Sortie cinéma. C’est le film le plus attendu de cette fin d’année. Dans son « NAPOLÉON » (ce mercredi 22 novembre sur les écrans), Ridley Scott dresse un portrait de l’empereur des Français à deux facettes: l’homme public et l’homme privé.
« Napoléon » : un film magistral, un grand spectacle au souffle historique sans temps mort
Ce biopic impérial du réalisateur britannique d’ALIEN, BLADE RUNNER ou THELMA ET LOUISE alterne ampleur et intimisme: d’un côté les épisodes militaires et politiques de la vie de Napoléon, de l’autre ses états d’âme sentimentaux. Austerlitz et Waterloo côté pile, Joséphine côté face. La guerre et l’amour.
Au pas de charge, les péripéties, événements, grandes dates et batailles se succèdent: la Révolution, la décapitation de Marie-Antoinette, la Terreur, Robespierre, puis le siège de Toulon en 1793 contre les royalistes et les Anglais, où le jeune Napoléon Bonaparte (Joaquin Phoenix), capitaine d’artillerie, se fait remarquer par son génie militaire.
L’Histoire se déroule
Il matera ensuite l’insurrection royaliste de 1795 à Paris et sera nommé général. Et l’Histoire se déroule: les campagnes d’Italie et d’Egypte, le Directoire, la marche vers le pouvoir avec le coup d’État contre le Directoire, le poste de Premier consul, puis le sacre comme empereur le 2 décembre 1804, Austerlitz, la campagne de Russie, l’exil à l’île d’Elbe, son retour, Waterloo, le nouvel exil à Saint-Hélène en 1815, sa mort en 1821 à l’âge de 51 ans.
Le film dure 2h39 mais paraît bien court pour raconter, en accéléré, la vie de Napoléon, dans l’ordre chronologique, avec un petit côté L’Histoire-de-France-pour-les-Nuls. Surtout que Ridley Scott accorde autant d’importance, sinon plus, à l’autre aspect du portrait qu’il dresse: celui de l’homme privé, éperdument amoureux de Joséphine de Beauharnais (Vanessa Kirby).
Regard de braise
Il la rencontre lors d’une soirée en 1795. Décolleté avantageux et regard de braise, elle se laisse approcher par ce militaire timide et fasciné. Elle est veuve d’un général de l’armée du Rhin guillotiné sous la Terreur alors qu’elle était emprisonnée, et mère de deux jeunes enfants. Napoléon et Joséphine se marient quelques mois après leur rencontre, mais on connaît la suite: incapable d’avoir un enfant, le couple divorce en 1809. L’empereur épousera en 1810 l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, qui lui donnera un fils 11 mois plus tard.
Ridley Scott a fait de cette passion tourmentée de Napoléon pour Joséphine le cœur de son film, le fil rouge de sa narration. « Je pense que Joséphine ne l’aimait pas. Elle le respectait, très certainement. Il était différent en privé et en public, et c’est devenu le centre de l’histoire du film », expliquait le réalisateur dans une récente interview au mensuel Première. « Évidemment il y a des batailles, il y a Waterloo… Il y a ces véritables massacres, comme Austerlitz où 2.000 gars se noient dans un lac gelé! Mais l’histoire est ailleurs ».
Un film magistral
Décors, costumes, figurants, chevaux, canons: NAPOLÉON, film à gros budget, impressionne par les reconstitutions, notamment les batailles d’Austerlitz et de Waterloo. On a reproché à Ridley Scott certaines inventions historiques (la présence de Bonaparte à la décapitation de Marie-Antoinette, son ordre de tirer sur les Pyramides), mais son savoir-faire dans les scènes d’ampleur éclabousse l’écran. Les images du sacre, par exemple, rappellent le célèbre tableau du peintre David.
C’est un film magistral, un grand spectacle au souffle historique sans temps mort. Les séquences plus intimes entre Napoléon et Joséphine et la passion tumultueuse de l’empereur pour la femme de sa vie, aspect plus personnel de la vision du réalisateur britannique, emportent moins l’adhésion.
Joaquin Phoenix tourmenté
Jaloux, immature, colérique, fou d’amour, tyrannique, malheureux, empereur qui devient petit garçon devant les admonestations de son épouse: le personnage paraît parfois ridicule, outré. Joaquin Phoenix, qui retrouve Ridley Scott 23 ans après GLADIATOR, est ici dans le droit fil des personnages tourmentés qu’il a souvent interprétés comme, ces dernières années, le vétéran troublé et violent de A BEAUTIFUL DAY (qui lui valut le Prix d’interprétation à Cannes en 2017), l’un des deux tueurs à gages des FRÈRES SISTERS (2018) ou le pire ennemi de Batman, le JOKER (2019).
Face à lui, l’actrice britannique Vanessa Kirby, vue dans les deux derniers MISSION: IMPOSSIBLE (FALLOUT et DEAD RECKONNING PARTIE-1) dans le rôle de la méchante Alanna Mitsopolis alias « la Veuve Blanche », en fait elle aussi un peu trop. Dominatrice, délurée, frivole, infidèle, sensuelle, amoureuse qui mène parfois son empereur de mari par le bout du nez, elle prend une place importante dans le film –celle qu’elle a eue, pense Ridley Scott, dans la vie de Napoléon.
La face cachée de l’empereur
Celui-ci, finalement décrit comme quelqu’un qui aimait la France avant tout et voulait la paix avec ses voisins européens, était un génie militaire et un homme d’État hors du commun. Mais Ridley Scott a insisté sur la face cachée de l’empereur, ses faiblesses, ses hésitations, ses interrogations sentimentales. « Faire un film simplement sur un génie de la stratégie et de la guerre ne me suffisait pas. Il fallait qu’il y ait autre chose », expliquait le réalisateur britannique dans son interview à Première.
Car « au bout d’un moment, l’action, ça devient ennuyeux. OK, c’était un superhéros, mais pas un superhéros à la noix qui allait sauver le monde, mais bien s’en emparer. Je voulais trouver son côté vulnérable –quel que soit le film que tu fais, quel que soit son aspect visuel, la force d’un film, son moteur, ce sont les personnages, les personnages, les personnages. Tout le reste n’est que de l’enrobage ».
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : « Je ne suis pas comme les autres hommes » (Napoléon, à Joséphine).
A voir : « NAPOLÉON » (Grande-Bretagne, 2h39). Réalisation: Ridley Scott. Avec Joaquin Phoenix, Vanessa Kirby, Tahar Rahim (Sortie 22 novembre 2023)
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