Dans Le Cœur, Marc Petitjean met en lumière un épisode inédit de la vie de l’artiste peintre mexicaine Frida Kahlo : sa relation amoureuse avec Michel Petitjean, père de l’écrivain, à Paris en janvier 1939. Avec cet ouvrage, l’auteur veut réparer l’oubli.
Le Cœur. Frida Kahlo à Paris
Par Marc Petitjean
Arléa, 172 pages, 17 euros
Des hommes ont traversé l’histoire aux côtés d’illustres intellectuels, artistes en laissant dans l’ombre leurs actes et leur engagement. Michel Petitjean est de cette fratrie. A la faveur d’une rencontre avec Oscar, un écrivain mexicain, son fils Marc reprend le fil de l’existence de son père pour se rapprocher de cet inconnu et faire la lumière sur sa relation amoureuse avec Frida Kahlo, singulière représentante de la peinture mexicaine. Pour celui qui a côtoyé en 1939 les surréalistes Breton, Leiris, Prévert, Dali, Queneau et avoir été l’amant de Marie-Laure de Noailles, l’important était ce qu’il vivait au contact des autres et non ce qu’il pouvait produire.
L’écrivain Marc Petijean veut réparer l’oubli. Il décrit un couple qui se comprend sans jamais parler la même langue, savoir ce qui attirait l’artiste, c’est savoir quel homme était son père
Frida Kahlo arrive à Paris en janvier 1939, après avoir quitté New York où elle est acclamée. A la fin de sa liaison avec Michel Petijean, la Mexicaine lui offre un tableau « le Cœur » où s’expriment ses transformations physiques et spirituelles. Ses peintures sont des segments de son autobiographie ; elles témoignent d’ «un corps déglingué avec lequel il faut bien qu’elle fasse sa vie ». Victime dans sa jeunesse d’un accident de tramway, elle subit jusqu’à sa mort de multiples opérations et porte un corset de métal et de plâtre durant des mois, traverse son chemin de croix.
A chacun de ses passages, Frida Kahlo détonne par ses vêtements, sa coiffure, ses bijoux, mais c’est moins pour se vêtir, se coiffer, se parer que pour affirmer son identité d’Indienne mexicaine
Avec cet ouvrage, Marc Petijean veut réparer l’oubli. Il décrit un couple qui se comprend sans jamais parler la même langue, savoir ce qui attirait l’artiste, c’est savoir quel homme était son père. Le flou de sa profession est une énigme pour son fils, il suit entre autres les cours d’ethnographie de Marcel Mauss et participe avec Henri Langlois à la création de la Cinémathèque française. C’est encore Michel Petijean qui organise à la galerie Renou et Colle l’unique exposition de Frida Kahlo à Paris. Le 9 mars, le jour du vernissage, des masques à gaz sont distribués dans six quartiers de la capitale en prévision d’une guerre imminente avec l’Allemagne, 200 000 seront attribués dans les mois à venir.
A chacun de ses passages, l’artiste détonne par ses vêtements, sa coiffure, ses bijoux, mais c’est moins pour se vêtir, se coiffer, se parer que pour affirmer son identité d’Indienne mexicaine. Ces attributs, à l’instar de sa peinture qui sublime ses maux, cachent et dévoilent des membres écartelés, ils conjurent la souffrance. Le couple vient en aide aux républicains espagnols. Le 1er avril marque la fin de la guerre d’Espagne et l’accession de Franco au pouvoir. Ce voyage à Paris aura fait de l’épouse de Diego Rivera un être indépendant, reconnu, appartenant à son art. En rentrant au Mexique, son amant new-yorkais lui apprend son mariage, Rivera demande le divorce, elle sombre dans l’alcool et la dépression, fait des tentatives de suicide.
Quant au « Cœur », il a été vendu aux enchères, on ne connaît ni l’acheteur ni le pays où il se trouve. Ce portrait de femme a révélé le nouveau visage d’une artiste dont l’unique sujet de ses tableaux aura été elle-même et sa douleur.
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