« Gotainer ramène sa phrase »: un spectacle poético-rock jubilatoire

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"Richard Gotainer ramène sa phrase" : un spectacle poético-rock jubilatoire. (c) DR

Spectacle. Avec Gotainer ramène sa phrase, l’inimitable trublion de la chanson française revient sur scène pour un spectacle aussi singulier qu’envoûtant. Avec son complice Brice Delage, Gotainer « ne chante pas, il raconte » — et transforme ses chansons en petits bijoux de théâtre musical. Entre poésie, humour et rock déjanté, il embarque le public dans un univers à la fois drôle, tendre et foutraque. Mise en scène ciselée, énergie contagieuse : un spectacle jubilatoire à découvrir les 23 et 30 octobre à l’Apollo Théâtre, à Paris, avant la tournée en France.

« Gotainer ramène sa phrase » : un spectacle aussi singulier qu’envoûtant où l’artiste ne chante pas, il raconte : un OVNI réjouissant !

Ce spectacle fait un bien fou ! L’artiste prévient dès son entrée en scène après quelques accords du tube « Le Mambo du Décalco » « Je ne chante pas je raconte ! » Richard Gotainer le fait avec talent, épaulé par un musicien de génie.

Il interprète telle une pièce de théâtre chaque texte. Le ton est donné avec « Le Béquillard des bois » savoureux conte de traviole. Suivent « Maman flashe et papa flippe ». On oublie déjà les chansons. On découvre les textes. La salle est conquise. Le fils de punk, enfant de beatnik, nous embarque sur sa planète, entre Gotlib, Laurel & Hardy et Raymond Devos.

On y croise « Trois vieux papy » et un « Tueur de frigos » surréaliste. La dégustation savoureuse d’un « Pâté de faon » restera dans toutes les mémoires. L’émotion est palpable sur « O Vous ». Le public est debout. Et quand Richard Gotainer ne raconte pas, Brice Delage enchaîne des accords de rhythm’n’blues, de rock, de chants tribaux, de bruitages en tout genre. Ce spectacle de théâtre musical poético-rock, très finement mis en scène est un OVNI réjouissant ! Rencontre au Bateau-Ivre à Tours où Richard Gotainer a joué trois fois à guichet fermé.

Comment vous est venue cette idée géniale ?

Richard Gotainer : Durant le COVID, après plusieurs expériences qui m’ont amené sur cette voie-là, j’ai eu envie de faire un spectacle où je raconte. Brice Delage, guitariste virtuose, m’a rejoint dans cette aventure. Il connaissait tout son Gotainer par cœur. On ne voulait pas tomber dans la récitation, accompagnée à la guitare, mais au contraire que ce soit aussi bien que si c’était chanté. Du Gotainer en mieux. C’est un ping-pong entre un mec qui raconte et un autre qui fait des bruitages, des habillages musicaux, des allers-retours sur scène et joue la comédie aussi. C’est une mécanique d’horlogerie très précise qui ne supporte pas le moindre incident.



Est-ce plus difficile de dire que de chanter ?

Richard Gotainer : Oui car une chanson quand elle roule, elle roule. Là, il faut vraiment être derrière. Je ne peux pas laisser le texte se défendre tout seul. Il faut que je le défende. Il faut que je sois derrière chaque mot. Je mouille ma chemise. C’est ce qui m’intéresse. 

Le public est séduit d’entrée. Récemment, au Bateau Ivre, un rappel a dépassé les dix minutes. Ces réactions vous ont-t-elles surpris ?

Richard Gotainer : Franchement, j’étais ému aux larmes. Je suis là pour étonner les gens. Je veux les surprendre et les embarquer. Mais la plupart viennent me dire après le spectacle qu’ils ne redécouvrent pas mes textes mais qu’ils les découvrent.

On oublie même les chansons ?

Richard Gotainer : Oui, au bout du troisième tableau, il n’est plus question de chanson, on est transporté ailleurs dans un univers de poésie et d’humour.

On a parfois le sentiment d’être dans l’univers de Gotlib.

Richard Gotainer : Gotlib a été le Coluche de la bande dessinée. Gotlib, c’est de l’outrance dans la finesse !  Il a enfoncé des portes qui étaient verrouillées.

Le spectacle est parfois charnel, voire un brin érotique… 

Richard Gotainer : Je n’aime pas la vulgarité. En revanche, j’aime bien aller chatouiller l’élastique du slip. J’aime bien le gras en tranches fines.

Il y a peu de tubes qui ne se prêtent pas à l’exercice. C’est le cas du « Mambo du décalco ».

Richard Gotainer : Oui, car il n’y a pas de dramaturgie dedans qui permette d’en faire une pièce de théâtre. Mais on l’évoque largement musicalement. Pas question de s’en priver. Ce spectacle me permet aussi de proposer des chansons moins connues du public qui font de formidables scénettes.

On redécouvre « Rupture de stock » … (On en a eu/ Y en a eu plein, de l’eau/ On en a eu à une époque/Mais là…Rupture De Stock/Walou, tintin/On n’en a plus en magasin/ de l’eau) C’était une chanson plus que prémonitoire …

Richard Gotainer : Je l’ai écrite le siècle dernier, en 1992. J’aurais aimé qu’elle ne soit pas d’actualité.

Dans ce spectacle, on apprend aussi beaucoup de choses sur vous.

Richard Gotainer : C’est vrai, mais je ne suis pas là pour me raconter, ce n’est pas mon truc. Malgré tout, le stylo fuit, ça bave.

Il y a peu de place pour l’improvisation. Vous n’avez pas de prompteur. Avez-vous peur du trou de mémoire ?

Richard Gotainer : Si vous voulez éviter un écueil, il ne faut surtout pas en avoir peur. Quand j’ai appris à mon fils à faire du vélo, je craignais qu’il percute quelque chose. On est allé dans une clairière. Il n’y avait qu’un arbre. Il est allé droit dedans. Mais oui, dans ce spectacle, il n’y a pas de place pour le trou de mémoire. Si cela arrive, Brice vient me souffler.

A la fin de chaque concert, vous rencontrez le public. Les échanges sont souvent touchants.

Richard Gotainer : Beaucoup m’apportent des disques à dédicacer, des 45 tours. Un homme hier m’a dit qu’il avait chanté des chansons de mon répertoire lors de l’enterrement de son père. C’est très émouvant de découvrir comment on peut accompagner les gens dans leur vie, sans même les connaitre.

Dans la salle il y a le public qui vous connaît depuis quasiment vos débuts mais aussi des jeunes qui vous ont découvert sur Internet.

Richard Gotainer : Oui, dans cette génération-là, il y a ceux qui sont les enfants de parents qui les ont « élevés au Gotainer ». Et des jeunes qui me découvrent. Certains ont des cheveux bleu ou rose. Cela me réjouit. Cela me rappelle cette chanson de Charles Trenet : « Longtemps, longtemps, longtemps /Après que les poètes ont disparu/ Leurs chansons courent encore dans les rues »

Entretien réalisé par Christian Panvert

  • Gotainer ramène sa phrase, les 23 et 30 octobre à 20h à l’Apollo Théâtre 18 Rue du Faubourg du Temple, 75011 Paris (Tél: 01 43 38 23 26) Et en tournée dans toute la France.
Image de Christian Panvert

Christian Panvert