Musique. Cinq ans après «The Wrong kind of war», Imany est de retour avec «Voodoo Cello». Un album aussi envoûtant qu’ensorcelant, dont la chanteuse d’origine comorienne fait vivre l’esprit sur scène, entourée de huit violoncelles. A découvrir au Grand Théâtre de la Coursive aux Francofolies dimanche 11 juillet.
Imany : « J’aspire tout le temps aux mêmes choses, à la paix de l’esprit, à la sérénité intérieure et autour de moi. Ça toujours été un désir. La maternité a apaisé un tas de choses et en même temps, ça m’a mis dans une forme d’urgence quant à l’importance de ce qui me reste à faire en tant que mère, chanteuse, en tant qu’individu »
«Le vaudou c’est une manière de voir les choses autrement» confie Imany qui revient avec un projet très différent de ce qu’elle faisait auparavant. Un spectacle à la fois théâtral et pop à découvrir à la Coursive aux Francofolies de La Rochelle, où la chanteuse d’origine comorienne sera entourée de huit violoncelles. Un concert acoustique qui sera tout « sauf sage » sourit-elle, où elle dévoilera les chansons de son nouvel album « Voodoo Cello », à paraître le 3 septembre : «ce ne sera pas un medley de mes trois disques, c’est vraiment « Voodoo Cello» dit-elle à propos de cet opus de reprises coups de cœur aux influences folk-soul, classiques ou contemporaines, au titre à la fois mystique et magique : «Le nom est un petit clin d’œil au «Woodo Child» de Jimi Hendrix. On fait appel à l’esprit du violoncelle qui peut sonner comme une guitare électrique, comme un clavier, c’est génial ! Le fait qu’il ait un corps de femme, qu’il soit l’instrument le plus proche de la voix humaine, il y a quelque chose de l’ordre du mystique. On a l’impression qu’il est animé au sens latin du terme, qu’il est vivant dedans». Un concert qui promet d’être ensorcelant, porté par la voix grave de cette envoûtante prêtresse très groovy, qui va retrouver le public rochelais après deux passages en 2012 et 2017.
Votre dernier disque, « The Wrong Kind of War » c’était il y a cinq ans. Qu’avez-vous fait entre temps ?
Imany : J’ai fait une grosse tournée mondiale, j’ai élevé un enfant, un garçon qui a 5 ans et j’en ai eu un deuxième (rires), une fille qui a deux ans. C’est beaucoup de travail…
Vous avez aussi fait un burn out. Comment expliquez-vous votre dépression ?
Imany : Le burn out est arrivé avant mon deuxième enfant. Il faut dire que j’avais commencé fort, j’ai accouché et je suis allé sur la route trois ou autre mois plus tard. Je crois que c’est une accumulation de choses. Je sortais d’une tournée épuisante, j’ai enchaîné avec une autre, que j’ai dû arrêté parce que j’étais enceinte de six mois. J’ai eu une grossesse épuisante et je n’ai jamais vraiment arrêté. Enceinte, j’ai écrit, on est allé en résidence, j’ai écrit le deuxième album, on a enregistré, après j’ai accouché et je suis repartie sur la route aussitôt avec un bébé sur le dos. Il y a eu le succès du single, de l’album, il y a eu les promos dans le monde entier. Parce que les gens ne se rendent pas compte. Ce n’est pas juste les dates de concerts qu’on voit sur le calendrier. Il y a plein de choses autour…
Vous avez songé à arrêter le métier ?
Imany : J’ai y pensé. Parce que quand je voyais mon enfant, j’étais trop fatiguée, j’’ai eu des problèmes de santé. Finalement, j’avais perdu la joie dans tout cela. Je me disais que tout ce rythme-là, ce n’était pas du tout fait pour moi. Ça n’avait plus de sens. Il n’y avait plus de plaisir.
Aujourd’hui, vous avez retrouvé l’envie. Comment est née l’idée de votre nouveau projet «Voodoo Cello» ?
Imany : Je me suis posée. J’ai eu un deuxième enfant dans des conditions beaucoup plus calmes. Je n’avais rien de mieux à faire que de m’en occuper. J’ai pris le temps. Le problème, c’est que quand on travaille beaucoup, on n’a plus d’espace pour réfléchir, pour respirer et au bout d’un moment on étouffe. Ce projet Woodoo Cello, je l’avais en moi depuis longtemps. C’était une autre grossesse, si on veut (rires). Depuis la fin du premier album, j’avais envie de faire un projet de reprises avec des cordes. Au départ, je pensais à un quatuor et puis ce n’était pas le moment. J’ai mis cette idée dans un coin, en me disant : « le jour où j’aurai envie juste de m’amuser, je ressortirai ce projet ». C’est ce qui s’est passé. J’ai pensé que le seul moyen de revenir à la musique de manière sereine, ça devait passer par le prisme de l’amour et du plaisir pur.
Francofolies. Imany va ensorceler La Rochelle avec «Voodo Cello»
C’est un album où vous êtes entourée de huit violoncelles. Pourquoi le choix de cet instrument ?
Imany : Il y a toujours eu le violoncelle dans mes arrangements. Même sur scène, où il y avait basse, batterie guitare et deux violoncelles. J’ai une relation particulière avec cet instrument depuis longtemps. Pourquoi l’octuor ? Je n’y aurais pas pensé, c’est le violoncelliste avec qui je travaille sur scène, qui m’a dit : «en musique classique sur scène, c’est quelque chose qui existe. Ce n’est pas si utilisé, mais par rapport à ce que tu as envie de faire, j’ai l’impression que cela conviendra. Et tu verras le son est exceptionnel»….
Entre ce que vous faisiez précédemment et votre musique d’aujourd’hui, c’est presque le grand écart…
Imany : Oui et non. Parce que la manière de faire de la musique est la même. La seule chose, c’est que jusqu’à présent, je n’étais pas à l’origine des arrangements des albums. J’ai été un peu « la stagiaire de ma vie » (rires), comme nous tous, quand on est en apprentissage. J’ai été découverte, je ne connaissais pas grand-chose à la musique. J’ai été un produit de développement et j’ai vraiment regardé, observé comment les gens faisaient autour de moi. Je me sentais prête et j’avais les mêmes réflexes que j’ai développé sur les autres albums. Mais au lieu d’amener un bassiste ou un pianiste pour les lignes harmoniques, j’ai utilisé les violoncelles et arrangé le projet avec mes deux violoncellistes historiques. Je leur ai dit : « je vais vous chanter ce que j’entends et on va essayer de le construire comme ça ».
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Un octuor à cordes et une seule voix, avec des ambiances acoustiques, à la limite du classique et du contemporain, c’est plutôt osé. Une manière pour vous de sortir de votre zone de confort ?
Imany : C’est exactement ça. C’est une manière aussi d’écouter la voix qui est en moi. J’aurais pu me dire « c’est risqué, les gens ne m’attendent pas là, il vaut mieux que je fasse ce que je sais faire et ce pour quoi je suis bonne ». Mais, j’avais cette voix qui me disait : « viens, on fait ça » et je l’ai écoutée. C’est peut-être l’âge. J’ai atteint la quarantaine, j’ai deux enfants. Il y a ce truc de se dire : « je suis à la moitié de ma vie, qu’est-ce que j’ai envie d’accomplir encore ? ».
Vous auriez pu interpréter vos propres titres, mais vous avez préféré reprendre des chansons d’artistes comme Madonna, Neil Diamond, Henri Salvador ou Bonnie Tyler. Vous vouliez leur rendre hommage ?
Imany : Le choix a été extrêmement difficile, d’autant plus que je suis quelqu’un qui écoute toutes sortes de musiques. Je n’ai pas été élevée dans une chapelle, donc j’écoute beaucoup de chansons qui viennent de milieux très différents. Sur les 25 que j’ai arrangé, on en a gardé 12 pour le disque, mais sur le spectacle, il y en a 18. La première chanson que j’ai faite, c’est « If you go away » de Neil Diamond (« Ne me quitte pas »), parce que j’ai entendu là où il fallait aller. «Total Eclipse of the heart» de Bonnie Tyler, c’est une chanson aux arrangements 1990 que j’adore, que je chantais à tue-tête quand j’étais gamine. Au départ, c’était beaucoup de chansons de mon enfance et on s’est rendu compte qu’il fallait ouvrir à d’autres générations, c’est comme ça que j’ai voulu reprendre «Take Me to Church » de Hozier, une des grandes chansons des années 2010, pour moi une des meilleures. Ce sont des chansons coup de cœur.
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Des chansons qui témoignent également de vos engagements, qui racontent le combat des femmes au quotidien, la sororité, les méfaits du capitalisme, les ravages de la drogue…C’était important pour vous de vous exprimer sur ces sujets ?
Imany : En fait, pour bien faire mon travail, il faut que je puisse croire en ce que je chante. Même si ce sont les mots de quelqu’un d’autres, il faut que je puisse défendre les chansons et les assumer. La musique c’est aussi une manière d’avoir une conversation avec les gens. C’est des thèmes que j’ai choisi d’aborder parce ce que je les trouve intéressants, importants, profonds. On en a besoin pour commencer à se poser des questions.
Chanter, c’est une forme d’engagement pour vous ?
Imany : Il y a une phrase de Nina Simone que j’aime beaucoup qui dit que « c’est la mission de chaque artiste de conter les temps dans lesquels nous vivons ». C’est ça notre boulot. Ce n’est pas juste divertir. Je prends très à cœur ce qu’elle dit, je suis d’accord avec elle. C’est une chance incroyable d’être animé par des mélodies, une voix et de pouvoir les exposer à des millions de gens. C’est pourquoi il ne faut pas faire n’importe quoi et pas n’importe comment. Surtout, il faut se rendre compte que c’est un privilège et qu’il faut en faire profiter tout le monde. C’est ma manière de voir les choses.
Comment vivez-vous votre évolution depuis vos débuts ?
Imany : Il s’est passé douze ans, j’espère que je vais dans le bon sens ! (rires). Aujourd’hui, je me sens bien. Je pense qu’il y a de la marge et que je pourrai évoluer encore. En fait, j’aspire tout le temps aux mêmes choses, à la paix de l’esprit, à la sérénité intérieure et autour de moi. Ça toujours été un désir. Je pense que la maternité a apaisé un tas de choses et en même temps, ça m’a mis dans une forme d’urgence quant à l’importance de ce qui me reste à faire en tant que mère, chanteuse, en tant qu’individu. Ça a mis un coup de boost à tout cela.
Entretien réalisé par Victor Hache
- Imany aux Francofolies, dimanche 11 juillet 14h30 – Grand Théâtre, La Coursive En tournée jusqu’au 19 juin 2022. Concert le 15 novembre, au Théâtre Musical du Châtelet.
- Album « Voodoo Cello », label «Think Zik!» (Sortie 3 septembre)