3 livres indispensables. Pour cette semaine de lecture, trois suggestions. On commence avec « La Flèche du temps » du britannique Martin Amis, décédé en 2023, et la réédition d’un de ses grands romans paru en 1991. On enchaîne avec ce qui est présenté comme le dernier volet de « l’odyssée sociale » d’Edouard Louis qui avec « L’Effondrement », évoque son frère, victime sociale anéantie par l’alcool à 38 ans. On boucle avec l’Américain Colson Whitehead et un roman « La Règle du crime » qui, dans le New York des années 1970, nous fait à nouveau croiser son anti-héros, petit vendeur de meubles « légèrement voyou ».
3 livres indispensables : « La Flèche du temps » de Martin Amis; « L’effondrement » de Edouard Louis et « La règle du crime » de Colson Whitehead
MARTIN AMIS : « La Flèche du temps »
Paru originellement en 1991 (deux ans plus tard en VF), voici à nouveau en librairies un des textes essentiels de celui qui fut, jusqu’à sa mort en 2023, l’un des écrivains britanniques contemporains parmi les plus audacieux, mêlant ironie, humour et fantaisie.
Des ingrédients que l’on retrouve donc dans « La Flèche du temps ». Au cœur du roman, l’histoire de Tod Friendly, il fut un brillant médecin, et tout débute quand tout devrait s’achever. Friendly se réveille de sa mort, il découvre un monde qui va à reculons.
Ainsi, selon le principe que les hommes commencent par mourir, sont vieux puis rajeunissent peu à peu, il se couche le matin et se lève le soir, puis nous voilà dans son cabinet médical, les patients y parlent à l’envers et souffrent après avoir été soignés. Ainsi, les personnes se quittent avant de s’être rencontrées… et le phénomène le touche, lui aussi- même s’il n’a pas la moindre prise sur sa propre vie et constate : « Le temps s’est mis à passer sans que je puisse le suivre ».
Ainsi, par un procédé littéraire qui, en soi, n’a rien d’extraordinaire- le retour dans le temps, Martin Amis emmène Tod Friendly de New York au camp d’Auschwitz là où, de ses mains, il ramène à la vie les morts… Et c’est ainsi que Tod Friendly fut grand…
- « La Flèche du temps » de Martin Amis. Traduit par Géraldine Koff D’Amico. Calmann-Lévy, 176 pages, 19,50 €.
EDOUARD LOUIS : « L’Effondrement »
Il se dit qu’on a là le dernier chapitre de ce que son auteur tient pour son « odyssée familiale ». A 32 ans, Edouard Louis revient, en cette année 2024, une deuxième fois en librairie avec « L’Effondrement », après avoir publié « Monique s’évade » en avril dernier.
La mère au printemps, le frère cet automne. On lit : « Mon frère a passé une grande partie de sa vie à rêver », et aussi : « À 38 ans, après des années d’échecs et de dépression, il a été retrouvé mort sur le sol de son petit studio ».
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Un frère né d’un premier mariage de sa mère et qu’Edouard Louis a peu connu, une plongée encore dans le monde des « gens de peu », des personnes qui sont résignées et d’autres qui rêvent de liberté- Edouard Louis, la mère et le frère ayant chacun sa définition de cette liberté.
Ainsi, ce frère s’imaginait « un artisan mondialement connu, qu’il voyagerait, qu’il ferait fortune, qu’il réparerait des cathédrales ». Ce ne fut pas le cas, il y eut la violence sociale- et la plongée dans l’alcool. Et enfin, l’effondrement.
Dans ce texte implacable, l’auteur d’« En finir avec Eddy Bellegueule » (2014) ne manque pas de rappeler que ce frère était violent et homophobe- ce qui l’a amené à la psychologie pour (tenter) de comprendre comment et pourquoi un homme s’est effondré…
- « L’Effondrement » d’Edouard Louis. Seuil, 240 pages, 20 €.
COLSON WHITEHEAD : « La Règle du crime »
Pour la presse anglo-saxonne, aucun doute : Colson Whitehead est bien, à 54 ans, le romancier-caméléon de la littérature US du moment. Après « Harlem Shuffle » (2021), il revient à New York avec « La Règle du crime ».
Une fois encore, entre rythme de folie et satire sociale, ça déménage à tous les étages ! Un des rares écrivains à remporter deux fois le prix Pulitzer de la fiction (« Underground Railroad », 2017, et « Nickel Boys », 2020), il remet en piste son anti-héros de « Harlem Shuffle », Ray Carney qui vient de passer « quatre ans sur le droit chemin ».
Et voilà qu’en 1971, un concert des Jackson Five (le groupe de Michael Jackson et ses frères) est programmé à New York, cette ville qui alors croule sous les ordures et est prise dans un conflit entre la police et la Black Liberation Army. Ray Carney, petit vendeur de meubles et « légèrement voyou », veut offrir à sa fille May une place pour le concert- ça relève de mission impossible.
Alors, il contacte Munson, un inspecteur blanc pourri corrompu au plus haut niveau. Celui-ci lui laisse entendre que l’affaire est jouable… à la condition que Carney lui renvoie l’ascenseur avec une mallette remplie de bijoux volés. Pour faire plaisir à sa fille avec un place de concert, Carney va-t-il replonger ? Est-ce la règle du crime ?…
- « La Règle du crime » de Colson Whitehead. Traduit par Charles Recoursé. Albin Michel, 466 pages, 22,90 €.
Serge Bressan