"L’Île d’Or" : à voirau TNP de Villeurbanne jusqu’au 26 juin. (Photo) Progrès /Michèle Laurent

Théâtre. Les Nuits de Fourvière et le TNP accueillent à Villeurbanne « L’Île d’Or », la dernière création du Théâtre du Soleil d’Ariane Mnouchkine. Cet événement majeur de l’année où Villeurbanne est la capitale française de la culture, connaît un succès public incontestable, comme We Culte a pu le constater sur place. A voir jusqu’au 26 juin.


« L’Île d’Or » à Villeurbanne : le Théâtre du Soleil met le Japon à l’honneur


"L’Île d’Or" tnp villeurbanne
« L’Île d’Or » met le japon à l’honneur © Michèle Laurent

Il y a (au moins) deux façons de partir en voyage. On peut s’y préparer studieusement en consultant attentivement les meilleurs guides. On peut choisir l’aventure et se laisser embarquer au risque parfois de se perdre dans des territoires inexplorés. Avec « L’Île d’Or » que le Théâtre du Soleil présente en ce moment à Villeurbanne, c’est un peu ce choix qu’il faut faire.

Si on fait le pari de l’aventure, on va parfois se perdre dans un texte qui doit beaucoup à Hélène Cixous dont la participation « harmonieuse » est mise en avant dans la présentation du spectacle.

On sera d’abord surpris par la présence tout au long de la soirée d’une femme qui quitte rarement son lit et qu’on suppose atteinte d’une grave maladie. Certains critiques ont cru y voir le double d’Ariane Mnouchkine se préparant peut-être à une retraite légitime. Cette hypothèse est assez invraisemblable et on peut s’attendre à ce que cette annonce sera faite, le jour venu, d’une toute autre façon.

En tout état de cause, si cette présence intrigue, elle ne détourne pas la regard du spectateur qui est embarqué dans un tourbillon époustouflant de scènes aux significations multiples. On a l’impression de voyager dans un théâtre mondialisé où le Japon occupe une place majeure. Le spectacle nous entraîne aussi en Afghanistan, au Liban, en Palestine tout comme au Brésil et en Chine qui sont représentés par des troupes de théâtre invitées pour un festival au Japon sur cette Ile d’Or qui donne son nom au spectacle.

Ce parcours internationalisé aborde un grand nombre de thèmes. On y découvre une approche très géopolitique de l’actualité en Extrême Orient. Le combat pour la démocratie à Hong-Kong est très clairement mis en avant et se conclut par un hymne qui pourrait être celui des manifestants démocrates hong-kongais.



L’actualité de la pandémie est venue façonner l’écriture et la mise en forme de ce spectacle et elle y a été introduite astucieusement avec un débat amusant entre experts et décisionnaires politiques. On peut d’ailleurs se demander si c’est la COVID qui a frappé cette femme évoquée précédemment, replaçant ainsi tout le spectacle dans le contexte sanitaire dans lequel il a été mis au monde.

La contestation de l’implantation d’un casino au détriment de l’environnement est aussi une claire évocation des combats écologiques qui touchent la planète en bien des endroits. Des politiciens, des hommes d’affaires et peut-être des maffieux s’affrontent ou nouent des alliances dans une ambiance où le burlesque s’ajoute à la caricature.

C’est en effet sous une forme de farce que ces scènes sont traitées le plus souvent, s’inspirant dit-on d’une forme de théâtre qui se pratique au Japon mais se rapproche aussi d’une commedia dell’ arte plus occidentale. Au Théâtre du Soleil on ne se prend pas au sérieux pour aborder les sujets les plus graves de notre temps.

"L’Île d’Or" tnp villeurbanne
© Michèle Laurent

Et tout se passe à un rythme sans retenue, avec la grande maîtrise de la troupe pour s’engager collectivement dans les rapides changements de décor et offrir aux acteurs de magnifiques occasions de mouvements et d’actions qui ont toujours fait la force de ce collectif.

Ce regard est celui de l’aventurier qui se laisse embarquer, croit parfois se perdre et puis retrouve un sens dans cette incroyable moment de théâtre. Mais quand on se penche avec un peu d’attention sur ce qui est dit de la généalogie de ce spectacle, on découvre bien d’autres significations. On apprend d’abord que pour Ariane Mnouchkine c’est une sorte de retour aux sources. En effet, toute jeune, en 1963, elle se rend au Japon et y découvre une pratique du théâtre qui l’enthousiasme. De retour en France, elle crée en 1964 le Théâtre du Soleil.



Avec « L’Île d’Or » c’est le Japon qu’elle met à l’honneur et la pièce se situe très précisément sur une île réelle où le théâtre est roi. C’est sur cette île qu’Hélène Cixous et Ariane Mnouchkine rêvent d’un festival et y invitent des troupes venant du monde entier. Cet événement doit, disent-elle, « tenter d’éclairer le chaos du monde et d’illuminer les nids et les coins de bonheur et de promesse ».

Proposer ce spectacle à Villeurbanne et en faire un événement majeur de cette année où la ville est la capitale française de la culture, est un choix plein de sens. Ce rêve fou qui se joue sur la scène du TNP n’est-il pas aussi celui des acteurs de cette généreuse programmation qui fait vivre la culture  ous toutes ses formes, un an durant, à Villeurbanne.

Yves Le Pape

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