[Sortie cinéma] C’est l’un des films français les plus haletants de la rentrée, au suspense intense: « Kompromat », tiré d’une histoire vraie, sort ce mercredi 7 septembre avec en tête d’affiche Gilles Lellouche dans le rôle d’un Français piégé par les services secrets russes.
« Kompromat » : Gilles Lellouche piégé par les services secrets russes
Le film commence par une séquence où on le voit courir dans une forêt, avec à ses trousses un homme qui lui tire dessus. Puis retour en arrière, cinq mois plus tôt: on est en 2017, Gilles Lellouche interprète Mathieu Roussel, directeur de l’Alliance française à Irkoutsk, en Sibérie centrale, près du lac Baïkal et de la frontière avec la Mongolie, à 4.000 kilomètres à l’est de Moscou.
Arrêté et emprisonné
Mathieu Roussel est marié et a une fille de six ans. Un matin, alors que sa femme est au yoga et que leur fillette beurre des tartines en attendant la nounou, surgit dans l’appartement un commando d’hommes en noir qui l’enlève. Il est emmené devant un juge d’instruction puis jeté en prison.
On l’accuse de diffusion de documents pédopornographiques sur Internet et d’attouchements sur sa fille. Une représentante de l’ambassade de France lui apprend que sa femme a témoigné contre lui et est rentrée en France avec leur fille. Le couple battait de l’aile depuis un certain temps mais « je suis innocent », hurle Mathieu Roussel.
S’évader du pays
En attendant son procès, il est libéré avec bracelet électronique, assigné à résidence chez lui avec deux heures de sortie autorisée par jour, pas d’Internet et pas d’appels internationaux pour son téléphone, sur écoutes.
Selon son avocat, il n’a aucune chance d’échapper à une lourde peine de prison et n’a plus qu’une solution: s’évader du pays. Pour cette mission impossible, dans laquelle l’ambassade de France refuse de l’aider, il ne pourra compter que sur le soutien d’une amie d’Irkoutsk, Svetlana (Joanna Kulig) –dont le beau-père est le chef local du FSB, le successeur du KGB…
Histoire vraie
Le mot russe « kompromat » désigne un ensemble de documents (vrais ou faux) utilisés par les autorités ou les services secret pour nuire à un individu (opposant, personnalité politique, journaliste, homme d’affaires, etc.). Un panneau au début de KOMPROMAT précise que « ce film et ses personnages sont très librement inspirés de faits réels »: il s’agit de l’histoire de Yoann Barbereau, victime de ce piège tendu par les Russes en 2015 (le rappel des faits est à lire ici).
« Le film est très librement inspiré d’une histoire vraie qui est arrivée à un Français vivant en Russie mais ce «kompromat» qui donne son nom au film est une arme classique en Russie. Quand on veut se débarrasser de quelqu’un, on le compromet par des accusations montées de toutes pièces, souvent terribles… Il y a des dizaines d’histoire de ce type. C’est juste qu’en général elles concernent uniquement des Russes. Et là, pour une fois, un étranger s’est retrouvé pris au piège », explique le réalisateur, Jérôme Salle.
Fossé culturel
C’est son 6e film, après notamment les thrillers ANTHONY ZIMMER et les deux LARGO WINCH, et le biopic L’ODYSSÉE sur le commandant Cousteau.
Il est allé en Russie pour la promotion de ses films précédents, et a été marqué par le fossé culturel qui existe encore entre les sociétés russe et occidentales: « Le rapport à la violence, à la force physique, n’est pas le même que dans les démocraties occidentales. Il y a un vrai fossé culturel. J’ai aussi parfois vu le mépris (il n’y a pas d’autre mot) avec lequel certains Russes nous regardent, nous autres Occidentaux… Pour eux, nous sommes des gens dépravés, décadents, faibles, qui se laisseront cueillir comme un fruit mûr le jour où ils le décideront ».
Tourné en Lituanie
Ce sentiment est exprimé par une séquence, dans le film, qui va aggraver le cas de Mathieu Roussel: celui-ci fait jouer à l’Alliance française à Irkoutsk, devant les notables et militaires locaux, un spectacle de théâtre dans lequel deux danseurs masculins presque nus s’embrassent et se caressent. « Pédés », « dégénérés de l’Occident », grommellent entre eux des militaires et hommes du FSB…
Le film a été tourné en Lituanie, bien avant l’attaque militaire de la Russie contre l’Ukraine. « Aujourd’hui avec la guerre en Ukraine, j’ai la sensation que le contexte actuel a totalement rattrapé cette fiction sur laquelle nous avons commencé à travailler il y a presque quatre ans… », dit Jérôme Salle, qui estime que « le conflit actuel qui se déroule en Ukraine est profondément culturel. Ce sont deux visions du monde qui s’affrontent… »
Méchants Russes
Dans le film les Russes ne sont donc pas décrits sous leur meilleur profil, ce sont les méchants (mais pas tous) qui courent après le gentil Français. Tout n’est pas toujours très crédible dans le scénario mais Gilles Lellouche met toute son énergie dans ce film dont le suspense ne faiblit jamais et tient le spectateur en haleine, au rythme soutenu et à la réalisation très efficace. Du travail bien fait.
Très présent sur les écrans ces derniers temps (BAC NORD, ADIEU MONSIEUR HAFFMANN, GOLIATH), Gilles Lellouche est bien secondé, dans le rôle de Svetlana qui l’aide efficacement, par la séduisante actrice polonaise Joanna Kulig, remarquée en 2018 dans le film COLD WAR. Un film au titre déjà indirectement prémonitoire, tant il est vrai qu’on n’imagine pas KOMPROMAT sortir dans les salles de cinéma russes par les temps qui courent…
Jean-Michel Comte
LA PHRASE : « Si vous souriez tout le temps, vous mentez tout le temps » (Joanna Kulig à Gilles Lellouche).
- A voir : « Kompromat » (France, 2h07).Réalisation: Jérôme Salle. Avec Gilles Lellouche, Joanna Kulig, Michael Gor (Sortie 7 septembre 2022)
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