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Maria Mazzotta : "Je suis venue à la musique traditionnelle par hasard en y découvrant une sorte de magie qui reliait le public et les musiciens"

Interview. Nous avions découvert la chanteuse italienne Maria Mazzotta lors d’un concert en Italie dans les Pouilles en 2014. On a suivi ensuite avec beaucoup d’admiration son actualité musicale. Nous l’avons retrouvée d’abord à Lyon début juillet à l’occasion d’un concert devant l’Opéra avec le groupe toulousain Pulcinella, avec qui elle vient de sortir l’album « Grifone », puis à Avignon où We Culte a pu s’entretenir avec elle. Entretien.


Maria Mazzotta: « La musique traditionnelle ne connaît pas de frontières. La pizzica du Salento est une musique de transe. Et la transe on la retrouve dans le monde entier »


Maria Mazzotta est originaire de Lecce dans les Pouilles, au sud de l’Italie. Elle y a acquis une solide formation musicale avant de se passionner pour le chant du Salento, la région à l’extrême pointe de l’Italie. Elle a intégré ensuite le Canzoniere Grecanico Salentino, un groupe qui a eu un rôle majeur dans le renouveau de la musique traditionnelle des Pouilles, un rôle équivalent à celui qu’a joué Alan Stivell en Bretagne dans les années 70.

Car il y a là-bas un incroyable élan de renouveau musical qui connaît un immense retentissement en Italie. Tous les ans, au mois d’août, un formidable festival ouvert à tous les métissages affole des publics enthousiastes dans les villages de ce territoire pour se conclure par un concert final, La Notte della Taranta, qui réunit, en dehors des années pandémiques, plus de 150 000 personnes.

Maria Mazzotta, a pris maintenant le parti de projets plus personnels, d’abord avec un violoncelliste albanais, puis avec un musicien espagnol et enfin, en son nom propre avec son album « Amoremaro », qui a reçu un accueil enthousiaste au sein des réseaux des musiques du monde. Elle a trouvé aussi le temps de travailler avec les toulousains de Pulcinella, un groupe de jazz très créatif avec qui elle a sorti « Grifone », album paru en juin, où elle fait revivre avec talent la chanson de ses terres d’origine.


Maria Mazzotta, le chant des Pouilles a rendez-vous avec le monde


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Maria Mazzotta

Comment est né « Grifone », l’album que vous avez réalisé avec Pulcinella ?

Maria Mazzotta : J’ai commencé à travailler avec Pulcinella il y 3 ans. Lors d’une carte blanche qui leur était proposée, ils m’ont invitée à un de leurs concerts. Après cette première expérience on a décidé de faire un album ensemble. De mon côté j’avais déjà collaboré avec des musiciens qui ne sont pas de ma culture, mais avec eux ça a été magique. Ce sont des musiciens de jazz très à l’écoute et j’ai senti qu’ils s’approchaient de ma musique sur la pointe des pieds avec un profond respect et un grand intérêt sur la fonction des chants de mon répertoire.

D’où viennent les chansons de cet opus?

Maria Mazzotta : La majorité des chansons vient de chez moi, du Salento dans les Pouilles. Il y a aussi une chanson albanaise car le Salento est proche de l’Albanie et beaucoup d’albanais vivent dans ma région. Il y a également une chanson napolitaine et une composition dont j’ai écrit le texte sur une musique du saxophoniste de Pulcinella. Le Salento est une petite langue de terre au milieu de la mer. Il y a donc beaucoup de voyageurs qui y passent toujours. On y parle le griko, une langue proche du grec. Les albanais sont venus y vivre depuis longtemps. Autant de raisons qui peuvent expliquer le métissage musical qu’on y trouve.

Vous tournez en ce moment en Europe avec les chansons d’« Amoreamaro », votre précédent disque. Quel était ce projet ?

Maria Mazzotta : C’est mon projet le plus personnel et le premier disque à mon nom. Je « l’ai cousu sur moi-même » dirait-on en italien. Le CD est sorti en janvier 2020 et la tournée a donc du s’arrêter en mars à cause de la pandémie. Cet été on a beaucoup de dates dans toute l’Europe. Dans « Amoreamaro », je m’intéressais à plusieurs cultures, les Balkans, l’Iran, la Roumanie mais c’est aussi un retour vers l’Italie avec des hommages à des chanteuses et chanteurs italiens et des chansons traditionnelles de plusieurs régions italiennes. Cet album est une réflexion sur l’amour, cette émotion qui est capable de faire sortir le meilleur de chacun mais aussi le pire comme le montre les féminicides et toutes les violences faites aux femmes.

Je me nourris de toutes les musiques traditionnelles. C’est ce qui m’a conduit à collaborer avec le danseur espagnol Miguel Angel Berna, danseur très important de la jota d’Aragon. avec qui j’ai fait l’album « Dos Tierras ». J’ai beaucoup appris avec lui, grâce au spectacle que nous avons fait ensemble. J’ai compris comment marcher sur la scène, l’importance des lumières et il a traduit en danse de façon incroyable ce que je chante. Le plus étonnant c’est qu’on retrouve en Espagne le phénomène du Tarentisme [une maladie qui se soignait par la transe de la tarentelle ou de la pizzica tarantata, croyait-on depuis le Moyen-Age] bien connu dans le Salento. En Espagne on utilisait la jota de la même façon qu’on avait recours à la pizzica dans ma région.

Vous aviez collaboré d’abord avec avec le violoncelliste Redi Hasa…

Maria Mazzotta : J’ai commencé à travailler avec lui en 2005. C’est un violoncelliste albanais qui vivait dans le Salento. Il m’a fait découvrir la musique des Balkans. On a sorti deux disques ensemble et essayé de construire un pont entre l’Albanie, les Balkans et le Salento qui partage beaucoup de choses en musique.


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Maria Mazzotta et le groupe toulousain Pulcinella (photo) Lionel Pesqué

Comment s’est passée votre participation avec le groupe Canzionere Grecanico Salentino ?

Maria Mazzotta : C’était ma première expérience avec la musique traditionnelle. Au conservatoire de Lecce, j’ai pratiqué la harpe et le piano. Je suis venue à la musique traditionnelle par hasard en y découvrant une sorte de magie qui reliait le public et les musiciens. J’ai eu la chance de rentrer tout de suite dans le Canzoniere qui est le pionnier du renouveau de la musique traditionnelle du Salento depuis sa création en 1975.

J’ai beaucoup appris avec son fondateur Daniele Durante, qui vient de mourir. Il m’a fait connaître le répertoire mais aussi l’esprit de cette musique, qui disait-il ne devait pas être pratiquée comme dans un musée. Il fallait donc la faire revivre avec notre propre expérience. Quand Mauro Durante a pris la succession de son père, le groupe a connu un immense succès. On a fait alors les plus grands festivals dans le monde. Car la musique traditionnelle ne connaît pas de frontières. La pizzica du Salento est une musique de transe. Et la transe on la retrouve dans le monde entier.

Entretien réalisé par Yves Le Pape


  • Concerts Amoreamaro : Marseille, Cité de la Musique le 24 septembre, Pessac le 9 octobre
  • Concerts avec Pulcinella : Digne le 2 octobre, Saint Céré le 23 octobre, Nérac le 12 novembre, Brest, le 7 décembre au Vauban, Paris, le 10 décembre au Pan Piper

 

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