de nos frères blessés
"De nos frères blessés" : Fernand Iveton (Vincent Lacoste) a rencontré sa femme Hélène (Vicky Krieps) en France, et elle est venue s'installer avec lui en Algérie (©Les Films du Belier/Laurent Thurin-Nal/Diaphana Distribution).

Sortie cinéma. C’est un épisode mal connu de la guerre d’Algérie qu’évoque le film « De nos Frères Blessés », qui sort sur les écrans ce mercredi 23 mars: la condamnation à mort de Fernand Iveton, militant communiste et sympathisant du FLN, exécuté en 1957 pour avoir posé une bombe qui n’explosa pas. Il fut le seul Européen guillotiné pendant cette guerre qui dura de 1954 à 1962.


« De nos Frères Blessés » : Fernand Iveton ou  l’indépendance de l’Algérie


Alger, 1956. Fernand Iveton (Vincent Lacoste), 30 ans, ouvrier tourneur à l’usine d’électricité et de gaz d’Algérie, pied-noir né à Alger, milite au Parti communiste, comme son père avant lui: « on a toujours été communistes ».

Idéaliste et anticolonialiste

Idéaliste, anticolonialiste, il est révolté par les différences entre Arabes et Européens dans cette Algérie qu’il considère comme son pays, et soutient les indépendantistes. Il dénonce que les Arabes soient moins bien payés pour le même travail. Il enrage de devoir rayer, à l’entrée de la plage, la mention « et aux Arabes » que certains ont inscrite sur une pancarte « Plage interdite aux chiens ».

Alors il décide de mener des actions contre les partisans de l’Algérie française. Cela ne plaît pas à sa femme Hélène (Vicky Krieps), un peu plus âgée que lui, qu’il a rencontrée dans un bal lors d’un passage à Paris et qui est venue s’installer avec lui à Alger avec son fils d’une quinzaine d’années.

Communisme et communisme

Hélène est Polonaise, après la guerre sa famille a fui le régime communiste en place dans son pays (où est bloqué son père) et dans l’Europe de l’Est, et elle comprend mal que Fernand puisse se dire communiste, à l’Ouest. Mais cela n’empêche pas le couple de s’aimer et de vivre heureux.



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« De nos frères blessés » : Fernand Iveton interprété par Vincent Lacoste) © : Les Films du bélier

Le bonheur ne va pas durer. Le 14 novembre 1956, Fernand dépose une bombe dans un local désaffecté de son usine. Le sabotage échoue, la bombe n’explose pas, mais le jeune homme est arrêté, jugé par un tribunal militaire et condamné à mort. Il sera exécuté le 11 février 1957, son recours en grâce ayant été refusé par le président René Coty après un avis défavorable du Garde des Sceaux, François Mitterrand, et du président du Conseil, Guy Mollet.

Prix Goncourt du premier roman

Cette histoire a été racontée dans le livre De nos frères blessés (Ed. Actes Sud), Prix Goncourt 2016 du premier roman, écrit par Joseph Andras, journaliste et écrivain engagé qui écrit régulièrement dans le journal L’Humanité et a pris notamment la défense des gilets jaunes ces derniers mois.

Le jeune réalisateur Hélier Cisterne, 41 ans, a décidé d’adapter ce récit au cinéma. C’est son deuxième film, après « Vandal » en 2013, histoire d’un adolescent rebelle et solitaire qui découvre le monde nocturne des graffeurs. Le cinéaste a, entre-temps, réalisé plusieurs épisodes de la série télé « Le Bureau des légendes ».

Nombreux flash-back

Il a voulu raconter cette histoire vraie de Fernand Iveton avec le choix de « faire du couple le personnage principal du film ». Avec de nombreux flash-back, il met ainsi l’accent sur la vie privée de Fernand et de sa femme Hélène, et sur le soutien de celle-ci à son mari considéré et jugé comme un « traître ».

Il a choisi pour incarner ce couple Vincent Lacoste, petite moustache et militantisme rentré, dans un rôle sobre et fort pour le jeune acteur récemment vainqueur du César du meilleur second rôle pour « Illusions perdues » de Xavier Giannolli; et Vicky Krieps, actrice luxembourgeoise remarquée notamment dans « Phantom Thread » de Paul Thomas Anderson (2017), dont on admire ici la belle présence devant la caméra.

Sincérité et parti pris

Le film, engagé et militant, donc avec sa part de sincérité et de parti pris, ne s’attarde pas sur la politique, la torture, le colonialisme mais laisse une bonne part à l’intime et à l’histoire d’amour entre Fernand et Hélène dans ce contexte historique lourd qui les dépasse et une raison d’État qui les écrase. La réalisation est sobre, efficace, sans éclat particulier, sauf un émouvant dialogue amoureux à la fin.

de nos frères blessés affiche



« Je pense qu’il faut inlassablement parler de cette période, affronter ses zones d’ombre, ses fautes. La regarder en face », dit le réalisateur à propos de la guerre d’Algérie. « J’ai fait ce film avec l’idée que toutes les compromissions qui nous font fermer les yeux pour des raisons de pragmatisme politique sont des bombes à retardement qui conduisent au drame. C’est l’immense risque qui menace les démocraties quand les états d’urgence, les mesures exceptionnelles, la répression violente s’exercent sans recul, sans regret, ni contradiction ».

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Je ne peux pas rester sans rien faire (…). Si je ne me bats pas ici, je ne pourrai plus me regarder en face » (Vincent Lacoste, à sa femme Vicky Krieps qui lui reproche ses actions).


  • A voir : « De nos frères blessés » (France, 1h35). Réalisation: Hélier Cisterne. Avec Vincent Lacoste, Vicky Krieps, Meriem Medjkane (Sortie 23 mars 2022)

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