rouge Farid Bentoumi
En prenant le poste d'infirmière dans l'usine de son père, Nour (Zita Hanrot) va s'apercevoir que celui-ci (Sami Bouajila) lui ment sur l'état de santé de certains ouvriers (©Ad Vitam Distribution/Les Films Velvet/Les Films du Fleuve).

Cinéma. Se taire ou trahir sa famille: dans le film « Rouge » (ce mercredi 11 août sur les écrans), c’est le dilemme d’une jeune infirmière qui, fraîchement embauchée dans l’usine chimique où son père est délégué syndical, s’aperçoit que celui-ci a couvert, pour préserver l’emploi, des irrégularités sur des rejets polluants, des dossiers médicaux trafiqués ou des accidents dissimulés.


« Rouge » est très militant, un militantisme social et écologiste empreint de sincérité mais qui s’alourdit –notamment dans les dialogues– au fil du récit. Cela n’empêche pas le film d’être convaincant dans la démonstration et dans l’allusion aux faits réels


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Zita Hanrot et Sami Bouajila dans « Rouge » de Farid Bentoumi (©Ad Vitam Distribution/Les Films Velvet/Les Films du Fleuve).

Tout commence quand Nour (Zita Hanrot), aide-soignante à l’hôpital de Montpellier, surmenée et affolée, se retrouve impliquée dans le décès d’une patiente âgée. Pour lui trouver un nouveau poste, son père Slimane (Sami Bouajila) la fait engager comme infirmière dans l’usine chimique dans laquelle il travaille depuis 29 ans.

Délégué syndical respecté

Chef d’équipe et délégué syndical, il est respecté autant par ses collègues que par le patron de l’usine (Olivier Gourmet) et par son futur gendre, lui aussi salarié de l’usine. Et aussi par sa fille, qui l’aime pour sa bienveillance au sein d’une famille unie et l’admire pour sa persévérance professionnelle.

Mais un jour, l’accident d’un intérimaire chargé de traiter des déchets toxiques provoque le premier désaccord entre eux: le père annonce à sa fille que l’accident ne sera pas déclaré. Raison invoquée: l’usine, pilier de l’économie locale, qui emploie plus de 200 personnes, doit recevoir prochainement la visite d’une commission chargée de statuer sur le maintien de son activité.


Cinéma. « Rouge »: Un thriller écolo-syndical inspiré de faits réels


Mensonges et dissimulations

Peu à peu, Nour va découvrir, à son poste d’infirmière, que son père se bat depuis des années pour le maintien de l’emploi mais au prix de mensonges et de dissimulations sur les rejets toxiques de l’usine et les dossiers médicaux de nombreux employés. La jeune femme va donc aider une journaliste (Céline Sallette) à enquêter pour trouver des preuves de ces malversations…

Sélectionné pour le Festival de Cannes 2020

Le film, qui faisait partie de la sélection officielle virtuelle du Festival de Cannes 2020 (annulé pour cause de pandémie), se termine par la phrase « Inspiré de faits réels », l’affaire des boues rouges de l’usine Alteo de Gardanne (Bouches-du-Rhône), qui a mis dans l’embarras le gouvernement en 2016 et continue d’avoir des répercutions.

« En me documentant sur ces questions de déchets, je suis tombé sur l’histoire de l’usine de Gardanne qui rejette ses déchets toxiques dans la Méditerranée, des boues rouges. Cela fait plusieurs années que le gouvernement et la préfecture leur demandent d’arrêter de polluer la mer. Mais cette usine, c’est aussi 500 emplois à la clé, ce qui n’est pas rien dans un endroit comme Gardanne déjà marqué par le chômage », explique le réalisateur, Farid Bentoumi, 45 ans.



Deuxième film

Après plusieurs années comme acteur au théâtre et dans des téléfilms et comme metteur en scène de théâtre, « Rouge » est son deuxième film comme réalisateur. Le premier, le très attachant « Good Luck Algeria » (2016), était une comédie sociale inspirée déjà d’une histoire vraie: la participation de son frère aux Jeux Olympiques d’hiver 2006 pour l’Algérie, avec déjà dans le rôle principal Sami Bouajila.

« Je suis issu d’un milieu populaire et je n’ai pas eu de formation théorique en cinéma. J’ai vécu dans le milieu ouvrier, j’ai fait des grèves et des blocages d’usines avec mon père, délégué syndical et ma mère, syndicaliste dans l’enseignement. Je m’en suis servi pour « Rouge », dit-il.  

« Ce film porte une dimension autobiographique. Les usines qui polluent, qui ferment, les ouvriers qui doivent déménager du jour au lendemain, le chômage, les 3×8, on a vécu tout ça. Mon père est parti à la retraite à cause d’un accident du travail, certains de ses amis sont morts de l’amiante… Je n’ai pas fait « Rouge » en enquêtant de loin sur la condition ouvrière, c’est du vécu ».

Très militant

Cela explique que le film est très militant, un militantisme social et écologiste empreint de sincérité mais qui s’alourdit –notamment dans les dialogues– au fil du récit, même quand la forme vire au thriller, avec suspense dans la dernière demi-heure (malgré une fin cousue de fil… rouge). Cela n’empêche pas le film d’être convaincant dans la démonstration et dans l’allusion aux faits réels: « Rouge » n’est pas sans rappeler parfois des films américains du même genre, comme « Promised Land » (2013) de Gus Van Sant sur le gaz de schiste ou « Dark Waters » (2020) de Todd Haynes sur le scandale du Téflon.

Et si les personnages secondaires (le patron de l’usine Olivier Gourmet, la journaliste écolo Céline Sallette) ont des airs de déjà-vu et sont présentés de manière simpliste voire caricaturale, c’est le couple d’acteurs Zita Hanrot/Sami Bouajila qui, par son jeu très juste, donne sa crédibilité au film, paradoxalement davantage dans leurs rapports familiaux que dans leur affrontement professionnel.



Le chômage ou la maladie

rouge farid bentoumiCésar 2021 du meilleur acteur pour son rôle dans « Un Fils », Sami Bouajila est impeccable dans ce rôle de délégué syndical sympathique et courageux, qui se bat pour les autres mais sans se rendre compte qu’il subit ce que lui dicte l’usine, sans pouvoir sortir de son dilemme depuis des années: emploi contre santé, le chômage ou la maladie.

César 2016 du meilleur espoir féminin pour « Fatima » et vue récemment dans « La Vie Scolaire » (où elle interprète le rôle de conseillère principale d’éducation dans un collège « difficile » de Saint-Denis), Zita Hanrot est elle aussi remarquable, écartelée entre respect pour son père et respect pour son travail, entre amour et vérité. « Le chien ne mord pas la main qui le nourrit » lui dit son père. « Je ne suis pas un chien, papa » lui répond-elle.

Jean-Michel Comte

LA PHRASE

« Y’a quoi, là, qui sort des tuyaux de l’usine? » (Zita Hanrot, à un employé de l’usine, qui ne veut pas lui répondre).


cinégong logoA voir : « Rouge » (France, 1h28) Réalisation: Farid Bentoumi. Avec Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette (Sortie 11 août 2021)

  • Retrouvez cette chronique ainsi que l’ensemble des sorties cinéma de Jean-Michel Comte sur le site Cinégong

 

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