INTERVIEW. Ayo revient avec « Royal ». Un album baigné de délicates mélodies acoustiques où la chanteuse à la voix feutrée, laisse parler son cœur sur fond d’ambiances jazzy-soul. A découvrir au Trianon, Paris, où elle sera le 2 avril.
Dans « Royal », l’émotion est rendez-vous. Rien ici n’est forcé, l’interprétation d’Ayo est naturelle et sa voix-instrument fait merveille. Un registre tout en douceur où elle laisse parler son cœur
Née en Allemagne d’un père Nigérian et d’une mère tzigane roumaine, Ayo que l’on a comparée à ses débuts à Tracy Chapman, a très vite trouvé sa place grâce à un univers reggae-folk et un regard conscient sur le monde. A l’image de « Gravity at last », son 2ème opus, dont les thèmes parlaient d’amour mais aussi des politiques, de corruption.
Avec « Royal », son 6ème album, produit par le guitariste Freddy Koella, qui a joué pour Bob Dylan ou Willy Deville, la chanteuse de « Joyful » explore des ambiances plus jazzy et des rythmes chaloupés qui se marient bien à son timbre caressant : « Le reggae, comme le jazz qu’on trouvait déjà sur mon premier album, toutes ces ambiances font partie de moi, de mon éducation » confie-t-elle, de passage à Paris : « A la maison, en Allemagne, j’écoutais Nina Simone, Sarah Vaughan, Ella Fiztgerald, Billie Holiday. Ces grandes voix du jazz m’ont donné des frissons et m’ont touchée. C’est grâce à ces femmes extraordinaires que j’ai aimé le jazz. Dans la vie, il y a des étapes, des changements, on cherche d’autres choses. Avec le jazz on retrouve le plaisir d’être en harmonie, de ralentir le rythme et de se recharger en une énergie qui fait du bien. »
Rien ici n’est forcé, l’interprétation d’Ayo est naturelle et sa voix-instrument fait merveille. Un registre tout en douceur où elle laisse parler son cœur. L’émotion est au rendez-vous et Ayo se révèle plus épanouie, sereine et heureuse de pouvoir donner du bonheur aux gens, en partageant un message de tolérance. Un chant royal où vibrent l’amour et l’altruisme, qui résonne comme une réponse au climat de violence: « Aujourd’hui, on a besoin d’amour, d’énergie positive, d’espoir. Pour moi, tous ces sentiments sont royaux. Si on les a en soi, on a gagné. »
Ayo, qui vivait encore récemment à Brooklyn (New-York), a subi la nouvelle politique d’immigration de l’administration Trump. Pendant deux ans, elle a essayé en vain de régler la situation de sa fille Billie-Eve, qui n’ayant pas de carte verte, n’est pas considérée comme résidente américaine : « Mon garçon Nile a une carte verte, mon petit JJ (Jimi-Julius) qui est né là-bas est Américain mais ma fille Billie-Eve ne l’a pas encore et donc n’a pas l’autorisation de revenir aux Etats-Unis si elle part en vacances à l’étranger. C’est vraiment la séparation des familles. C’est une catastrophe! » réagit Ayo : « Nile a eu sa carte verte au temps d’Obama et maintenant, c’est un cauchemar. »
Plutôt que de forcer le destin, elle a décidé de changer de vie. Ayo a choisi de s’installer avec ses enfants à Cascais au Portugal, une ville balnéaire située à une trentaine de km de Lisbonne. « Je crois qu’il n’y a pas de hasard dans la vie. Brooklyn à un moment c’était très cosmopolite mais maintenant, ils sont en train de changer tout cela et les prix de l’immobilier flambent. C’est devenu un peu le nouveau Manhattan ».
Pourquoi le Portugal ? « J’ai toujours aimé ce pays, où je partais en vacances avec les enfants. Je faisais du surf. J’aime bien l’eau, être sur ma planche et prendre des vagues tranquilles. Depuis des années, je me disais, « mais on est bien au Portugal, il fait toujours beau, c’est agréable, les gens sont très gentils ». Là-bas, rien n’est cher. C’est très simple. Il y a une vraie qualité de vie. Cascais est comme un petit village, en dix minutes on est sur les plages où je peux faire de longues promenades. J’avais besoin de paix. »
« Royal » est aussi l’occasion pour la chanteuse de rendre hommage à la chanson de Maxime Le Forestier, « Né quelque part », qu’elle reprend en beauté. Deux autres reprises figurent sur l’album, « Trow it away » d’Abbey Lincoln et « Fools’gold » de Lhasa : « Abbey Lincoln était une femme magnifique… Quand je regarde sa vie, j’espère que je pourrai être comme elle pour les décisions qu’elle a prises. Et Lhasa, ça été la plus belle rencontre que j’ai malheureusement faite trop tard dans ma vie. Elle est aussi forte que Joni Mitchell, Rickie Lee Jones. Quelle femme, quelle musicienne, quel être ! Elle n’avait pas d’ego. Elle n’a pas seulement chanté, elle a donné toute son âme à travers ses chansons. » Comme le fait aujourd’hui Ayo à travers son nouvel album, qu’elle dévoilera en tournée à partir du 20 mars et sur la scène du Trianon à Paris le 2 avril.
Texte Victor Hache
Album Ayo « Royal » – 3ème Bureau/ Wagram music. Tournée à partir du 20 mars. Concert le 2 avril au Trianon, 80 boulevard de Rochechouart 75 018 Paris.
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