâgne puis obtenu un DEA (diplôme d’études approfondies) de Lettres sur l’« Aspect Ethnolinguistique du parler Wallon-picard », la native de Maubeuge (Nord) se retrouve en stage dans un quotidien parisien. Elle évoque un « heureux hasard » en cette soirée du 18 octobre 1995, durant laquelle elle sera « intronisée » photographe par le manager des Red Hot Chili Peppers.
Pour tout appareil, elle a un petit Instamatic, elle photographie les « Red Hot » recevant un disque d’or… Peu après, le rédacteur en chef d’un mensuel rock l’engage comme photographe. Et quelque temps après, elle pose des affiches chez un ami commerçant. Qui, un jour, lui dit : « Sais-tu que, quand il vient à Paris, Mick Jagger achète ses légumes dans ma boutique ? D’ailleurs, pourrais-tu envoyer quelques-unes de tes affiches à Mick pour qu’il les signe ? » Heureux hasard, comme dit Gaëlle Ghesquière.
« The Rolling Stones » débute par l’Apocalypse. Concert de Jagger, Richards et les autres mais sans le bassiste Bill Wyman, le 1er juillet 1995 à l’hippodrome de Longchamp, dans l’ouest parisien. Un soir de pluie. Souvenir de la photographe : « L’averse se faufile partout, en marée verticale submergeant sur son chemin. Le sol se transforme en cloaque, en un marécage infernal. La pluie glaciale, compacte, féroce, déborde d’énergie, alourdit les vêtements comme si chacun de nous n’était plus qu’une éponge. Je m’abrite sous un couvercle de poubelle vert pour tenter de prendre des photos… Il ne reste presque personne autour de moi. J’ai l’impression de nager à contre-courant au milieu d’un nuage. C’est l’Apocalypse ».
Lors d’un récent entretien radio, Gaëlle Ghesquière qui, plus tard, photographiera Bowie, Dylan, Madonna, Bruce Springsteen, Michael Jackson ou encore Patti Smith, a raconté « ses » Stones : « Dans le magazine pour lequel je travaillais, on parlait du groupe au moins trois fois par jour. Alors, aller le photographier, c’était le Graal ». Ou encore : « Se faire accréditer pour un concert des Stones n’a jamais été évident, il y a énormément de demandes. Le manager et le staff choisissent. En 2014 pour un concert, il y a eu plus de 500 demandes et ils en choisissent à peu près une dizaine ! » Et aussi cet impératif : « J’ai commencé en 1995 et j’ai toujours entendu la petite phrase : « Trois morceaux sans flash » mais sur un concert des Stones, ce peut être seulement deux chansons pendant lesquelles nous pouvons faire des photos… »
Gaëlle Ghesquière a photographié, pour la première fois, Mick Jagger en 1995, à la sortie de l’Olympia, elle n’avait pas pu entrer dans la salle, elle a pris la photo du chanteur en peignoir de la salle jusqu’à sa limousine. « Mick Jagger, c’est vraiment Zébulon sur scène. Il va dans tous les sens, c’est une énergie folle. Donc, il faut anticiper, concentré.e, ça ne dure pas longtemps ».
Des anecdotes, en vingt-trois années de « compagnonnage » avec les Rolling Stones, la photographe française en déroule à la demande. Par exemple, ce concert à Milan en 2006 : « Je me retrouve à un mètre de Keith Richards. On est juste le lendemain du coup de boule de Zidane contre Materazzi en finale de la Coupe du Monde. Le stade italien était complètement pro-italien, ça scandait « Campio di mondo »…
Juste derrière la scène, vous aviez le coin VIP, tout le groupe Materazzi, tous les footballeurs sont arrivés. Le stade était pour ses joueurs et, là, Keith Richards un peu énervé parce que les Stones se faisaient piquer la vedette, il tire la langue et me regarde. Ça c’est mon image préférée ».
S.B
- A lire : « The Rolling Stone » de Gaëlle Ghesquière. Plon, 312 pages, 35 €.