La vie du Docteur Hida racontée dans "Destin d'un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima" de Marc Petitjean. (photo) Mirage Illimité

Livre. « Destin d’un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima », le nouveau livre de Marc Petijean, raconte la vie du Docteur Hida. Ce médecin japonais irradié lors du bombardement d’Hiroshima en 1945 est un irréductible. Il a voué son existence, engagé sa ferveur et ses convictions aux hibakusha, les survivants de la bombe atomique. Un portrait qui ne s’oublie pas.


Dans « Destin d’un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima », Marc Petijean rend plus qu’un hommage au docteur Hida, il nous le donne à voir sensible, déterminé, d’une patiente intelligence face à l’horreur du drame. Un récit du désastre, des désastres, un chemin parcouru aux côtés d’un homme d’exception qui n’a jamais failli, ni courbé l’échine devant l’ennemi


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La vie du Docteur Hida racontée dans « Destin d’un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima » de Marc Petijean. (photo) Mirage Illimité

Marc Petitjean est un conteur. Il conte la vie du docteur Shuntaro Hida (1917-2017). Il le rencontre en 2005 dans un cimetière shinto perdu dans la montagne, il a 88 ans. Et fait la connaissance d’un survivant de la bombe atomique lancée sur Hiroshima, le 6 août 1945, à 8h15. 12 mars 2011, après le séisme de magnitude 8,9 et du tsunami qui avait ravagé le nord-est du Japon, le réacteur n°1 de la centrale de Fukushima explose. Le docteur Hida aura cette phrase en forme de sentence : «Vous verrez, ça se passera comme à Hiroshima et à Tchernobyl…»

Cet homme hors du commun a été irradié par la déflagration de la bombe A, mais n’a pas déclaré de maladie. «Il avait vu le diable et lui avait tenu tête assez longtemps pour en faire le récit.» Il est face à des symptômes inconnus, il touche des peaux en lambeaux, il voit des personnes carbonisées qui mourraient sans savoir pourquoi. Il restera longtemps hanté par ces regards hagards lui exprimant, désespérés, «que nous est-il arrivé ?», « remplis de regret et de haine».

Le «Destin d’un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima» de Marc Petitjean rend compte d’un combat, une lutte acharnée qui va demander des comptes. Le médecin décide d’une mission, la sienne, celle de toute une vie : défendre les hibakusha (les survivants de la bombe atomique), les écouter, les soigner, obtenir une reconnaissance, des indemnisations.


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En 1951, il était interdit au Japon de publier des articles sur la bombe, classée secret défense, et ses conséquences. L’armée américaine, développeur de la catastrophe, avait mis en place la censure. Docteur Hida va lacérer, fissurer l’édifice bureaucratique, politique et militaire. La dissimulation des symptômes internes, les invisibles, était de règle. Se taire. Ne pas faire de vague. Comme à Fukushima, les radiations résiduelles après l’explosion étaient niées, «on faisait comme si on ne savait», comme si tout était sécurisé, sous contrôle. Or, des hommes, des femmes, des enfants mourraient de cancers ou de leucémies longtemps après la tragédie.

D’Hiroshima à Fukushima, les pouvoirs publics et les gouvernements successifs font le choix d’une non-assistance à personne en danger. Déplacement de populations irradiées. Abandonnées sans soins. Docteur Hida ne s’appuie ni sur la spiritualité ni sur les rituels, il veut comprendre. En humaniste éclairé, amoureux de littérature, «il devait vivre pour ceux qui l’avait quitté prématurément». Il conjugue médecine avec justice sociale. Vice-président du syndicat des hôpitaux, membre du Parti communiste japonais (PCJ), le seul parti qui exigeait le retrait des troupes américaines du sol nippon. Une purge rouge est organisée par les gouvernements américain et japonais, McArthur veut le licencier.

Qu’à cela ne tienne, avec le soutien du PCJ, vont se créer des cabinets solidaires, les Min Iren. Et toujours et encore, «soigner, rassurer, comprendre» le malaise des hibakusha. Rejetés par la société, ils sont assimilés à des pestiférés, ils portent sur leurs visages, leurs corps malades la trace de la défaite du Japon. Ils étaient encore 300 000 dans les années 1980.


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« Destin d’un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima » de Marc Petitjean

Pèlerin au nom des autres, docteur Hida se rend au siège des Nations unies en 1975 pour réclamer l’abolition complète des armes nucléaires dans le monde. De conférence en débat, il n’a de cesse de répéter et prouver que la bombe A continue de tuer 30 ans après. En 1977, lors d’un symposium à Tokyo, les conclusions permettent de démentir les rapports officiels japonais et américain et ont fait connaître la réalité des hibakusha au monde entier. Quant au risque des irradiations internes, «nous n’avons pas pu l’évoquer à cause de l’opposition des médecins japonais sous influence américaine».

Par les mots et la narration, dans «Destin d’un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima», Marc Petijean rend plus qu’un hommage au docteur Hida, il nous le donne à voir sensible, déterminé, d’une patiente intelligence face à l’horreur du drame. Un récit du désastre, des désastres, un chemin parcouru aux côtés d’un homme d’exception qui n’a jamais failli, ni courbé l’échine devant l’ennemi. Et le lecteur garde en mémoire les images des dernières pages. Docteur Hida sur une plage avec le sentiment que toute la vérité n’a pas éclaté au grand jour, mais avec la vision d’un être peut-être un temps apaisé.

Virginie Gatti

  • A lire : «Destin d’un homme remarquable de Hiroshima à Fukushima» de Marc Petitjean. Arléa, 208 pages, 10 euros.

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