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"Les Choses Humaines" : Mila (Suzanne Jouannet) accuse Alexandre (Ben Attal) de l'avoir violée (©Jérôme Prébois/Curiosa Films/Gaumont)

Sortie cinéma. Une jeune femme accuse un jeune homme de l’avoir violée, ce que celui-ci nie: c’est parole contre parole. On est en plein dans l’actualité avec le nouveau film d‘Yvan Attal, « Les Choses Humaines », qui sort ce mercredi 1er décembre sur les écrans.


Cinéma. « Les Choses Humaines » : un film sobre et fort autour du viol


Alexandre Farel (Ben Attal), 22 ans, étudiant à la prestigieuse université de Stanford en Californie, vient passer quelques jours en France pour y voir ses parents, riches et célèbres, et séparés: son père (Pierre Arditi) est un journaliste politique star de la télé, sa mère (Charlotte Gainsbourg) est une essayiste connue pour ses engagements féministes.

Soirée étudiante

Alexandre dîne un soir chez sa mère avec le compagnon de celle-ci (Mathieu Kassovitz) et sa fille Mila (Suzanne Jouannet), 17 ans, puis emmène la jeune fille à une soirée étudiante. Après la soirée, il retourne coucher chez son père.

Le lendemain, la police débarque dans l’appartement. Perquisition, menottes, commissariat, garde à vue: Mila a porté plainte contre Alexandre. Elle l’accuse de l’avoir violée.



Le jeune homme est-il coupable ou innocent? La jeune femme dit-elle la vérité ou ment-elle? Les deux jeunes protagonistes et leurs familles vont voir leur vie, leurs convictions et leurs certitudes voler en éclats…

Adaptation du prix Interallié

Le film est l’adaptation du roman éponyme de Karine Tuil (Ed. Gallimard), publié en 2019 et couronné du prix Interallié et du Goncourt des lycéens. Le livre était lui-même inspiré d’un fait divers survenu en 2016 sur un campus de l’université de Stanford.

« Les Choses Humaines » est le 7e long-métrage réalisé par Yvan Attal, mais le premier dans lequel il abandonne le ton de la comédie pour se concentrer sur un sujet grave, inspiré par le livre. « Le sujet était contemporain, les personnages complexes », explique-t-il. « Et pour la première fois, ce livre me donnait l’occasion de m’éloigner de la comédie, me retrouver dans un genre de cinéma qui m’a donné envie de faire du cinéma avec des éléments que je n’avais jamais eu l’occasion de filmer –un commissariat de police, un palais de Justice, une perquisition, etc. »

Rigueur et maîtrise

Après un début lourdement explicatif pour présenter les différents personnages, la réalisation est d’une rigueur et d’une maîtrise remarquables, pendant les deux heures et quart que dure le film. Celui-ci se divise en trois parties (l’histoire racontée du point de vue d’Alexandre, puis de celui de Mila, et le procès 30 mois plus tard) et ne montre jamais ce qui s’est vraiment passé lors de la soirée, se contentant de nombreux retours en arrière sur certains moments.

Y a-t-il une seule vérité ou, au contraire, les mêmes actes peuvent-ils être vécus et racontés de manières différentes selon les protagonistes? C’est toute la question du consentement féminin lors de rapports charnels ou sexuels qui est soulevé ici, dans le livre comme dans le film, une question a pris de l’importance dans la société depuis l’irruption du mouvement #MeToo.

Deux visions qui s’opposent

« Si vous enchaînez le témoignage de Mila et de Ben pendant le procès, vous vous rendez compte qu’ils disent la même chose. Les faits sont indiscutables. C’est la manière dont chacun les a vécus qui change tout », explique Yvan Attal.

Ce sont deux visions qui s’opposent, mais aussi deux mondes qui s’affrontent et dans lesquels « les choses humaines » (le sexe, la séduction, le pouvoir, le travail, l’argent, la culture) sont perçues différemment: Alexandre est issu d’une famille riche, il fait des études d’ingénieur, joue du piano, est à la fois gentil est arrogant; Mila, elle, timide et mesurée, juive pratiquante, vient d’une famille plus modeste, père professeur de littérature, mère prothésiste dentaire.

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« Les Choses Humaines » d’Yvan Attal. Photo (Jérôme Prébois) Curiosa Films-Gaumont

Mettre le spectateur à la place du jury

Mais ce n’est pas un affrontement entre le méchant violeur et la gentille victime, le scénario et la description des personnages sont plus subtils. « Ce qui m’intéressait, c’était de mettre le spectateur à la place du jury, face à une affaire où c’est la parole de l’un contre celle de l’autre », explique le réalisateur. « Pour le garçon, j’avais envie de souligner l’aspect touchant de sa personnalité, malgré la violence de ce dont on l’accuse. Concernant la fille, même si on ressent une immédiate empathie pour elle, je voulais instiller une once de doute sur son témoignage. Pas pour la rendre antipathique –c’était hors de question–, mais pour mettre en lumière la difficulté de juger quand c’est le cas ».

Dans ce film à la fois sobre et fort, sorte de thriller sociétal qui trace sa voie jusqu’au procès final sans sortie de route, Yvan Attal a aussi soigné les seconds rôles: outre les parents des deux jeunes gens, il met en scène l’ex-maîtresse d’Alexandre, plus âgée que lui, directrice de cabinet d’un ministre, avec une rencontre au bar de l’hôtel Park Hyatt; la jeune maîtresse du père, stagiaire à la télé, que celui-ci rejoint dans une chambre de l’hôtel Raphael; et l’on remarque aussi la performance de l’avocat d’Alexandre (Benjamin Lavernhe), très présent et très brillant dans la dernière partie du film.

Candidate au César du meilleur espoir féminin

Mais bien sûr le film est porté par l’interprétation des deux acteurs principaux. Pour son premier long-métrage au cinéma, la jeune Suzanne Jouannet, qui a des faux airs de Cécile de France, est étonnante de vérité. Elle fait partie de la liste des Révélations de l’année publiée par l’Académie des César, candidate donc au César du meilleur espoir féminin.



Quant à Alexandre, Yvan Attal a choisi son fils Ben, 24 ans, l’aîné des trois enfants qu’il a eus avec Charlotte Gainsbourg. Le jeune acteur a fait quelques apparitions dans les films de son père depuis qu’il a 4 ans, puis a connu un rôle plus important dans le dernier, « Mon Chien Stupide » en 2019, avant de tenir ici un premier rôle assez lourd à porter –et il s’en tire plutôt bien.

« Comment travailler avec lui? Je suis son père », dit Yvan Attal. « J’avais le sentiment d’une double responsabilité. Puis je me suis dit qu’en tant que réalisateur, j’étais un peu le père de tous les acteurs qui sont sous mon regard. Pour incarner l’accusé –un jeune homme parfois arrogant mais attachant–, Ben avait beaucoup d’atouts. Il est doux, généreux, et embarrassé d’avoir les parents qu’il a. Il aurait aimé naître dans un autre milieu. Cette complexité le rend touchant. Et puis il est cinégénique… »

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Il n’y a pas qu’une vérité. Il y a deux perceptions différentes d’une même scène » (Benjamin Lavernhe, l’avocat de Ben Attal).


  • A voir : « Les Choses Humaines » (France, 2h18) Réalisation: Yvan Attal. Avec Ben Attal, Suzanne Jouannet, Charlotte Gainsbourg. (Sortie 1er décembre 2021)

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