Théâtre Avignon. Le Festival In s’est achevé à Avignon avec « Sonoma » dans la Cour d’Honneur. La plupart des salles prolongent le OFF jusqu’à la fin de la semaine. L’occasion de découvrir quelques unes des pièces marquantes comme « L’homme qui dormait sous mon lit » de Pierre Notte au Théâtre des Halles, un des lieux les plus agréables du Off où se donnait « Lawrence d’Arabie », notre coup de cœur de cette édition. Au Théâtre des Corps Saints, « Les Vivants » évoquent avec force le Bataclan et les traumatismes provoqués par le massacre de 2016. Enfin, au Théâtre des Lucioles, « Insatiables » dresse un portrait sévère mais pertinent de l’ère du tout-écran.
« L’homme qui dormait sous mon lit »
Ce texte est écrit et mis en scène par Pierre Notte, auteur, comédien, compositeur et metteur en scène. Nommés de nombreuses fois aux Molière en tant qu’auteur, il en a été le lauréat en 2006 pour « Moi aussi je suis Catherine Deneuve ». Il fait également partie de l’équipe du Théâtre du Rond-Point à Paris.
Il présente à Avignon une fable grinçante qui traite de l’accueil des migrants dans un pays imaginaire où l’on bénéficie d’une prime si l’on accepte d’en recevoir un chez soi. Mais on peut bénéficier d’une allocation supplémentaire si l’on arrive à convaincre cette personne à se suicider. Cette fable macabre porte un regard très sévère sur une question d’une actualité brûlante. Pierre Notte n’a pas peur de la caricature mais son texte comme sa mise en scène sont pleins de trouvailles, dont les trois acteurs s’emparent avec justesse et un vrai engagement.
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« Les Vivants »
Jean-Philippe Daguerre est une nouvelle fois présent dans le Off. On le retrouve en effet dans cinq salles en tant qu’auteur et/ou metteur en scène. Il revient avec « Adieu Monsieur Hoffman », très justement moliérisé, et pour « Les Vivants, une forte mise en scène d’un texte autobiographique de Fanny Chasseloup. Sa pièce rend compte du traumatisme vécu à la suite du massacre du Bataclan en 2016.
Mouss et Léo forme un couple attachant. Ils ont 30 ans et sont tous les deux musiciens. C’est un couple de son temps avec les problèmes d’aujourd’hui et en particulier leur différence en matière de désir d’enfant. Le 13 novembre ils ont prévu d’aller écouter Patti Smith à l’Olympia mais le concert est annulé. Ils décident donc de se retrouver avec des amis au Bataclan pour le concert des Eagles Death Metal.
On entre alors dans le véritable sujet de la pièce. Léo fait partie des blessés et il est installé sur un lit d’hôpital au fond de la scène, vraisemblablement dans un coma profond. Mouss se retrouve seule à vivre avec cette absence et ce traumatisme qui l’envahit. On assiste à ses séances d’analyse et à sa relation avec le traumatisme qui est représenté par un acteur à la présence très dérangeante. Le texte de Fanny Chasseloup explore avec force à la fois le récit de l’évènement vécu par Mouss au Bataclan et toute l’évolution de son vécu post-traumatique. Julie Cavanna est une actrice magnifique et elle empoigne ce rôle avec une conviction impressionnante. En 2018 elle était primée aux Molière en tant que révélation féminine pour son rôle dans « Adieu Monsieur Hoffman ». La mise en scène de Jean-Philippe Daguerre lui donne une fois encore l’occasion d’exprimer son immense talent.
« Insatiables »
Cédric Chapuis et sa Compagnie Scènes Plurielles fait partie de la nouvelle équipe des trois compagnies qui a racheté le Théâtre des Lucioles à Avignon afin, disent-elles de se «réapproprier leur outil de travail». Il s’est fait connaître par « Une vie sur mesure », un seul en scène présenté au Off en 2013 et nommé au Molière en 2016. Depuis, il a écrit et interprété plusieurs spectacles avec l’actrice Margot Mouth.
C’est aux Lucioles qu’ils présentent cette année « Insatiables », mis en scène par Stéphane Battle: l’histoire d’un couple amoureux au temps des écrans et des réseaux sociaux. Les acteurs n’ont pas de texte à interpréter car le spectacle repose exclusivement sur du mime et des onomatopées. Ils font vivre des situations qui paraissent d’abord drôles et l’on peut rire de cette vision caricaturale de la vie d’un couple qui tombe sous la coupe de ses smartphones. Chacun pourra s’y reconnaître de façon plus ou moins évidente. Mais la comédie devient de plus en plus glaçante et l’on sent bien que la recherche effrénée des likes de Facebook, comme les achats compulsifs sur Amazon plombe de plus en plus la vie du couple.
On se gardera ici de dévoiler la conclusion de cet envahissement. Une chose est sûre : Cédric Chapuis et Margot Mouth nous tendent un miroir sans doute déformant, mais d’un réalisme efficace. Ils jouent leur spectacle avec une folle énergie et c’est un public enthousiaste qui salue leur étonnante performance.
Yves Le Pape
- « L’homme qui dormait sous mon lit » jusqu’au 31 juillet à 21h30 au Théâtre des Halles, 4 rue Noël Biret, Avignon (tel : 04 32 76 24 51). Au Théâtre du Rond-Point à Paris en mai/juin 2022 : https://cutt.ly/4Qt3OLk
- « Les vivants » jusqu’au 31 juillet à 21h au Théâtre des Corps Saints, 76 place des Corps Saints à Avignon (tel : 04 90 16 07 50). Le site de Les vivants : https://www.pony-production.com/les-vivants
- « Insatiables » jusqu’au 31 juillet à 15h30 au Théâtre des Lucioles, 10 rue du Rempart Saint Lazare à Avignon (tel : 04 90 14 05051). Le site d’Insatiables : https://www.scenesplurielles.fr/nos-spectacles-1/insatiables/