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Olivier Guez publie "Une passion absurde et dévorante". (photo) Hannah Assouline

Livre. Reporté d’une année pour cause de Covid-19, l’Euro de football va occuper une grande part de l’actualité en ces mois de juin et juillet. Parmi les ouvrages consacrés au ballon rond et parus ces temps-ci, on se précipite sur le nouveau texte d’Olivier Guez « Une passion absurde et dévorante ». Un livre indispensable à la gloire d’un football versatile et d’un ballon capricieux.


Ce sport qu’on appelle football est aussi, comme le démontre Olivier Guez au fil des pages de « Une passion absurde et dévorante », un outil formidablement précieux pour comprendre le monde. Un sport versatile, certes, mais capable d’offrir des moments, des périodes de grâce ultime


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Olivier Guez publie « Une passion absurde et dévorante ». (photo) Hannah Assouline

On le dit, et pas seulement en France, un des plus brillants connaisseurs de toutes choses ayant rapport au ballon, qu’on appelle aussi football (ou même soccer, de l’autre côté de l’Atlantique). On le dit aussi un des plus compétents pour expliquer l’art et la manière de manier ce ballon rond, les coulisses de ce sport le plus pratiqué au monde. A 47 ans, Olivier Guez jouit aussi d’une belle réputation dans le monde des livres- grand connaisseur de l’histoire des dictatures, il a écrit des essais (dont « L’Impossible Retour. Une histoire des juifs en Allemagne depuis 1945 »), un texte magnifique et indispensable (« Eloge de l’esquive ») ou encore deux romans : « Les Révolutions de Jacques Koskas », 2014, et « La Disparition de Josef Mengele », 2017, prix Renaudot).

En ce printemps-été d’Euro de football (11 juin- 11 juillet 2021) reporté d’une année pour cause de Covid-19, il nous revient avec un recueil au titre délicieux, « Une passion absurde et dévorante »– sous-titre : « Ecrits sur le football. 2014- 2020 ». Au menu de ce livre tout en dribbles et esquives : en avant-match un léger échauffement avec une entrée en forme de fiction, en première mi-temps quelques textes parus dans la presse et, en deuxième mi-temps de courts essais et réflexions sur cette passion aussi absurde que folle et dévorante inspirés tant par des choses vues et des portraits de joueurs d’hier et d’aujourd’hui.

L’auteur a plaisir à raconter qu’il a été happé par cette passion absurde et dévorante alors qu’il avait à peine 8 ans. C’était en été 1982, un soir. Il assiste à son premier match de football. C’est le coup de foudre, la passion soudaine- qui deviendra absurde et dévorante. Ce soir-là, l’enfant a été ébloui par les lignes pures du stade, ses projecteurs qui aveuglent tout inconscient qui se mettrait en tête de les fixer du regard… Il y a aussi cette pelouse verte, si verte, et puis ces lignes au blanc laiteux qui définissent le cadre du jeu- de la passion.

Il y a aussi les gradins et le public bariolé, chamarré. Naissance d’une passion, celle qui a fait dire à l’ancien président de la FIFA (Fédération internationale de football), le Suisse Sepp Blatter : « You know in football, people are mad. Football makes people mad ». Ce qui donne, en VF : «Vous savez en football, les gens sont fous. Le football rend les gens fous »– des mots que Guez a placés en ouverture de son livre…


«Une passion absurde et dévorante » d’Olivier Guez : une histoire d’amour foot…


Dans un récent entretien, l’auteur a commenté, avec des mots aussi chaloupés que les passes de Michel Platini à ses coéquipiers : « Regarder cette petite bataille avec des règles assez particulières, onze petits bonshommes contre onze petits bonshommes dont le but est de catapulter une sphère dans un filet, c’est assez absurde… Vibrer autant pour une chose comme ça ? Que ce soit partagé quasi universellement aujourd’hui sur tous les continents, par tous les sexes, toutes les catégories d’âges, que ça ait pris une telle importance économique, une telle ampleur politique, c’est fascinant. Et, au fond, c’est assez absurde… »

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Diego Maradona en mai 1986
Crédit : JORGE DURAN / AFP

C’est absurde, certes, mais ce sport qu’on appelle football est aussi, comme le démontre Olivier Guez au fil des pages, un outil formidablement précieux pour comprendre le monde. Et personne mieux que Guez explique pourquoi au Brésil, le foot beau est sport national, pourquoi en Allemagne, ce peut être aussi « foot, business et Pegida », évoquant le « Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes », mouvement de droite populiste qui défend le nationalisme allemand et l’anti-Islamisme, pourquoi Lev Yachine (gardien de but de la sélection de l’URSS 1954- 1967, Ballon d’or 1963 et nommé « meilleur gardien de but du 20ème siècle ») demeurera à jamais « la sentinelle rouge »

Mais aussi, même dévoré par la passion, Olivier Guez n’est pas dupe. Ainsi, peu avant la finale de la Coupe du Monde qui, le 15 juillet 2018, opposait la France et la Croatie, il lançait : « Epargnez-nous une deuxième saison de ‘’black, blanc, beur’’ », ajoutait : « Je redoute une victoire de l’équipe de France (…). Non sur le terrain… mais sur les plateaux, les forums et dans les tribunes (des journaux). Ils s’échauffent déjà, les sociologues, tous ceux qui voudront instrumentaliser un éventuel triomphe… », développait : « C’est l’équipe de France du début du 21ème siècle, de la mondialisation et des grandes migrations. Mais ne lui faites rien dire (ou pas trop) sur notre communauté nationale : le football est trop versatile et le ballon capricieux ».



Versatile le football, certes, mais capable d’offrir des moments, des périodes de grâce ultime. Avec des joueurs « magiques » comme Garrincha le dribbleur, Johan Cruyff le « Hollandais volant » ou encore George Best qui a fait côtoyer football et rock’n’roll, avec des entraîneurs « fuoriclasse » comme Cesar Luis Menotti l’Argentin…

Et puis, dans cette passion qu’a contractée Olivier Guez dès l’âge d’enfant, il y a Diego Armando Maradona (30 octobre 1960- 25 novembre 2020). « Maradona est mort. Avec lui disparaît une certaine idée du football, un football de chair et de sang, poétique, baroque et ambigu. Du temps de Maradona, le football était un art dramatique : il reflétait la condition humaine ». Maradona, ce joueur qu’on surnommait « el pibe de oro » (l’homme en or) ou encore le « fils de Dieu ». Ce joueur doué comme un dieu et habité par le diable, ce joueur que Guez met sur le même plan du génie que le peintre italien Caravage (1571- 1610), et qui emmenait instantanément tout passionné.e de l’art du ballon au « pays du cerf-volant cosmique »

olivier guezSerge Bressan

  • A lire : « Une passion absurde et dévorante » d’Olivier Guez. Editions de l’Observatoire, 194 pages, 19 €.

EXTRAIT

« Dans l’imaginaire collectif, le Brésil est football, le football brésilien, et les dribbleurs les étoiles filantes de ce football champagne, le futebol arte. Fusées jaunes à liserés verts, épidermes caramel ou chocolat, contrôle, feinte(s), provocation, jaillissement, percussion : le dribble, cet art de dissocier le corps, les gestes et la conduite de balle, en quelques fractions de seconde, est l’essence du foot brésilien et d’une longue histoire».

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