Sortie cinéma/ »Mickey-17″. Non ce n’est pas du Disney. Dans son nouveau film MICKEY-17 (ce mercredi 5 mars sur les écrans), Bong Joon Ho, le réalisateur sud-coréen du très acclamé PARASITE, emmène les spectateurs dans l’espace avec un Robert Pattinson démultiplié qui, émouvant perpétuel, n’arrête pas de mourir et de ressusciter, encore et encore.
On est en 2054 et Mickey Barnes (Robert Pattinson), loser sympathique qui a fait faillite en ouvrant un magasin de macarons, fuit la planète pour échapper à ses créanciers mafieux: il s’engage dans un voyage intergalactique organisé par un politicien milliardaire et sa femme, Kenneth et Ylfa Marshall (Mark Ruffalo et Toni Collette), vers la planète glacée et inhospitalière Niflheim.
Petites lignes
Mais il n’a pas lu les petites lignes de son contrat: en partant pour cette aventure, il s’engage à devenir un « Remplaçable », quelqu’un qui va servir de cobaye aux scientifiques. Son ADN est enregistré et le double de son cerveau et de sa mémoire est conservé sous forme de brique, et à chaque fois qu’il meurt on le ressuscite grâce à une machine IRM/imprimante 3D. Mourir plus pour gagner plus: c’est son job.
Pendant le long voyage (quatre ans et demi) vers Niflheim, Mickey est tombé amoureux de Nasha (Naomi Ackie), agente de sécurité multifonctions –soldate, policière, pompier. En arrivant sur la planète gelée, peuplée d’étranges chenilles géantes, il sert régulièrement d’éclaireur « remplaçable » qui multiplie les missions mortelles. Il en est à sa 17e version quand un événement non prévu survient…
Tiré d’un roman
Adaptation d’un roman d’Edward Ashton parus en 2022, Mickey-7 (Ed. Bragelonne), c’est le 8e film de Bong Joon Ho, 55 ans, à qui les grands studios d’Hollywood (ici la Warner) ont ouvert grand les bras et les budgets après la consécration internationale que lui a valu son film précédent, PARASITE, première Palme d’or coréenne à Cannes en 2019 et quatre Oscars (film, film étranger, réalisateur, scénario original) l’année suivante.
Comme dans certains de ses films précédents (THE HOST, SNOWPIERCER, OKJA), il montre son attirance pour la science-fiction mais s’amuse à croiser les genres: MICKEY-17 est à la fois un film d’aventures futuristes mais aussi une satire sociale de la société actuelle et du capitalisme où le héros se tue au travail, au sens propre.
Faits divers coréens
Le personnage principal est tiré d’un roman mais « il m’a aussi fait penser à des faits divers coréens« , expliquait le réalisateur dans une interview à La Tribune Dimanche du 2 mars. « De jeunes ouvriers qui avaient des emplois difficiles et dangereux mouraient les uns après les autres. Leur mort a fait la une des journaux, tout le monde était triste et critiquait ces entreprises. Mais finalement ça continue: les employés sont juste remplacés par d’autres pour le même travail ».
Même chose dans le ton du film qui alterne, via la voix off de Robert Pattinson, angoisse existentielle et humour noir, dans une ambiance tour à tour grave et burlesque, sombre et drôle. C’est une histoire qui évoque le rapport à la mort, le rapport aux autres, l’identité, la mémoire et les souvenirs, et bien sûr l’amour.
Histoire d’amour
« Les personnages n’ont pas vraiment de but dans la vie et sont très seuls. Ils n’ont pas de famille, mais ils trouvent quand même l’amour », explique ainsi Bong Joon Ho. « Car le film raconte aussi l’histoire d’amour que vivent Mickey et Nasha. Le fait que des êtres qui ne se sont fixés nulle part puissent s’engager dans une relation stable est un aspect important de cette histoire ».
Robert Pattinson est bien sûr omniprésent, du début à la fin (le premier tiers vaut par son originalité, le reste du film par son suspense –mais tire un peu en longueur). Mais on est impressionné (et amusé) par Mark Ruffalo, qui en fait des tonnes dans les outrances du personnage de Kenneth Marshall, veule et autoritaire, symbole du capitalisme sans scrupules, qui écrase tout de son argent et de sa technologie, sorte de mélange entre Donald Trump et Elon Musk –le scénario a été écrit en 2022, mais comme souvent la science-fiction est visionnaire…
Divertissement très réussi
« Je ne recherche pas uniquement la satire politique à travers mes films. Je ne voudrais pas que le cinéma se réduise à une pure propagande », dit cependant le réalisateur. « J’essaie donc de faire des films à la fois stylisés et divertissants. MICKEY-17 s’inscrit dans cette démarche. Mais je crois que tout ce qui arrive à Mickey, sa situation et la manière dont il est traité comportent une dimension politique. Il s’agit de dignité humaine ».
Pas tout à fait au même niveau que PARASITE, ce MICKEY-17 très attendu n’en est pas moins un divertissement très réussi, qui donne à la fois à réfléchir, à frissonner et à rire. « Il s’agit d’un film de science-fiction, mais c’est aussi une comédie et un récit très émouvant, et j’espère donc que le public appréciera le film pour cela aussi », ajoute Bong Joon Ho. « Après la projection, j’espère qu’ils repenseront à ce qui fait de nous des êtres humains et à ce qu’on doit mettre en place pour rester humains –ne serait-ce qu’en prenant trois minutes pour le faire! »
Rebondissement
Deux derniers conseils aux futurs spectateurs, pour finir: éviter de regarder la bande-annonce et de lire la plupart des critiques qui vendent la mèche de ce rebondissement dans le scénario qui survient au bout de 45 minutes et transforme toute l’histoire. Et ne pas attendre que le film passe sur Canal+ ou sur une plate-forme: préférer aller le voir sur grand écran dans une vraie salle de cinéma.
C’est bien sûr l’avis du réalisateur: « On vit à l’époque du streaming, mais il y a encore des émotions qu’on ne peut ressentir qu’en voyant un film sur un grand écran, dans une salle de cinéma. Bien entendu, le grand écran se prête très bien aux espaces intergalactiques et aux créatures extraterrestres, mais je crois aussi que c’est très fort d’observer les expressions subtiles des comédiens en gros plan sur un grand écran. Le visage humain décrit un paysage à part entière ». On est 17 fois d’accord.
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : « Il va falloir vous habituer à mourir. C’est votre job » (la responsable du contrat de Mickey, au début de son voyage).
- A voir : « Mickey-17 » (États-Unis, 2h17). Réalisation: Bong Joon Ho. Avec Robert Pattinson, Naomi Ackie, Mark Ruffalo (Sortie 5 mars 2025)
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