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Cécile Coulon publie « La Langue des choses cachées » (c) Laura Stevens

Livres/Interview. Dans « La Langue des choses cachées », l’autrice Cécile Coulon explore la puissance poétique de la nature et la brutalité des hommes. Elle part, d’un lieu pour dire comment les événements persistent à travers les générations. Son roman hors du temps de 130 pages, est addictif.


Cécile Coulon : « J’ai envie de savoir quel chemin mes livres tracent dans l’imaginaire des gens »


L’histoire : À la tombée du jour, un jeune guérisseur se rend dans un village reculé. Sa mère lui a toujours dit : « Ne laisse jamais de traces de ton passage.» Il obéit toujours à sa mère. Sauf cette nuit-là.

L’autrice de « Une bête au Paradis », Prix littéraire du Monde, « Trois saisons d’orage », prix des Libraires, et du recueil de poèmes « Les Ronces » prix Apollinaire, aime rencontrer ses lecteurs. Pour l’écrivaine solitaire, ces partages sont toujours chargés d’émotion.

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Cécile Coulon « La langue des choses cachées »

Les Français aiment les rendez-vous littéraires. Qu’est-ce que cela dit de notre société ?

Cécile Coulon : Que beaucoup de choses remontent à l’enfance. Quand on est enfant, on aime que nos parents nous lisent des histoires. Beaucoup d’adultes, inconsciemment peut-être, aiment retrouver cet émoi. Même si des écrans nous mettent le nez dans des vies parallèles, virtuelles, ce moment où on est tous autour du feu, même s’il y’a pas de feu dans les librairies, nous ramène à l’enfance.

Ces rencontres sont-elles le prolongement de l’œuvre ?

Cécile Coulon : Un livre est une conversation différée entre le lecteur et l’écrivain. Les rencontres épaississent l’œuvre et nourrissent les suivantes. En voyant les librairies pleines, j’ai la sensation de ne pas être inutile. Je suis bonne élève, alors j’aime répondre à une attente. J’aime aussi l’idée qu’on va se retrouver.

C’est votre neuvième roman. Et pourtant, on perçoit toujours chez vous beaucoup de doutes ?

Cécile Coulon : C’est vrai. J’ai envie de savoir quel chemin mes livres tracent dans l’imaginaire des gens, si mes mots ont réussi à faire leur propre sentier dans la vie de quelqu’un. Je suis une très grosse lectrice. J’adore rentrer chez moi et me dire qu’un livre m’attend. J’ai envie de savoir si j’arrive à faire naître cette émotion chez les autres. Marie-Hélène Lafon, qui est pour moi le Johnny Hallyday de la littérature, a dit un jour : « Faire de la fiction c’est faire des nuages de fumée ». C’est ce que j’ai tenté de faire, d’où la couverture.



Vous avez déclaré : « Dans la vie, il faut parfois se construire contre : ce qui ne veut pas dire, ne pas aimer ceux qui nous ont fabriqués »

Cécile Coulon : Absolument. Je suis heurtée quand on prétend que désobéir c’est forcément être en rupture violente. Je pense qu’on peut désobéir doucement. On peut dire, je vous aime mais je ne vais pas faire comme vous, je vais prendre un autre chemin. Je suis toujours assez étonnée de voir qu’on met d’un côté ceux qui font comme on leur a dit de faire, et de l’autre, ceux qui font autre chose. Comme s’il était impossible de ne pas se trouver au même endroit et pourtant de s’aimer.

Vous dites : « L’enclave n’est pas une injustice ». Pourquoi ?

Cécile Coulon : J’ai habité dans un village. Il fallait absolument partir pour faire des études. Il ne fallait pas rester. Et en même temps, c’est ceux qui restent qui font vivre les lieux qui nous sont si chers. Il y a toujours ce grand paradoxe inextricable. Toutes les générations se posent un jour la même question. Faut-il rester ? Faut-il partir ? Et aussi : pourrons-nous revenir un jour ? Mais pour moi, l’enclave peut aussi être l’endroit de l’imaginaire. Parce qu’on est bridés par le paysage, on va en faire sortir des histoires. C’est primordial dans l’écriture.

Votre livre interroge sur ce que les générations qui nous précèdent ont laissé comme empreinte sur ce qu’on est aujourd’hui ? C’était une volonté ?

Cécile Coulon : Oui Ce livre raconte une histoire de transmission, de désobéissance, de filiation. Et pose cette question : Qu’est-ce qu’une personne fait avec les restes de sa famille ? En l’occurrence, dans ce livre, les pouvoirs qu’elle transmet aux plus jeunes. Comment se construit-t-on ? Et dans cette construction qu’est-ce qu’on décide de mettre de côté. Je suis très intéressée par la question des traumatismes intergénérationnels. Un évènement datant d’il y a 150 ans peut vous retomber dessus en 2024.

Dans votre roman, l’homme est d’une grande violence…

Cécile Coulon : Dans ce livre l’ambiance est sombre et violente. Je n’ai jamais écrit de livres joyeux. La joie n’est pas l’endroit d’où je sais écrire. Nous côtoyons tous la violence. Il suffit d’écouter les informations, d’ouvrir des livres pour constater qu’elle est souvent là. J’essaie d’en parler par la fiction. Je ne sais pas en parler autrement parce que je suis souvent trop émue pour trouver le bon langage. La fiction est une manière, non pas de l’éradiquer mais de l’harmoniser.

Selon vous, la poésie permet-elle d’évoquer les non-dits ? 

Cécile Coulon : Le genre poétique impose de simplifier. C’est le genre parfait pour faire passer des émotions, impossibles à faire passer dans l’espace social.

Vous publiez chaque jour un court poème sur Instagram. Pourquoi ?

Cécile Coulon : Le matin, on écoute la radio. Et, on regarde ses SMS et ses mails. J’aime l’idée que les gens puissent aussi lire un poème comme on regarde ses messages. Le virtuel a beaucoup de mauvais côtés. Mais il permet en quelques minutes de donner à lire, voir, penser, émouvoir et d’être ému.

Entretien réalisé par Christian Panvert

  • A lire : Cécile Coulon : « La Langue des choses cachées » (L’Iconoclaste)

Les prochaines rencontres avec Cécile Coulon :

– le 14 mai : librairie Lajarrige. La Baule-Escoublac.

– le 15 mai : librairie le Failler. Rennes.

– le 17 mai : librairie La petite. Lille.

– le 25 et 26 mai festival Oh les beaux jours. Marseille.

– le 4 juin Librairie La Grande Ourse. Dieppe.

– le 5 et 6 juin au Festival Terres de Paroles. Seine-Maritime.

– le 7 juin à la librairie Cosmopolite. Angoulême.


 

 

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