« Les Banshees d’Inisherin » avec Colin Farrell : L’île de l’ennui

Sortie cinéma. On s’ennuie sur l’île d’Inisherin, au large de la côte ouest de l’Irlande. Mais pas autant que les futurs spectateurs du film Les Banshees d’Inisherin (ce mercredi 28 décembre sur les écrans), film déprimant et triste qui raconte la fin d’une longue amitié entre deux des habitants de l’île.

« Les Banshees d’Inisherin » : un film triste, lugubre, pessimiste

On est en 1923, au loin sévit la guerre civile irlandaise. Sur l’île d’Inisherin, le pub est la seule distraction, où se retrouvent tous les jours à la même heure les deux meilleurs-amis-du-monde, Padraic (Colin Farrell) et Colm (Brendan Gleeson). Le premier vend le lait se ses vaches et est connu pour sa gentillesse et son caractère simple et facile, le second est plus ombrageux, intello, et compose de la musique.

« Va t’asseoir ailleurs »

Un jour, alors que Padraic vient comme tous les jours pour s’asseoir près de Colm, celui-ci lui dit: « va t’asseoir ailleurs ». Choqué, Padraic ne comprend pas. « Tu ne m’as rien fait. Je ne t’apprécie plus, c’est tout », lui explique Colm.

Celui-ci ne supporte plus les discussions quotidiennes de peu d’intérêt avec Padraic, perte de temps intellectuelle pour lui, qui veut désormais se consacrer à sa musique. Et il menace son « ami » de se couper un doigt à chaque fois que ce dernier, désormais, tentera de lui adresser la parole…

La fin d’une amitié

« Padraic ne comprend pas pourquoi Colm ne veut plus être son ami et ne l’accepte pas. On éprouve des sentiments similaires quand on se fait plaquer dans une relation amoureuse. On pense: «Et alors? cette personne m’a-t-elle jamais aimé(e), ou est-ce que j’ai imaginé que nous étions amoureux?». C’est intéressant de voir vers qui le public va pencher. Pourront-ils comprendre la ligne dure adoptée par celui qui rompt ou vont-ils s’identifier au gars sympathique qui a le cœur brisé? », explique le réalisateur irlandais, Martin McDonagh

Celui-ci avait réalisé BONS BAISERS DE BRUGES en 2008 avec les mêmes acteurs Colin Farrell et Brendan Gleeson, et a connu la consécration (deux Oscars) avec son dernier film 3 BILLBOARDS: LES PANNEAUX DE LA VENGEANCE sorti en 2018.

Huit nominations aux Golden Globes

Pour ces BANSHEES D’INISHERIN, sélectionné en 2022 aux festivals de Toronto et de Venise (avec deux prix: meilleur acteur pour Colin Farrell, meilleur scénario), il a de nouveau été salué par la critique puisque le film arrive en tête des nominations (huit au total) pour les Golden Globes, les trophées de l’Association de la presse étrangère de Hollywood (HFPA), traditionnels avant-goût des Oscars et qui seront décernés le 10 janvier.

• LIRE AUSSI : « Le Parfum Vert » : Une comédie d’espionnage entre Tintin et Hitchcock

On aime ou on n’aime pas. Le film aborde des sujets graves et intimes (solitude, amitié, besoin de compagnie, différences de niveaux intellectuels, oisiveté, ennui, gentillesse et méchanceté, vieillesse) et comporte quelques moments profonds, quelques personnages intéressants (comme Siobhan, la sœur de Padraic, interprétée par Kerry Condon), quelques dialogues émouvants.

Triste, lugubre, pessimiste

Mais on s’ennuie, c’est triste à mourir, lugubre et pessimiste. Et surtout on a du mal à croire aux personnages, du gentil voire benêt Padraic à l’ombrageux et radical Colm, dont on ne saisit pas les motivations. Et dans cette version irlandaise du « You talking to me? », c’est surtout Colm, refusant que Padraic lui adresse la parole, qui s’embourbe au fil de l’histoire, sans explication, sans vraisemblance, sans que l’on arrive à imaginer ce qui lui passe par la tête et que l’on comprenne ses raisons.

Même le titre du film est abscons. Inisherin est une île fictive, le tournage a eu lieu sur les îles irlandaises d’Achill et d’Inishmore. Quant aux « banshees », il s’agit de fées du folklore irlandais dont le cri annonce une mort imminente, ici symbolisées par une vieille femme, fumeuse de pipe, qui fait office d’oracle funèbre.

Décors superbes

Dans ces décors d’île irlandaise superbes, la noirceur des caractères et l’atmosphère sinistre de l’histoire –à laquelle s’ajoute, tant qu’à faire, un épisode d’inceste pédophile homosexuel– incitent à penser qu’il y a mieux, ou en tout cas plus optimiste, pour finir l’année au cinéma (par exemple AVATAR-2 ou LE PARFUM VERT).

« Il n’y a plus de place pour l’ennui dans ma vie », affirme à un moment le personnage de Colm. Beaucoup de spectateurs pourront en dire autant en sortant de la salle.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Qui se souvient de la gentillesse des gens du XVIIe siècle? Absolument personne. On se souvient pourtant de leur musique. Tout le monde connaît Mozart, par exemple » (Brendan Gleeson).

• A voir :« LES BANSHEES D’INISHERIN » (« The Banshees of Inisherin ») (Irlande, 1h54). Réalisation: Martin McDonagh. Avec Colin Farrell, Brendan Gleeson, Kerry Condon (Sortie 28 décembre 2022)
• Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong