Sorti en 1991 « Tous les Matins du monde » est un très grand film d’Alain Corneau, avec Jean-Pierre Marielle dans le rôle du compositeur M. de Sainte-Colombe. Après la mort de l’acteur le 24 avril 2019, une chaîne de télévision avait lancé un sondage sur le réseau Twitter pour savoir lequel de ses films resterait dans les mémoires. Quelques jours plus tard, un tiers des réponses plaçaient en tête de sa filmographie « Tous les Matins du monde ». Une pépite du cinéma.
A travers « Tous les matins du monde », le réalisateur Alain Corneau nous fait ressentir le mystère de l’âme de M. Sainte-Colombe. Le film popularisa la viole de gambe et la musique baroque et l’immense Jean-Pierre Marielle, totalement habité par son rôle, mit tout son talent à reproduire, en les mimant les gestes du violiste
Cette fiction historique relate la rencontre de deux violistes au XVIIème siècle, en France. Le compositeur M. de Sainte-Colombe (1640-1700 – Jean-Pierre Marielle), grand maître de la viole de gambe, vit retiré en province dans sa propriété avec ses deux filles, après la mort de sa femme. Il refuse le rôle de courtisan à la cour du Roi Louis XIV et passe une partie de ses journées à composer dans une chaumière au fond de son jardin. Un jour, Marin Marais (1656-1728 – Guillaume Depardieu), jeune homme doué mais ambitieux, lui demande avec ferveur d’être son élève. Sainte-Colombe après un mois de réflexion accepte…
Tiré d’un roman de Pascal Quignard, le film commence par la fin de vie de Marin Marais (Gérard Depardieu), célèbre violiste à la cour de louis XIV. Il se souvient de son professeur M. de Sainte-Colombe. Ce dernier était intransigeant avec son jeune élève, il l’était également avec ses deux filles. On mesure l’opposition des deux musiciens, l’un austère, qui n’est que colère et obstination, l’autre, courtisan, mondain, qui composa beaucoup de drames lyriques et connut la gloire.
En son temps, Sainte-Colombe fut une sorte de rebelle à l’Etat, au Roi, un insurrectionnel dans cette France d’alors. Il a composé une musique très secrète, presque « spéciale » que Jordi Savall, grâce au film, a rendu célèbre. Son travail totalise 177 pièces pour viole de gambe seule et 67 pour deux violes. L’instrument avait d’abord 6 cordes mais il en rajouta une, la plus grave. C’est ce qui rend sa musique si actuelle.
Alain Corneau (*), le réalisateur, nous fait ressentir le mystère de l’âme de Sainte-Colombe, janséniste, dans une véritable œuvre d’art tout au long du film, rappelant les tableaux de Philippe de Champaigne (peintre du célèbre portrait en pied de Richelieu).Totalement habité par le personnage, Jean-Pierre Marielle est inquiétant de pureté musicale.
Si le film fit connaître la viole de gambe et la musique baroque, c’est aussi parce que le Conservatoire national supérieur de musique avait créé un cours, en 1988 sur le modèle de la Schola Cantorum de Bâle, en Suisse. A la fin de la troisième semaine d’exploitation en salles, il totalisait plus de 750 000 entrées en France, se classant à la première place au box-office. Quant à la bande originale, due à Jordi Savall, qui fit un savant travail d’assemblage de musiques d’époque (Jean-Baptiste Lully, François Couperin…) elle s’écoula à 70 000 exemplaires (disque d’or) en trois semaines !
L’immense Jean-Pierre Marielle mit tout son talent à reproduire, en les mimant les gestes du violiste. Gérard Depardieu, est dans une subtilité de jeu dont il ne se départi jamais, Anne brochet est sensible et interprète une délicate fille de Sainte-Colombe. Quant à Guillaume Depardieu, il a un phrasé jeune, correspondant exactement à un adolescent de son âge qui vient quémander les leçons du maître. Un très grand film, beau à voir et beau à entendre.
Jane Hoffmann
- A Voir: « Tous les Matin du monde » d’Alain Corneau avec Jean-Pierre Marielle, Gérard Depardieu, Anne brochet, Guillaume Depardieu sur France 5 lundi 18 janvier à 20 :50
(*) Alain Corneau a réalisé de nombreux films policiers, dont « Police python 357» (1976), « Le Choix des armes » (1981), « Fort Saganne » (1984), « Nocturne indien » (1989), « Stupeur et tremblements » (2003). Avec « Tous les matins du monde » (2000), il change de sujet et de style, signant son premier film en costumes.