Sortie cinéma. Ce fut le film le plus attendu du dernier Festival de Cannes: « MEGALOPOLIS » (ce mercredi 25 septembre sur les écrans), que son réalisateur Francis Ford Coppola qualifie lui-même de « fable », est une vaste fresque politico-futuriste aussi lourde qu’ambitieuse –et réciproquement.
C’est, explique le synopsis officiel, « une épopée romaine dans une Amérique moderne imaginaire en pleine décadence ». Dans un avenir proche, New York a le nom de New Rome et voit s’opposer deux hommes ambitieux: l’architecte visionnaire César Catilina (Adam Driver) et le maire Franklyn Cicéron (Giancarlo Esposito).
Arrêter le temps
Le premier, artiste de génie qui a le pouvoir d’arrêter le temps et a inventé un matériau de construction révolutionnaire, rêve d’un avenir utopique et d’une cité idéale. Le maire, lui, est conservateur et protège les intérêts en place, la cupidité et les privilèges des puissants.
La fille du maire, la jet-setteuse Julia Cicéron (Nathalie Emmanuel), est tiraillée entre les deux hommes dans leur lutte pour le pouvoir. Elle va finir par choisir César Catilina, dont elle est amoureuse, pour l’aider dans son projet de rendre meilleur l’avenir de la ville –et de l’humanité…
Un projet des années 80
Coppola, 85 ans, qui porte ce projet depuis les années 80, explique que l’intrigue du film « s’inspire de sa découverte de la Conjuration de Catilina dont les événements ont eu lieu en 63 avant Jésus-Christ: un noble romain, Lucius Segius Catilina, projetait de renverser la République de Rome. Si son projet de coup d’État avait abouti, il aurait chassé du pouvoir la caste dirigeante et effacé l’endettement des classes inférieures –et le sien propre par la même occasion ».
Treize ans après son dernier film TWIXT, le réalisateur du PARRAIN et d’APOCALYPSE NOW était très attendu pour ce film qui est un peu le résumé de sa carrière, peut-être son testament cinématographique. Il a choisi la Rome antique comme métaphore de l’Amérique d’aujourd’hui, pour une histoire riche et confuse à la fois.
Fable ambitieuse
« Chacun sait que l’Amérique est la réincarnation moderne de la République romaine car nos pères fondateurs ne voulaient pas d’un roi, mais s’inspiraient plutôt du modèle républicain de la Rome antique », explique-t-il. « Quand on va à New York, on ne peut qu’être frappé par l’influence de l’architecture romaine. Mon intention était donc d’écrire une épopée romaine située dans un New York contemporain qui a cherché à reproduire la Rome antique ».
Ce MEGALOPOLIS est donc une fable ambitieuse, originale, mégalo, polymorphe, esthétique, délirante, avant-gardiste, mais souvent pompeuse, fourre-tout, désordonnée et globalement indigeste. Maître des horloges, César Catilina contrôle le temps mais le spectateur regarde souvent sa montre au fil de ce film de 2h18.
Personnages multiples
Les personnages sont multiples (on voit défiler Dustin Hoffman, Laurence Fishburne, Jon Voight, Shia LaBeouf), les décors démesurés, les dialogues parfois saugrenus, la réalisation d’une maîtrise impressionnante, les citations nombreuses (Marc Aurèle et autres): cette fable ne brille pas par sa modestie et sa simplicité. Mais peut-on reprocher à Francis Ford Coppola de manquer d’ambition, de vision, de grandeur, d’intensité, voire de mégalomanie?
« Ce film est bourré de tout, tout ce que j’ai aimé au cinéma depuis que je suis tout gamin », déclare-t-il dans une récente interview à Libération. « J’ai délibérément essayé de mettre dans ce film tout ce que j’ai vu dans les films, parce que ça vit en moi ».
Il retombe sur terre à la fin du film, avec un discours un peu grandiloquent de son personnage principal (l’humanité, le temps, la destinée, le courage…) et des bons sentiments. De quoi faire de MEGALOPOLIS, dit-il, « un film très optimiste qui fait confiance à l’être humain pour avoir le génie de régler n’importe quel problème auquel il est confronté ».
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : « En sautant dans l’inconnu, on prouve sa liberté » (Adam Driver).
- A voir : MEGALOPOLIS (États-Unis, 2h18). Réalisation: Francis Ford Coppola. Avec Adam Driver, Giancarlo Esposito, Nathalie Emmanuel (Sortie 25 septembre 2024)
Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong