le chanteur louis arlette sort l 'album

#Entretien. Un an après « Sourire carnivore », le chanteur Louis Arlette revient avec l’envoûtant « Des ruines et des poèmes ». Un album rock-électro aux influences littéraires où alternent ombres et lumières, qui fait écho au sentiment d’ère babylonienne et de fin de civilisation de la société contemporaine.

Entre chaos, colère sourde, rancœur, énergie brute, passion romantique et bouillonnement rock-électro, l’univers des « Ruines et des poèmes » de Louis Arlette dessine une riche fresque sonore émaillée de textes très denses

Louis Arlette est sûrement le plus tourmenté et lettré des artistes de la scène des musiques actuelles. L’un des plus créatifs aussi. On s’en convainc à l’écoute de l’étrange et envoûtant « Des ruines et des poèmes », son deuxième album, qui après le précédent « Sourire carnivore », fait écho à l’impression d’ère babylonienne et de fin de civilisation de la société contemporaine. Un album sombre et lumineux, traversé de nombreuses références littéraires.

Pour « Des ruines et des poème », le chanteur parisien s’est inspiré de la mythologie grecque et de la lecture de L’Iliade d’Homère, livre qui l’a énormément marqué. Entre chaos, colère sourde, rancœur, énergie brute, passion romantique et bouillonnement rock-électro, son univers dessine une riche fresque sonore émaillée de textes très denses. En témoigne « La discorde », « Tokyo », « Hécatombe », « Petite Mort », « Médecine », « l’Ange » ou « Je suis un soir d’été » reprise de Jacques Brel. Auteur-compositeur et ingénieur du son entouré de machines, Louis Arlette qui a longtemps travaillé dans l’ombre du duo électro Air, est sorti de sa chrysalide pour devenir cet artiste habité par un sentiment de tristesse et d’inquiétude devant l’évolution du monde. Un univers mêlé d’orages, de tourments et de rêves poétiques, moteurs de sa création à la beauté sauvage, dont on ne ressort pas indemne.

Louis Arlette

Comment est né « Des Ruines et des Poèmes »?

Louis Arlette : C’est parti d’une référence à L’Iliade, un livre que j’ai énormément lu l’année dernière. Ce morceau qui a donné son nom à l’album, est venu d’une réflexion que je me suis faite par rapport au personnage d’Hector, le héros de l’ombre de L’Iliade qui se fait tuer par Achille à la fin de la guerre de Troie. Hector est un personnage moins flamboyant,  mais c’est un homme très droit voué à devenir roi, qui se fait évincer par Achille. Au moment où il se fait tuer, il prend une lance dans la gorge et Homère précise qu’il peut quand même essayer de dire quelques mots. J’ai essayé de les imaginer et de les développer, parce que je suis attaché au personnage d’Hector auquel je m’identifie. J’essaie de faire un lien entre cette fin de civilisation, que j’ai l’impression qu’on est en train de vivre, cette ambiance un peu babylonienne, et mes expériences personnelles.

Une fin de civilisation, carrément ?

Louis  Arlette : J’ai l’impression de faire partie d’une génération où on a découvert que le monde allait s’arrêter bientôt. Quand j’’étais enfant, on ne se posait pas toutes ces questions, on n’avait pas ces problèmes de rapport à la terre, au climat, à la couche d’ozone, à la surpopulation. C’est monté et maintenant, ça fait partie littéralement de nous. Comme si on nous avait démontré que le monde finalement n’est pas aussi rose que cela. On a eu cette désillusion-là. Les climatologues sont tous d’accord là-dessus, on va dans le mur. La montée des eaux va se produire, simplement on ne sait pas à quelle vitesse. On sait qu’on sera 10 milliards en 2050 et qu’on ne pourra pas nourrir tous les êtres humains. On essaie d’envisager toutes les possibilités. On nous parle de manger de la fausse viande, de fabriquer des insectes. Je pense que la seule manière de changer les choses, c’est de changer de comportement individuellement. Aujourd’hui, on parle du climat, mais on n’agit pas. En tant qu’être humain, je trouve ça déprimant et regrettable qu’on aille aussi vite vers la catastrophe.

Diriez-vous qu’il y a une forme d’ « intranquillité » dans votre musique, comme le suggère la chanson « La carence »?

Louis Arlette : Complètement. Fernando Pessoa qui a écrit « Le livre de l’intranquillité » décrivait son âme comme une épave de bateau vomie par la marée, qui séchait sur le sable. Il y a beaucoup de vision de Pessoa dont je me suis inspiré pour cet album, mais également dans le précédent « Sourire carnivore », où il y a une chanson « Le naufrage »  qui renvoie à son univers. Il disait « je ne suis pas pessimiste, je suis triste« . Je trouve ça assez vrai, même si je ne me sens pas pessimiste. J’ai beaucoup d’amour pour la vie et les gens, simplement, je suis triste qu’il finisse et qu’on assiste à la fin de ce monde.

Vos textes sont très denses. Comment expliquez-vous qu’ils soient autant nourris de littérature ?

Louis Arlette : C’est Proust qui considérait que la littérature était le seul moyen de communiquer entre les êtres et que la conversation, le contact social avait beaucoup de défaut, d’imperfection et qu’on ne pouvait pas palier à ça. La littérature nous parle de la transmission, une chose que je trouve très belle et que permet l’art. J’ai le sentiment de perpétuer une pensée que je me suis appropriée et de faire vivre les auteurs qui ont eu cette pensée avant moi. Le fait d’utiliser des références dans mes textes n’est pas un moyen de me cacher, mais d’étayer. Cela me permet de me situer en ayant des pairs.

D’où viennent les tourments qui habitent votre univers ?

Louis Arlette : Je ne saurais l’expliquer. Gainsbourg disait « c’est joli  un ciel d’été, mais si tu prends une photo d’un ciel bleu, ça n’a aucun intérêt. » Alors, que si on prend une photo d’un ciel nuageux, cela fait des reliefs, des ombres, c’est magnifique. Personnellement, je suis très attaché à mes tourments ! (rires). C’est ce qui me définit en tant qu’être humain. On ne peut pas vivre sans. C’est une façon de les extérioriser, de les accepter et de les dominer, certainement. C’est, je crois, ce qui fait qu’on est humain. J’ai appris à les aimer. C’est aussi une définition de la créativité et un moteur.

Vos concerts ont un côté sauvage. Quel est votre rapport à la scène ?

Louis Arlette : Je pense que la scène doit être un peu «sale». Tous les artistes qui m’ont marqué en live, sont ceux qui parviennent à se libérer du côté lisse et produit du studio et qui pouvaient donner une énergie brute. L’énergie du concert, pour moi, c’est une énergie très sauvage et j’ai envie de dire, sexuelle. Je pense à des artistes comme Iggy Pop ou Nine Inch Nails, le Velvet underground, Lou Reed. Cette énergie rock, pour moi, est quelque chose d’important. Je n’aime pas les concerts où les choses restent sages et policées. J’ai envie de sueur ! (rires).

Album « Des Ruines et des poèmes », label Le Bruit Blanc/Differ-Ant

Lire aussi: Musique. Louis Arlette, brûlant “Sourire Carnivore” : https://www.weculte.com/interview/louis-arlette-brulant-sourire-carnivore/

 

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